PARIS (SIWEL) — A l’occasion de Yennayer 2964, Fathi N Khlifa, président du Congrès Mondial Amazigh, a présenté ses vœux aux peuples amazighs. Dans une vidéo transmise à notre rédaction, où il transmet son message en amazigh de Libye, le président du CMA retrace la situation dans laquelle se trouvent les peuples amazighs. De l’Adrar Ineffusen, à l’Ahaggar, d’Agadez à la Kabylie, du Rif aux Aurès, du Mzab à l’Azawad, Fathi N Khlifa a adressé à tous les amazighs un message de soutien, de solidarité et d’encouragements à tous les amazighs qui luttent pour arracher leur liberté et leur dignité. A l’instar de Ferhat Mehenni, Fathi N Khlifa était hier à Paris, place Trocadéro, au rassemblement de solidarité avec les mozabites. Ci-après la Vidéo des vœux de Fathi N Khlifa, ainsi que la déclaration du Congrès mondial Amazigh (CMA) qui reprend dans ses grandes lignes le message transmis par son président.

 

Yennayer 2964 – 2014

Les années passent et les menaces qui pèsent sur l’existence du peuple Amazigh, sur sa langue et sa culture millénaires, demeurent bien présentes malgré de maigres acquis de nature plus symbolique que réelle.

A titre d’exemple, dans les deux pays qui comptent la grande majorité des amazighophones, l’Algérie et le Maroc, la langue amazighe qui a pourtant accédé au statut de « langue nationale » en Algérie depuis 2002 et à celui de « langue officielle » au Maroc depuis 2011, demeure très marginalisée aussi bien dans le système éducatif que dans les administrations publiques. Les deux chaines de TV (Tamazight TV) créées dans ces deux pays pour faire connaître et pour véhiculer la culture amazighe, sont en grande partie instrumentalisées au service de la folklorisation et la falsification de l’identité amazighe.

Dans l’Azawad, l’existence du peuple Touareg est plus que jamais menacée. L’opération Serval de l’armée française déclenchée il y a un an, officiellement pour chasser les groupes islamistes et les narcotrafiquants du nord-Mali, n’a non seulement pas atteint les objectifs affichés mais s’est révélée comme une simple opération de restauration d’un Etat malien en faillite. Comme à l’indépendance du pays en 1960, la France a choisi ses « fidèles » et a délibérément exclu les Touaregs du processus démocratique en organisant à marche forcée, des pseudo-élections auxquelles n’ont pas pris part une grande majorité des populations de l’Azawad ainsi que les
milliers de réfugiés dans les pays voisins.

Parallèlement, l’armée française qui a réintroduit l’armée malienne dans l’Azawad, ferme les yeux sur les nombreux crimes commis par les militaires maliens sur les civils Touaregs pour se venger d’avoir été chassés de l’Azawad par le MNLA en février 2012. La situation est très préoccupante pour les populations locales dramatiquement exposées aux effets de la guerre que se livrent les troupes étrangères et les groupes islamistes terroristes pour le contrôle de ce territoire et de ses ressources. Ce n-ième supplice imposé aux Touaregs, exige une solidarité effective de tous les peuples épris de justice et de paix avec ce peuple autochtone dont la survie nécessite sa mise sous protection de la communauté internationale.

Au Maroc, le CMA se réjouit de la remise en liberté de Jamal Ouassou et Loucine Ait-Baha, après 2 ans de détention pour avoir osé dénoncer la spoliation des terres des paysans Amazighs dans la région du sud-est du Maroc. Le CMA qui a soutenu ces deux défenseurs des droits humains dès leur arrestation, salue leur courage et leur digne résistance.

Nul doute qu’ils continueront à s’opposer à l’arbitraire et aux exploiteurs des citoyens pauvres. Le CMA persiste également à dénoncer l’injuste détention des prisonniers politiques Amazighs Mustafa Oussaya et Hamid Ouattouch, emprisonnés depuis 2007 pour avoir seulement défendu les droits du peuple amazigh, ainsi que Mustafa Ouchtoban incarcéré à cause de son action pacifique dans la défense des droits et des intérêts de la population de Imider, un village proche de Tinghir qui résiste vaillamment depuis plus de 28 mois contre l’exploitation illégale de l’eau et des terres collectives du village par la Société Métallurgique d’Imider (SMI).

A tous, le CMA leur exprime de nouveau sa solidarité et les assure de son infaillible soutien.

En Algérie, la communauté Mozabite qui vit depuis des siècles dans son territoire historique de la vallée du Mzab est, depuis quelques années et de manière répétée, l’objet de graves violences perpétrées par des groupes appartenant à la communauté arabe Chaamba, avec le soutien des forces de police algérienne. L’année 2013 a été la plus éprouvante pour les populations Mozabites qui ont subi les assauts d’une rare violence des Chaamba, faisant des morts, des blessés et de considérables dégâts matériels. Les témoignages des citoyens et des défenseurs des droits humains, les photos et les images vidéo montrent clairement le parti pris des autorités algériennes en faveur des arabes Chaamba, contre les Mozabites Amazighs. N’est-ce pas là, l’expression du racisme d’Etat algérien qui veut en finir avec les Ait-M’zab ?

Au mois d’août 2013, un autre conflit oppose la communauté autochtone Touareg de In-Ideq (Bordj-Baji- Mokhtar) près de la frontière algéro-malienne, à la tribu arabe « Brabiche ». Au cours des affrontements qui ont fait entre 9 et 40 tués selon les sources, de nombreux témoins affirment que l’armée et la gendarmerie algérienne ont pris fait et cause pour la communauté arabe, en la protégeant et en lui prêtant main forte dans les attaques contre les maisons et les commerces appartenant à des Touaregs. Cela démontre une fois de plus la volonté des autorités algériennes d’éradiquer les Amazighs d’Algérie.

Le même racisme d’Etat est à l’œuvre dans la région de Kabylie où le pouvoir algérien verrouille les espaces de liberté et use de la violence, de la corruption, de la paupérisation et de l’insécurité pour bloquer toute initiative citoyenne indépendante. Il est pour le moins étonnant que «le terrorisme islamiste» ait été éradiqué dans toutes les régions d’Algérie, sauf en Kabylie ! Cela sert ensuite à justifier la militarisation à outrance de cette région et ainsi la contrôler étroitement. Les défenseurs des droits des Amazighs et les membres du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie particulièrement, subissent un harcèlement policier et judiciaire permanent, réduisant drastiquement leur liberté d’action.

En Libye et en Tunisie, la chute des dictatures a malheureusement profité à la mouvance islamiste intégriste qui ne rêve que d’un seul projet : instaurer la Chari’a islamique et étouffer les libertés fondamentales des hommes et surtout celle des femmes. Dans des conditions de forte insécurité liée à l’activisme des groupes islamistes armés, les Amazighs qui ont été les premiers résistants face aux régimes totalitaires déchus, tentent de s’organiser pour se préserver des violences et pour faire entendre leurs droits fondamentaux.

L’Archipel Canarien est le dernier bastion du colonialisme espagnol en Afrique. Ses ports, ses aéroports et ses routes sont sans cesse agrandis dans le but de convertir les Iles en un porte-avions, au service du programme de contrôle militaire du nord et du centre du continent Africain. L’eau, les fonds marins, le tourisme, etc., sont exploités colonialement. L’agriculture et la pêche sont démantelées en faveur des intérêts de la métropole.

Pour cette nouvelle année qui commence, conformément au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le Congrès Mondial Amazigh soutient le droit des peuples Canarien, Kabyle et celui de l’Azawad, à leur autodétermination et recommande pour les autres Amazighs et conformément à leurs vœux, l’instauration
D’Etats fédéraux accordant une large autonomie aux peuples et aux territoires.

C’est l’unique voie qui permettra aux Amazighs d’accéder au développement économique et social, de préserver et de promouvoir leurs institutions, leur culture et leur langue.

Aux côtés du mouvement amazigh de tous les pays de Tamazgha, le Congrès Mondial Amazigh réitère sa revendication d’instituer Yennayer, Jour de l’An amazigh, comme journée fériée, chômée et payée.

Le CMA recommande vivement aux entreprises, aux collectivités locales, aux associations et aux citoyens, de l’appliquer sans attendre la décision gouvernementale. Il est du droit et du devoir de chacun-e de contribuer à la réappropriation du patrimoine culturel amazigh en faisant de Yennayer un jour de fête.
Les échanges entre les peuples du nord de l’Afrique et le développement de cette région sont largement contrariés par la fermeture de la frontière algéro-marocaine et l’exigence de visas par certains Etats.

Le CMA qui rappelle que la délimitation des Etats du nord de l’Afrique est le fait du colonialisme, exige l’ouverture de la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc et l’abolition des visas pour tous les pays de Tamazgha (nord de l’Afrique). La liberté de circulation des citoyens de cette région ne doit être soumise à aucune restriction.

Imazighen, les Hommes Libres, font partie des derniers peuples opprimés dans le monde. Mais comme tous les peuples, leur destin est de vivre libres et dignes. Pour cela, ils doivent poursuivre l’action sans relâche pour faire reculer les injustices et obtenir la reconnaissance et le respect effectif de leurs droits et libertés. Par ailleurs, le dialogue international ne doit en aucun cas rester le monopole des Etats, excluant ainsi beaucoup de peuples.

En conséquence, le CMA réclame une représentation officielle des peuples sans Etat au sein de l’Organisation des Nations Unies, .selon des modalités à définir

Le CMA qui prépare son VIIème congrès général prévu l’été prochain en Libye, invite tous les Amazighs au rassemblement et à l’union pour porter haut nos ambitions de souveraineté. Le Congrès Mondial Amazigh souhaite à toutes et à tous beaucoup de force, de conviction, de courage et d’efforts afin de faire de l’année 2964-2014, une année décisive dans la reconquête des droits, des libertés et de la dignité des Amazighs.

Aseggas ameggaz, ifulkin, yeh’lan, ighudan, icnan, yulaghen,
bonne année, buen año nuevo, happy new year…

Paris, 1 Yennayer 2964 – 12 janvier 2014
Le Bureau et le Conseil Fédéral du CMA

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