LE CRIME JUDICIAIRE ALGÉRIEN CONTRE LARBAA NAT IRATEN ET LA KABYLIE

Poker menteur autour d’un meurtre orchestré par un pouvoir fourbe

« Axxam mbla tiɣemmaṛ
Am taddart mbla amɣaṛ.
»

« Entre l’inconvénient de se répéter, et celui de n’être pas entendu, il n’y a pas à balancer. » – Louis de Bonald, philosophe et académicien français (1754-1840) –

« Sapere aude ! » Aie le courage de ton propre entendement ! – Emmanuel Kant (1724-1804), injonction empruntée au poète latin, Horace (-65/-8) –

La justice est représentée avec un bandeau sur les yeux, une balance dans une main et une épée dans l’autre. Cette représentation trouve son origine aussi bien dans la mythologie grecque que dans le christianisme. Le bandeau sur les yeux représente l’impartialité. La justice, les yeux bandés, ne voit pas les accusés. Pauvres ou riches, faibles ou puissants, roturiers ou nobles, laïcs ou religieux, elle peut ainsi décider en toute objectivité. Le symbole de la balance, lui, est l’un des plus anciens de la Justice. La religion égyptienne, puis la tradition chrétienne, font de la balance l’instrument de la pesée des âmes et des actes. La balance représente l’équité, l’équilibre, la prudence et l’harmonie. Ces notions forment la base de la vie en société, que la Justice est chargée de préserver. Quant à l’épée, elle symbolise l’aspect répressif de la Justice. Il rappelle que le rôle de l’institution judiciaire est également de sanctionner.

Pour l’islam, religion inventée seulement au VIIe siècle, l’instrument de la pesée est la Balance de l’au-delà qu’Allāh, selon la Tradition, dressera le Jour de la Résurrection pour mettre en évidence la valeur des actes des hommes, les bons comme les mauvais, nous effraient les exégètes et autres imposteurs. Et ne pensez pas y échapper, puisque sa précision est de l’ordre du poids d’un grain de moutarde, i.e. 0,003 gramme. En attendant ce Jour (c’est-à-dire dans quelque 3 milliards d’années ; quand la Terre sera dans la zone chaude du Soleil, cessant alors d’être habitable), le Musulman-juge de la Régence, bourreau avant ɛezṛayen, use royalement de l’arbitraire pour rendre la justice non pas sous un palmier nain, mais sous les ors d’une République, fort généreuse avec ses suppôts et corruptrice avec les simples d’esprit.

Dans les pays démocratiques, il existe une culture qui conçoit parfaitement que la privation de cette faculté sensorielle ouvre l’accès à un degré supérieur de connaissance : celui qui « ne voit pas » est censé être le mieux placé pour se consacrer à ce savoir-faire vital pour toute société, qui consiste à répartir le bon droit et le tort.

Qu’en est-il du système politique du pays des illusions ? C’est un régime despotique qui impose ses lois dictées par des gourous autoritaires à des juges béni-oui-oui obligés d’abandonner le DROIT (cadre des règles qui permettent de vivre ensemble en société, car si chacun pouvait faire ce qu’il voulait, personne n’aurait de limites et nous ne pourrions pas cohabiter en harmonie).

Dans l’exemple qui nous intéresse aujourd’hui, c’est-à-dire les Kabyles accusés d’avoir lynché, le 11 août, un « visiteur » lors des terribles et dévastateurs incendies de l’été 2021 (plusieurs dizaines de victimes et des milliers d’hectares ravagés), les juges chargés de faire connaître le droit n’avaient pas porté, ce jour-là, le bandeau habituel de la Justice, mais avaient scruté les prévenus par le petit bout de la lorgnette sectaire du « Système ». Ils étaient frappés de cécité judiciaire ! Avant d’enfiler leur costume d’audience – symbole d’uniformité, d’égalité entre les magistrats qui composent le tribunal et

de rappel à ceux-ci des devoirs de leurs charges -, ils s’étaient, toute honte bue et tout scrupule foulé aux pieds, « dévêtus » de leur libre arbitre. Ils se sont laissés dépossédés de l’autonomie de jugement, et ont subi une lobotomie de la capacité d’analyse objective de l’événement traité.

Rappelons, en ce qui concerne cette affaire, qu’en première instance, qui s’est déroulée du 15 au 24 novembre 2022, quarante-neuf personnes sont condamnées à la peine de mort. Lors du procès en appel (15-23 octobre 2023), le Procureur général près la Cour d’Alger, en date du 23 octobre 2023, annonce le verdict dans un communiqué : peine capitale à l’encontre de trente-huit accusés, condamnés pour « homicide volontaire avec préméditation, torture et incitation à la torture, mise à feu volontaire des cultures ayant entrainé la mort de plusieurs personnes, création et adhésion à un groupe ou à une organisation s’adonnant à des actes de sabotage, agression contre des agents de la force publique et publication du discours de haine et de discrimination. » Rien que ça ! Passée maîtresse dans l’art des outrances, la République des copains et des parrains, des tartarins et des pantins, des nains et des requins, des coryphées et des thuriféraires, l’auberge du régime, n’a pas l’habitude de faire preuve de retenue quand il s’agit de la Kabylie. D’ailleurs, le « Système » assume pleinement une posture complotiste aux accents anti kabyles criards. Juger équitablement en appliquant le droit, n’est pas le droit de punir de manière discriminée.

Nos ennemis, qui ont une vision anhistorique de la Kabylie, sont capables de tramer la « Nuit de Cristal kabyle » comme le fit Goebbels (1897-1945) sur ordre d’Adolf Hitler (1889-1945) pour organiser des pogroms afin d’intimider les populations juives et les pousser à l’émigration. Cependant, les Kabyles n’ont de patrie que celle léguée par leurs Ancêtres – qui n’ont jamais colonisé personne, faut-il le ressasser ad nauseam – présents sur cette terre depuis des temps immémoriaux : la Kabylie.

Dans la même affaire, « six accusés sont condamnés à une peine de vingt ans de prison et vingt-trois autres à une peine de prison allant de trois à dix ans, tandis que vingt-six autres sont acquittés. »

Vous avez lu, comme moi : de quarante-neuf personnes condamnées à mort, en 2022, les juges sont passés à trente-huit, en 2023 ! Pourquoi ces onze personnes ont-elles « mérité » la mort lors du verdict de première instance et pas en appel ? Ensuite, comment peut-on condamner à mort autant de personnes sans apporter la moindre preuve crédible ?

Au procès historique de Nuremberg (novembre 1945-octobre 1946), qui jugea des dignitaires nazis impliqués dans un conflit mondial ayant entraîné la mort de quelque 60 millions de personnes, le Tribunal militaire ne condamna à mort « que » 12 accusés sur 22, pourtant tous partisans de « la solution finale ».

Concernant le meurtre lui-même, comment la centaine de personnes incriminées peut-elle se concerter afin de préméditer un tel acte ? Il s’agit, en réalité, de la méthode utilisée par Paul-Alain Léger, expert en subversion, pendant la guerre 1954-1962, qui aboutit à la « Bleuite ». L’ancien baroudeur d’Indochine a berné la naïve Roza* en la faisant balader dans une Versailles traversant le marché fort animé de Bordj-Menaïel afin que tout le monde puisse constater, de visu, qu’elle se promène aux côtés d’un officier parachutiste français. C’est une manière de l’exposer à la vindicte du FLN. C’est ce qui s’est produit avec l’« homme lynché ». En effet, selon des témoignages, la police de Laṛvɛa n At Yiraten a trouvé un malin plaisir à exhiber l’homme dans un véhicule de service parcourant la ville, et de le présenter à la population comme un pyromane. On connaît la suite, que Gustave Le Bon (1841-1931) a analysée dans « Psychologie des foules » : lorsque des individus sont réunis, ils ne raisonnent pas de la même manière que s’ils étaient seuls.

Pour les autorités coloniales, « en voilà une idée qu’elle est bonne », comme dirait un humoriste ! C’est du pain béni, une aubaine inespérée pour le « Système » afin de présenter à l’opinion publique une Kabylie sous des traits hideux, lesquels traits ne lui appartiennent pas, de diaboliser la région à tous les étages et, singulièrement, faire le procès en sorcellerie des indépendantistes, qui, avouons-le, donnent des ulcères gastriques aux doctrinaires de l’islamo-arabisme, horripilent la caste des « barrettes étoilées », contrarient les partisans de l’« Opération zéro Kabyle », et, surtout, leur tiennent, magnifiquement, courageusement et pacifiquement, la dragée haute. Que souffrent donc les voix opportunistes kabyles acquises au régime !

Selon APS (Algérie Presse Service, l’agence de presse étatique algérienne), la Pravda du Pouvoir ou la Voix de son Maître, les personnes ayant été condamnées à mort ont notamment été reconnues coupables d’ « actes terroristes et subversifs ayant porté atteinte à la sécurité de l’État, à l’unité nationale et à la stabilité des institutions ; de complot ». Mensonge éhonté à la soviétique !

D’après la décision rendue par la chambre d’accusation de la Cour d’Alger, qu’a pu analyser Amnesty International, au moins six personnes ont été poursuivies en raison de leur lien avec le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (M.A.K.), un important groupe politique injustement désigné comme organisation « terroriste » par les autorités coloniales en juin 2021. Or, les indépendantistes ne s’impliquent jamais dans ce genre de « kermesse ». Ainsi, évitent-ils de donner au pouvoir répressif des bâtons pour se faire battre.

« En prononçant des sentences capitales dans le cadre de poursuites collectives à l’issue de procès iniques, les autorités algériennes affichent leur mépris total pour la vie humaine, mais adressent aussi un message très inquiétant sur la manière dont la justice est rendue en Algérie aujourd’hui », a déclaré Amna Guellali, directrice adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

« Il est absolument honteux que les autorités algériennes instrumentalisent le lynchage d’un homme pour poursuivre en justice leurs détracteurs et des membres du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK). Cette répression obstinée est une violation grave des droits à la liberté d’expression et d’association, mais aussi du droit à la vie », a insisté la même Amna Guellali.

Il convient de signaler que les procès des personnes incriminées sont entachés de violations des garanties d’un procès équitable et d’allégations de torture, tandis qu’au moins six des accusés ont été poursuivis en raison de leurs supposées affiliations politiques, a déclaré Amnesty International le 9 janvier 2023 après le verdict de 2022. En 2023, cinq accusés ont déclaré au tribunal avoir été soumis à la torture ou à des mauvais traitements en détention.

Après que j’ai « couché douloureusement » les lignes ci-devant, je suis saisi par une frénétique envie de hurler à tue-tête à la face du pouvoir criminel de la Régence : où sont donc les pouilleux assassins de Matoub** Lwennas (1956-1998), Tahar Djaout (1954-1993), Kamel Amzal (1962-1982) …, des personnalités de hautes qualités intellectuelles et humaines sacrifiées sur l’autel de l’intransigeance politique et religieuse ? La Kabylie devient, au fil du temps, une nation davantage riche en histoire et en martyrs.

Lors de la Révolte du peuple kabyle, consécutive à l’agression de Massinissa Guermah (1983-2001) dans les locaux des forces d’occupation des At Dwala (blessé le 18 avril 2001 aux deux membres inférieurs par une rafales tirée d’une kalachnikov – AK 47 – du gendarme Mestari Merabet, le décès survient le 20 avril de la même année), lesdites forces colonialistes ont fait usage de balles explosives (balles conçues pour se fragmenter afin de faire des dégâts considérables, notamment quand elles touchent le crâne ou le squelette – liquéfaction du cerveau et « éclatement » de la boîte crânienne sont couramment observés – comme l’attestent des documents nécropsiques du rapport du professeur M. Issad) contre les manifestants. Aussi, entre 2001 et 2003, le bilan s’élève-t-il à 128 morts (127 décès sur le champ et un 128e manifestant est mort, plus tard, des suites de ses blessures), des centaines de blessés, dont certains handicapés à vie.

Bien que les assassins de manifestants kabyles soient clairement identifiés par les citoyens et les comités de village, aucune poursuite n’est engagée à leur encontre. Iwet-iyi Waɛṛav, šetkaɣ-as i gma-s (« le pouvoir arabe tue, le pouvoir arabe enquête »). Pourtant, les rapports d’autopsie (rapport préliminaire de M. Issad du 7 juillet 2001) démontrent l’intention de tuer, et l’usage de balles explosives ne laissent aucun doute. Le rapport*** de M. Issad (1936-2011) donne un exemple : « Une victime transportée par Maître Fellahi, a été arrachée de ses mains par les gendarmes de la brigade de Mekla qui l’ont achevée. » Quant au mari de Nadia Aït Abba, enseignante tuée à Ɛin Lḥemmam, le 28 avril, il déclare, tel que rapporté par le quotidien Le Matin du 23 mai 2001 : « les gendarmes ont violé les franchises scolaires. Ils ont saccagé de nuit l’école où enseignait la défunte avant d’écrire sur sa blouse : ‘’Vive la gendarmerie nationale et à bas Tamazight’’ ».

Bien que les accusations soient accablantes pour les forces coloniales, et singulièrement pour la gendarmerie, il n’y a et il n’y aura jamais de procès contre ces canailles, ces meurtriers animés d’une volonté irrépressible de « casser du Zwawi ». Même pas dans un simulacre de procès dont, pourtant, le « Système » est friand, afin d’innocenter les sordides coupables. Circulez, y’a rien à voir ! Et le gérontocrate grabataire – le chef suprême des gueux assassins – est décédé de sa petite mort, sans craindre le Dieu auquel il a érigé un « palais inhabitable », qui a englouti quelque 150 milliards de DA, probablement dans une ultime tentative d’absoudre ses frasques et crimes kabyles, que par croyance en Allāh. « Limmer telli tideţ, iwimi taẓallit ? »

Depuis 1962, un pouvoir arbitraire et assassin s’est établi sur les ruines d’un autre colonialisme, lequel a chassé et remplacé l’expansionnisme ottoman en 1830. Et il traque sans relâche celles et ceux qui se placent dans l’« illégalité » afin de dénoncer, courageusement, l’oppression étatique sur la Kabylie. Il est noble de défier les forces d’occupations pour défendre sa patrie, car lesdites forces sont persuadées que « l’esprit sain » qui les anime est au-dessus des lois universelles.

Notes

* « Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie », écrivait le général chinois, Sun Tzu (-544 /-496), dans « L’Art de la guerre ». Comme l’avait prévu Paul-Alain Léger, Tadjer Zohra, dite Roza, révoltée par les « secrets » appris dans le bureau du capitaine (en vérité, les lettres qu’elles a vues sont de fausses missives rédigées par Léger lui-même), elle est « montée » au maquis, bien décidée à tout mettre en oeuvre pour démasquer et faire châtier les « traîtres ». Grande est sa surprise quand elle se voit arrêtée dès son arrivée au PC du FLN. Le capitaine Hasen Mahiouz, devant lequel elle comparaît, la traite d’entrée d’espionne à la solde de Léger. « Ne t’a-t-on pas vue à Bordj-Menaïel, en compagnie du

parachutiste, dans une voiture ? » Après être torturée et avoir avoué des faits qu’elle n’a jamais commis – et pour cause -, elle est égorgée.

La « Bleuite » fut une opération d’infiltration et de déstabilisation de ce bastion FLN, la Kabylie, lancée en 1957-1958 (mais l’opération dura jusqu’en 1961) par le capitaine Paul-Alain Léger. Le « nettoyage » aurait fait quelque 4 000 morts, des victimes innocentes.

** En ce qui concerne l’assassinat du chantre de l’amazighité, le pouvoir a trouvé des boucs émissaires pour tenter de calmer sa famille et ses fans, alors que les véritables commanditaires courent toujours et ne risquent nullement d’être inquiétés.

Quant aux autres femmes et hommes happés par l’hydre islamiste, celle-là même qui avait mutilé, égorgé, carbonisé et frit des enfants, comme l’avait reproduit, il y a peu de temps, l’engeance proche-orientale, leurs familles ne pourront jamais faire le deuil de leurs chers disparus. Les ignobles assassins ont même obtenu pardon, honorabilité et rente confortable.

*** Remis à la présidence de la République, le rapport n’a plus fait parler de lui. Interrogé par TSA, en 2007, sur le sort réservé à son travail, M. Issad, a eu cette réponse : « Je n’en sais rien. Tout ce que je sais et ce que vous constatez, vous les journalistes, c’est que le système de la justice est loin de suivre les recommandations du rapport (…) je ne peux qu’être horrifié et peiné des condamnations prononcées à l’encontre des accusés, que la presse publie au quotidien. Je ne peux pas être fier de la justice de mon pays lorsque je vois ce grand nombre de mandats de dépôt et mandats d’arrêt internationaux ».

« L’indépendance de la justice n’est pas seulement une bannière levée par la société civile et la presse, on ne peut parler d’indépendance que lorsqu’il y a une parfaite confiance dans le système juridique. Or, on constate tout à fait le contraire, sur ce, je m’adresse au pouvoir politique pour qu’il veille à garantir l’équité des jugements rendus par la justice », a-t-il poursuivi.

Un Kabyle insoumis

SIWEL 161315 NOV 23

[Illustrations : DR / Caricature de Dilem paru dans le journal indépendant Liberté, fermé par le régime algérie sur décision politique après 30 ans d’existence. Caricatures de Aïnouche]