L’ART DE COURIR DERRIÈRE UN MIRAGE

KABYLIE (SIWEL) — Pour la seconde fois consécutive, ils étaient des milliers de Kabyles à battre le pavé à Tizi-Wezzu, Vgayet et Tuviret et pour les plus exaltés par le Hirak à Alger même. Ils arboraient des drapeaux algériens et amazighs qui si pour le premier est négateur de leur identité kabyle le second leur renvoi un rêve utopique d’une berbérité acquise, mais qui est cependant à ce jour malmenée et écrasée par la politique arabo-musulmane prêchée par pouvoirs locaux que ce soit au Maroc, en Libye, en Tunisie, Maurétanie ou en Algérie. Si dire combien courir des chimères, s’il ne tue pas immédiatement, programme à moyen terme l’extinction d’une culture et d’une civilisation que nos prédécesseurs ont maintenu, vaille que vaille, vivante malgré les aléas de l’histoire.

Ils étaient des centaines à chanter en arabe dans les rues de Tizi-Wezzu, Vgayet et Tuviret, là où dans un passé récent les marcheurs que ce soit sous la houlette du MCB, du RCD ou du FFS scandaient des slogans et chansons révolutionnaires en kabyle. Autre temps autre mœurs ! Il est loin ce temps où nos références étaient Ferhat Mhenni, Ait Menguellet, Matoub Lounes. Il est loin ce temps où l’on criant à tue tête «  yeǧǧad lɛehd aɛmiruc/Amirouche nous a légué un testament ». Ce constat fait surgir dans notre esprit cette terrible sentence de Zedek Mouloud (Poète lucide par excellence) : deg ayla-as yebra i umennuɣ, deg ayla n medden yettalas/prompt à se détourner de son combat légitime/il guerroie pour des causes qui lui sont étrangères ! Belle manière de faire hara-kiri à son propre MOI !

Naïveté des kabyles ? Cécité pérenne ? Pourtant il suffit de bien regarder la réalité du terrain pour se rendre compte que le combat pour une Algérie démocratique (slogan cher à l’élite qui fait l’éloge du Hirak) bute sur un écueil de taille : la junte au pouvoir n’est pas prête à céder un iota de ses privilèges — le pouvoir absolu — et de l’autre les islamistes toujours à l’affut pour porter la dernière estocade au dernier bastion qui leur résiste : la Kabylie. Au rythme où vont les choses, le dernier acte de ces « foutouhates » nouvelles est pour bientôt ! Mais qui veut livrer la Kabylie aux tenants de l’obscurantisme ? Qui veut hypothéquer l‘avenir de notre jeunesse et les pousse dans les bras de Rachad et consorts ? À lire et à entendre les communications des représentants des deux partis domiciliés en Kabylie et que se font pour la plupart dans une langue arabe classique pure et dure, on est en droit de se demander si ce n‘est pas là la nouvelle mission de ces deux entités !

Étaler des arguments pour démontrer la dérive actuelle de l’élite kabyle (celle qui se dit nationaliste) et qui est pourtant chose aisée ne semble pas porter ses fruits même si l’évidence saute aux yeux. Pour s’en rendre compte, il nous suffit juste de plancher sur cette officialisation de la langue tamazight dans la constitution. Depuis sa promulgation langue nationale et officielle, quelle initiative a pris le pouvoir d’Alger pour sa promotion ? Quel budget lui a-t-il consacré ? Toujours à la marge, cette langue est ignorée dans l’administration, l’environnement (toute communication officielle se fait via la langue arabe) dans la publicité, dans l’étiquetage des produits de consommation (aliments, médicaments et autres produits de consommation). Même l’unique quotidien «  Tiɣremt» qui a vu le jour l’année dernière fut stoppé au bout de cinq numéros. C’est dire le cas qu’on accorde à cette langue amazighe tant chantée par nos Kabyles qui ne cessent d’être roulés dans la farine de la mystification. D’ailleurs le même cas se constate au Maroc. Il suffit de voir les rares émissions en tamazight qui passent dans les télés officielles de ce pays pour constater que les génériques de ces émissions sont en arabe, et toutes sont sous-titrées en arabe… ce qui nous fait penser que cette langue est étrangère à ce pays. L’arnaque est tellement grotesque, qu’elle passe allégrement (plus le mensonge est gros mieux il passe).

La preuve par neuf que jamais notre culture ne trouvera son rayonnement dans un giron chauffé à la braise de l’arabisme et de l’islamisme est donnée. Rien ne sert de creuser pour s’y rende compte, pour s’en convaincre. Les minables qui ne cessent de nous traiter de zouaves, de fils de dechras en fait ne font que dire haut ce que le pouvoir pense intra-muros. Eux, sont dans leur rôle et si blâme il y a, ce blâme ira sans nul doute à nous les Kabyles qui refusons de conjuguer avec la réalité du terrain : c’est à force de concéder qu’on fini par tout perdre. Aussi n’est-il pas venu le moment où fructifier nos années de luttes entamées au lendemain de 1962 ? N’est-il pas venu ce temps où seul notre intérêt à nous les Kabyles devrait primer sur toute autre considération ? Matoub n’avait pas tort quand il clamait tout au début de sa carrière :

Irgazen wid yettnaɣen
Targit-nsen d lfetna
Tabrat id a- id yesnebhen
Deg aḍu n leqrun id tedda
Awid-ak id yeqqimen
Kkest afrag i wallen-nwen
A twalim anwi i wen-iḍerwren
D-atamaten neɣ d-at lexla!

H@S
SIWEL 271809 FEV 21