CHRONIQUE D’UN RÉVEIL IDENTITAIRE KABYLE. LEQUEL ? CELUI D’UNE INDÉPENDANTISTE CONVAINCUE !

KABYLIE (SIWEL) — Illustration : Pourcentage de locuteurs du kabyle en Kabylie, cette carte à elle seule montre le carnage en cours …

Je me suis posée, il y a longtemps déjà, une question existentielle essentielle !
Qu’est-ce que l’Algérie pour nous les Kabyles, est-ce une chance, est-ce notre patrie ou à contrario notre mouroir, notre lieu d’enfermement ? J’ai bien sûr tranché depuis belle lurette, ce pays ne peut être notre lieu d’épanouissement dans la mesure où il nous a exclus volontairement et de façon acerbe de sa constitution autant philosophique qu’institutionnelle.

Dès le départ, tout a été fait pour abolir la sève amazighe de cette contrée, et plus particulièrement celle de la Kabylie continuant à s’en revendiquer !!! Oui l’émergence de ce pays ne s’est renforcée que par la haine de l’autre, cet autre, le Kabyle, montrant par son attachement à l’amazighité de cette terre le pot aux roses de cette histoire falsifiée faisant la part belle à l’héroïsme arabo musulman, l’émir Abdelkader en étant justement l’emblème frelaté !
On nous a rabâché dès les premiers jours de l’indépendance d’un pays qui n’existait pas avant sa colonisation, un concept complètement fou, délirant d’ailleurs, un slogan creux, vide de sens, pour persuader justement tout un chacun de sa légitimité d’existence, de son unité ancienne et surtout masquer sa vraie nature. Cette dernière est coloniale, elle n’est pas arabe, elle n’a aucun lien avec l’Orient, elle est amazighe, méditerranéenne…


Voilà donc ce slogan rabâché tant et tant, jusqu’à la nausée : « L’Algérie une et indivisible, moutawahida !!! Ou unité nationale »

Un slogan fumeux, du jamais vu car toutes les nations du monde ont conscience d’être des patchworks identitaires et elles savent pour une bonne part en faire une richesse sans dénier leur identité première. Ce pays, plus qu’un autre, est un État mais pas une nation !!! Il est bâti sur un mensonge, sur une histoire complètement falsifiée de bout en bout, niant sa vraie composante, ayant revêtu une identité importée combattant frontalement la vraie, ne lui faisant aucune place pire la méprisant, cherchant toujours à la réduire à une caricature, voire même parfois à une traîtrise justement vis à vis de cette unité nationale !

Et contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, ce n’est pas seulement le pouvoir en place qui adhère à cette idéologie, mais bien beaucoup de ses habitants se déclarant et se pensant non amazighs mais arabes, étant donc plus ou moins ouvertement partisans de celle-ci. Je vois d’ici les cris d’orfraie de certains à la lecture de ce passage, et pourtant dois-je leur rappeler un fait révélateur de cet état de fait, l’apprentissage de la langue amazighe n’a pas fait beaucoup d’émules parmi la population dite arabe, il a même été accueilli par un rejet net et franc se diffusant à travers tout le territoire algérien. Ce n’est pas un fait anecdotique mais bien un fait révélateur de la défiance vis-à-vis de la berbérité, l’amazighité de notre terre. Ils n’en veulent pas quand nous, nous sommes obligés de nous plier à leur langue, leur culture !!!

C’est cela l’unité nationale dont on nous rebat les oreilles ! C’est cela l’indivision, la fraternité ! Et c’est nous que l’on accuse d’être des diviseurs, de chercher querelle à l’unité nationale ! Ah mais oui c’est aux soumis (colonisés) de faire amende honorable, c’est bien connu, cela a toujours été ainsi, depuis que le monde est monde. Donc les retournements de situation, ça ne marche pas ou dirais-je plutôt plus, pour un nombre grandissant d’entre nous !!! Nous ne sommes pas semeurs de division mais plutôt révélateurs de celle-ci qui existe depuis le premier jour d’existence de ce pseudo pays, même au démarrage de sa libération. Pour Messali Hadj, le Kabyle était un microbe dans un corps affaibli. Pour Boudiaf, la Kabylie sera toujours un danger pour l’unité nationale. Et pourquoi ? Parce qu’ils savaient l’Algérie, factice, négatrice de facto de son essence ancestrale et de sa non-existence avant l’arrivée de la France…

Les Kabyles sont donc de bons Algériens seulement quand ils restent dans le pré carré qui leur a été imparti !!! A savoir quand ils oublient qui ils sont vraiment et qu’ils endossent sans réserve cette identité importée des lointaines contrées arabes. Voilà ce que les algérianistes kabyles doivent regarder en face ! S’ils ne le font pas, ils sont complices de ce qui nous arrivent et de la disparition programmée de l’âme kabyle, de notre culture, de nos usages, de notre langue. Il ne faut pas qu’ils s’imaginent qu’ils vont s’en sortir comme cela, que Taqvaylit va continuer d’exister. Ils n’ont qu’à regarder combien de territoires kabyles ont perdu leur âme au profit de celle de l’envahisseur bédouin. Ils ne parlent plus la langue de leurs ancêtres, ne se savent plus Kabyles etc etc. Ce n’est pas un délire de la part des lanceurs d’alerte mais bien une réalité, regardez Tuviret s’arabisant pour une part, Ziama Mansouria, Bordj Bou Arreridj etc etc
Si l’on ne prend pas garde, c’est ce qui va nous arriver, soyez en sûrs ! Si le cœur de la Kabylie est encore là et existe toujours, ce n’est pas grâce à l’Algérie mais à nous-mêmes uniquement, aux Kabyles luttant pour que nous continuons d’exister, ceux que l’on traite de racistes, de sectaires, de gens rabougris sur leur identité !

Vous pensez être libres ? Ce n’est qu’une illusion ! L’Algérie coloniale, pour vous donner ce sentiment, a juste un peu desserré la laisse après les différentes actions revendicatives des Kabyles, comprenant qu’elle risquait de faire éclater leur colère et de se retrouver avec une révolte ingérable pour elle.

J’ai pris conscience de cela quand j’ai été au lycée à Vgayet au début des années 90, avant le boycott scolaire de 1994-1995. Je n’avais aucune idée de ce qui se passait en Kabylie dans la mesure où je n’y avais jamais vécu réellement puisque je vivais en France, pays où je suis née. Lors de mon adolescence, ma famille avait décidé de s’installer à Vgayet. J’avais fourni des efforts surhumains pour apprendre la langue de mes ancêtres, je pensais me trouver dans un lieu où parler le kabyle était naturel, légitime et là dans ce lycée, j’ai appris que non que c’était un crime, que c’était interdit. Quel ne fut mon étonnement ! Dans la cour, un surveillant m’avait hurlé dessus juste parce que je m’étais exprimée en Kabyle !? J’étais dans la stupeur, je m’attendais à tout sauf à cela ! C’était incroyable pour moi, mais que se passait-il ? On pouvait parler dans toutes les langues, arabe, français, anglais mais pas celle de mes parents, de ma grand-mère que j’aimais tant ! Cet homme m’avait aboyé dessus avec une telle rage pour m’interdire formellement l’utilisation de la langue kabyle dans l’enceinte de l’établissement, me rappelant l’interdiction de son expression au sein de l’école algérienne ! A ce moment-là, un premier déclic s’était opéré en moi, il en a fallu d’autres mais celui-ci a été le plus important car ayant joué le rôle d’électrochoc.

Un autre jour, j’avais assisté à une scène effroyable dans ce lycée ayant un internat de garçons. Alors que j’étais à la surveillance générale, j’ai vu un jeune interne être giflé avec une telle force parce qu’il avait eu l’audace d’écouter dans le dortoir de la musique kabyle. Le surveillant lui hurlait dessus avec une hargne phénoménale, de la haine à l’état pur, palpable. La gifle donnée ou reçue, ça dépend de là où l’on se place, était telle que la joue du lycéen avait gonflé de suite. Devant cette scène incroyable, j’étais restée sans voix, complètement abasourdie devant tant de haine alors que nous étions sur notre terre, la Kabylie ! Le pauvre avait voulu protester mais l’homme au visage déformé par sa haine l’avait menacé de lui en coller une encore plus forte, ce qui avait bien sûr fait taire la protestation du lycéen ainsi violenté.

J’ai compris ce jour, dans mon for intérieur, l’abîme existant entre la Kabylie et l’Algérie. J’avais remisé ce sentiment, étant jeune et pas encore mûre pour être consciente entièrement du mal rongeant la Kabylie à petit feu, mais un certain avril 2001, tout m’est revenu en boomerang à la figure, et depuis cela ne m’a plus quittée.
Je suis persuadée aujourd’hui d’une seule voie pour le salut de la Kabylie, c’est sa véritable indépendance retrouvée, la nôtre, pas celle d’une nation factice, pas celle d’une entité coloniale ayant été créée justement pour mieux dominer. Seuls les enfants du territoire kabyle pourront en assurer sa prospérité, son développement, son épanouissement, son ouverture sur le monde car l’aimant sincèrement et sans réserve…

Vive la Kabylie libre et indépendante ! A bas la répression coloniale !

Une citoyenne kabyle, S.R

SIWEL 262130 SEP 21