L’INSURRECTION D’AIT MOQRAN CONTRE LA FRANCE EN 1871 : LA KABYLIE PERD SON INDÉPENDANCE

KABYLIE (SIWEL) — L’insurrection de Lhadj Mohand Ait Moqran de 1871 signe la fin du royaume des Ait Abbes. En effet   Mohand Aït Moqran fils d’Ahmed Ait Moqran, un des gouverneurs de la région de la Medjana  succède à son père non pas comme Khalifa, mais comme Bachagha. Ce passage de l’administration militaire à l’administration civile lui fait perdre beaucoup de  son pouvoir. Cependant Mohand Ait Moqran démissionne en 1871 et se révolte contre les Français en mars.

Grâce au Chikh Amezian Aheddad de la Zaouia Rahmania qui a rejoint cet appel en avril, Ait Moqran consolide son action et mènera son armée jusqu’à Bordj Bou Arreridj. Cette révolte donc mal préparée finira cependant par être vaincue par l’armée française et ouvrira la porte à cette dernière pour annexer la Kabylie à ce qui deviendra plus tard l’Algérie.

Ait Moqran sera tué le 05 Mai 1871 durant la bataille d’Asif Souflat dans la région de Tuviret. Son coprs reposera à la Qalaa des At Abbes. Après sa mort la révolte sera maintenue sous la bannière de son frère Boumezreg jusqu’à son arrestation le 20 janvier 1872.

Cette insurrection avait soulevé 250 tribus, c’est-à-dire un tiers de la population autochtone, et mobilisé plus de 200 000 combattants dont 100 000 cavaliers kabyles et les autres étaient « armés » juste de bâtons et de pierres. La répression de la part de l’armée coloniale avec ses 86 000 soldats professionnels aidés de leur supplétif d’indigènes (tirailleurs algériens (Turcos), marocains et tunisiens, spahis, goumiers), sera des plus sévères. Elle se caractérisera, par de nombreux internement et déportations des citoyens kabyles au bagne en Nouvelle Calédonie (dont les deux fils du Chikh Améziane Aheddad) mais aussi de confiscation de leurs terres, ce qui obligera de nombreuses familles kabyles à l’exil, notamment à Damas (Syrie).

 Mais quid du royaume des Ait Abbes ?

Selon Marmol : « Les Ath Abbas ont toujours maintenu leur liberté, sans payer  aucun tribut ni au Roi ni au Prince. En 1550, ils avaient pour Chef Abdelafis (Abdelaziz),  l’un des plus braves guerriers de l’Afrique ». En effet tagelda Nat Abbes contrôlait la petite Kabylie et ce du 16 au 19eme siècle. Cette principauté est aussi connue sous le nom Ait Moqran en référence à la famille qui régnait sur cette royauté les Moqrani. La capitale du royaume des Ait Abbes fut évidemment la célèbre Qala des At Abbes située sur la chaîne des Bibans, les Portes de Fer (Tiwwura n wuzal).

Ce royaume fondé par les derniers émirs hafsides de Vgayet fut longtemps le bastion de la résistance aux espagnol et à la régence d’Alger et ce grâce à sa position stratégique mais aussi à la bravoure  des combattants kabyles. La capitale des At Abbes attira dès le début du seizième siècle des Andalous, des chrétiens, de juifs. Grâce à leur savoir faire la cité devient vite prospère notamment sur le plan industriel et artisanal. L’activité culturelle ne fut pas en reste puisque cette capitale a pu rivaliser avec ce qui se faisait de mieux dans le domaine avec les autres villes  de tamazgha. Pour preuve à son apogée le royaume des At Abbes s’étendait de la vallée de la Soummam au Sahara. Cependant au 17eme siècle, les chefs de royaume se donnèrent un autre titre : celui de cheikh el Medjana ce qui n’ôte rien à leur aura et à leur qualité de rois même si, un début d’émiettement  se faisait sentir.

L’arrivée des Français divise la famille Ait Moqran,  certains  prendront  le parti de la colonisation, d’autres celui de la résistance. Les Français, pour favoriser leur implantation dans la région, s’appuient sur les seigneurs locaux, maintenant une apparence d’autonomie de la région sous ses chefs traditionnels jusqu’en 1871. C’est ainsi que ces  souverains seront désignés tantôt sous les titre de sultan, tantôt de cheikh de la Medjana ou bachagha.

La défaite de l’insurrection  de 1871 signera la fin du règne des Ait Moqran et de leur rôle politique. La Qalaa des At Abbes tombera entre les mains des Français.

 Le royaume des At Abbes (ainsi que celui de Koukou) voilà tout un pan de notre histoire (nous Kabyles) que l’école algérienne n’enseigne pas. Enseigner cette épopée ouvrira les yeux à notre progéniture qui découvriront que leurs aïeux  ont pu  bâtir grâce à leur courage, leur détermination  des civilisations,  ont pu tenir  têtes à moult envahisseurs puissants  (Turcs, Espagnols, Arabes et français) et surtout que leur Kabylie fut de tout temps une contrée libre, gérée par ses seuls enfants.

Aujourd’hui on gagnerait à vulgariser l’histoire de  la Kabylie auprès de nos enfants, via tous les moyens possibles (livres historiques, bandes dessinées, dessins animés, séries, films, fresques) pour redorer leur blason, consolider leur encrage dans leur culture ancestrale afin qu’ils puissent vivre en harmonie avec leur Moi et en adéquation avec leur identité. Raconter à nos enfants ce que fut le royaume des At Abbes, ce que fut le royaume de Koukou revient à greffer dans leur conscience le sentiment de fierté et d’appartenance à une race libre et qui aspire à le redevenir. Cela reviendrait aussi à démystifier l’histoire officielle que le pouvoir d’Alger leur impose dans les écoles. Ils comprendront dès lors que pour exister il faut savoir reconquérir les espaces perdus, et les éléments fondateurs de la personnalité passent par la reconquête de son territoire, et de son histoire.

La commémoration de l’insurrection de 1871 devrait servir de prétexte ou d’occasion  pour lancer des chantiers de vulgarisation de l’histoire de cette Kabylie : conférences-débats  sur le sujet, devraient être un point de départ pour une  prise en charge totale de notre propre histoire, nos cinéastes, historiens, écrivains sont d’ores et déjà interpellé dans ce sens.

H@S
SIWEL 161325 MAR 21