Mise au point cinglante du Dr. Karim Achab à Chawki Amari

LIBERTE D’EXPRESSION (SIWEL) — Le journal algérien El Watan n’a pas jugé nécessaire ou opportun de publier la mise au point de Karim Achab, Docteur en linguistique à l’Université d’Ottawa et ancien Ministre de la Culture et de la Langue kabyles au sein du Gouvernement provisoire kabyle en exil (Anavad) suite aux attaques anti-kabyles de leur ‘’chroniqueur’’ Chawki Amari. Siwel la publie intégralement ci-dessous :

Ceci est à la fois un droit de réponse à M. Chawki Amari et une analyse de sa « chronique » incriminée, intitulée « Brobro sur le mont des oliviers ». Droit de réponse car je suis kabyle et, par conséquent, non-indifférent à ses calembours sur les Kabyles et la Kabylie. C’est une analyse car, M. Amari semble ignorer ce que doit être une chronique tout comme il se donne trop de liberté pour abuser de son rôle en tirant sur ceux et celles qui ont une opinion différente de la sienne. Cette mise au point est d’autant plus nécessaire que M. Chawki est récidiviste dans ses attaques sarcastiques et ironiques sur les Kabyle et la Kabylie. Le fait qu’il soit lui-même kabyle ou d’origine kabyle, admettons qu’il le soit, ne doit ni l’exonérer ni me priver de ce droit de réponse.

Le titre
M. Chawki s’empresse dès le titre de faire une révélation aux lecteurs d’El Watan. « Les brobro », écrit-il, est le « diminutif du berbériste radical de Kabylie ». Il est mal renseigné. Le vocable « brobro » était utilisé par les militants amazighs eux-mêmes, même en dehors de la Kabylie, en tant que terme affectif et fraternel, pour se désigner entre eux. Le mot est calqué sur le terme américain « bro », diminutif de « brother » qui veut dire « frère ». Ce mot est utilisé dans un sens critique, comme par exemple, pour reprocher aux militants de ne pas acheter et lire des livres en kabyle alors qu’ils militent pour cette langue. C’est le génie du dramaturge Mohya, mort en exil, connu et reconnu pour son talent littéraire qui, s’il ne l’a pas créé, l’a du moins popularisé et les Kabyles l’ont adopté depuis. On voit bien ici que M. Chawki est suffoqué par son empressement à avancer des choses qu’il ne maîtrise pas. Seuls ceux qui se reconnaissent dans ce terme « brobro » sont qualifiés à en faire usage. M. Chawki est victime de méprise car il croyait avoir décelé une insulte dans un terme qui véhicule en fait une dilection. Vu ainsi, il comprendra pourquoi, sorti de sa bouche ou écrit sous sa « plume », cela sonne comme un blasphème.

Le calembour formulé dès le titre trahit aussi le manque de patience de M. Chawki : Euréka ! M. Chawki a trouvé avec quoi accabler les « brobro », ajoutant ainsi une couche de sarcasme en évoquant les oliviers. Le calembour, écrit Victor Hugo dans les Misérables, est la fiente de l’esprit qui vole. La fiente se définit comme « les excréments des petits mammifères » selon le dictionnaire Larousse. Un chroniqueur peut être qualifié d’esprit qui vole s’il prend de la hauteur, encore faut-il avoir de l’endurance pour garder ses excréments le long du trajet. Le calembour dans le titre de la « chronique » de M. Chawki contient aussi une charge de sarcasme. Il est connu en psychologie que derrière l’ironie et le sarcasme se cachent des esprits à la fois pervers et narcissiques. Décidément, M. Chawki n’arrête pas de se révéler en si peu de mots ! Il se fait sans cesse trahir par les mots qu’il a lui-même choisi, est-ce de l’auto-flagellation inconsciente ou un malaise de la haine de soi ?

Précieuses et ridicules chroniques
La « chronique » de M. Chawki contient 361 mots, incluant le titre, parmi lesquels 188, soit plus de la moitié, sont consacrés aux jeux de mots, moquerie, insultes, calembours, sarcasmes et mépris. Seuls 173 mots (soit 47,92%) reflètent des propos neutres. C’est trop d’espace gâché pour le seul but d’assouvir sa haine de soi et d’attirer l’attention des autres. M. Chawki souffre-t-il d’un manque d’attention ou bien essaie-t-il de faire un appel du pied aux décideurs pour promouvoir sa « belle » plume ? Si tel est le cas, j’aimerais le rassurer en lui disant qu’il y a Il y a bien d’autres moyens beaucoup plus décents pour promouvoir sa carrière que celui que procure le rôle du Kabyle de service qui se vante de porter des coups, intelligemment mais aussi malicieusement, plus forts et plus châtiés que ceux du bourreau : je suis kabyle, je sais où frapper, laissez-moi m’en occuper. Ça aurait pu être drôle n’eût été la gravité de la dérive dont l’auteur-amateur semble être inconscient; c’est que ni le contexte ni le sujet abordé ne se prêtent au burlesque.

Abus de pouvoir
Ma réaction n’est pas tant motivée par les propos de l’auteur, car contrairement à lui, je suis un fervent défenseur de la liberté de penser et de s’exprimer. Ma réaction est aussi et surtout pour dénoncer cet abus de pouvoir qu’il se donne la liberté d’exercer. Il y a abus de pouvoir dès lors que ce monsieur utilise les colonnes du journal El Watan en tant que « chroniqueur » attitré pour distiller des propos mesquins, moqueurs, sarcastiques et méprisants pour assouvir sa propre haine et frustration et pour promouvoir sa carrière. Les chroniques d’un journal comme El Watan qui est le fruit du combat et le sacrifice d’une élite ne devrait pas servir à cela. Pour diffuser des propos aussi haineux, il y a les pages personnelles des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter.

Du point de vue contenu, des « chroniques » comme celles auxquelles M. Chawki nous habituent font pitié au journalisme algérien, tout comme elles se moquent des journalistes victimes de la barbarie islamiste et de la dictature algérienne, morts pour que cet individu puisse aujourd’hui jouir de son rôle de « journaliste » et en faire un gagne-pain. Par respect pour ces martyrs dont le sang est encore frais, qu’il honore de sa plume son métier, puisque l’occasion lui est donnée d’exercer sa clairvoyance et sa capacité d’analyse pour distiller son savoir auprès des lecteurs du journal qui ne demandent que ça. Au lieu de cela, le « journaliste » verse dans les calembours, l’insulte et le mépris tout en désignant, grâce à votre journal, chaque kabyle à la vindicte publique algérienne. M. Chawki pense ainsi inverser les rôles en accusant de racisme les Kabyles qui défendent leur identité quand on sait que le racisme est plutôt du côté des décideurs algériens qui ont privé tout un peuple de sa langue et de son identité pendant plus d’un demi-siècle.

Les Kabyles et la Palestine
Pour M. Chawki, défendre la langue et l’identité des Kabyles est un crime dont la sentence se voit doublée si commis devant la cause palestinienne. Chacun est libre de défendre et de ne pas défendre une cause, peu importe laquelle. Mais de quel droit M. Chawki va-t-il imposer à des Kabyles de défendre la cause palestinienne avant la leur ? Dieu merci, il existe aujourd’hui sur terre plus d’une cinquantaine d’États arabes ou musulmans, avec des armées les plus sophistiquées au monde, pour défendre la Palestine. Combien d’États existe-t-il sur terre, même neutres, sans une armée, pour défendre l’identité dont sont spoliés les Amazighs sur leur propre terre ? Zéro absolu ! Voilà un sujet qui devrait inspirer plus d’une chronique à M. Chawki et qui aura le mérite et la force d’éduquer les décideurs algériens si tant est qu’il pense qu’ils le lisent. Il n’y a point de cible plus facile et plus vulnérable aujourd’hui en Algérie que celle prise à partie par le régime, les islamistes et les arabo-baathistes algériens; la cible devient de bonne guerre lorsqu’il s’agit de Kabyles. Pauvre Palestine si le gage d’amour pour les Palestiniens des journalistes algériens réside dans la casse du kabyle !

Quelques recommandations
Enfin pour que la présente réaction rende un peu service à M. Chawki, qu’il me permette de lui faire les recommandations suivantes.

1- Une chronique journalistique est faite pour inviter à la réflexion, former, éduquer, susciter un débat, éclairer les conscience. Elle n’est pas la somme de lots de jeux de mots, de sarcasmes et de calembours pour assouvir sa propre frustration.

2- Le mur des lamentations se trouve à Jérusalem et non pas en Kabylie, tout comme le Mont des Oliviers d’ailleurs. En Kabylie, il y a des oliviers qui sont une source de fierté pour chaque Kabyle digne de ce nom.

3- Avoir un peu plus de respect pour le journalisme et pour ses lecteurs, et oser leur donner quelque chose de plus intelligent à lire, plutôt que des calembours et des insultes. Parler à ses lecteurs de la Kabylie s’il faut, et même leur dire pourquoi ils revendiquent leur identité et leur langue avant tout autre chose, se creuser un peu la tête pour analyser le sujet. M. Chawki a même le doit de dire à ses lecteurs qu’il ne sait pas pourquoi et qu’il se contente alors de faire son travail en leur apportant l’information de façon décente et sans insulte. Si la plume de M. Chawki tremble à l’idée d’évoquer la Kabylie pour des raisons médicales, je lui recommande de s’en tenir loin car ça peut aggraver ses symptômes. Il n’est pas obligé de parler de la Kabylie et il peut, à la place, parler intelligemment de la Palestine à ses lecteurs, et ceci aura l’avantage de l’honorer, honorer son métier et surtout honorer la Palestine.

4- Enfin, je recommande à M. Chawki la lecture du livre Savoir s’aimer dans les temps difficiles, de Charles Rojzman et Nicole Rothenbühler, paru chez Guy Trédaniel éditeur. C’est un livre que je recommande à tous ceux qui souffrent du syndrome de « la haine de soi ».

Karim Achab, docteur en linguistique

SIWEL 172342 Dec 17 UTC

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