LA MORT DE GAID SALAH, UNE GRANDE PERTE…  de temps pour nous

CONTRIBUTION (SIWEL) — L’ »Algérie nouvelle » proclamée par son nouveau président de façade, est plus ancienne que la précédente mais, là, nous ne vous apprenons rien sinon que l’Algérie est condamnée à rester désespérément la même depuis sa création : Une erreur de l’Histoire.

Cette Algérie qui vient de perdre son énième dictateur en la personne de Gaid Salah est en deuil national de trois jours et passe en boucle les accablants versets habituels dans ses médias en inventant un passé glorieux à ce personnage sans envergure. Lui aussi, comme les autres, est passé par la Russie où, tous, ils apprennent le maniement des peuples.

La mort de ce dictateur, qui n’est pour nous ni une bonne ni une mauvaise nouvelle, ne doit pas trop nous distraire.
La Kabylie, vient de démontrer d’une façon magistrale ce 12 décembre 2019, qu’elle est philosophiquement indépendante de l’Algérie et c’est là que réside
L’événement que l’on voudrait éluder. Le référendum d’autodétermination de la Kabylie vient d’avoir lieu deux fois en 10 jours. La première fois le 12 décembre avec les présidentielles boycottées à 100% par la Kabylie mais validées ailleurs en Algérie et les funérailles du dictateur qui a drainé de gigantesque foules partout, à l’exception de la Kabylie. Pour illustrer cela, rien de mieux que de mettre en contraste le cortège populaire de l’enterrement de Gaid Salah et la marche de la Kabylie qui met en avant une banderole disant  » la mort de GS est un non-événement ».

Des acteurs politiques des années 1980-90 réduisent la Kabylie à une image dépassée, celle des trains à charbon: “la Kabylie c’est la locomotive du combat démocratique”.

La Kabylie toute entière interdit l’organisation d’élections présidentielles algériennes sur son territoire et la seule image qui vient à l’esprit de nos intellectuels, c’est celle de cette foutue locomotive que l’on repeint à souhait et à laquelle on fait faire un détour par la Soummam de 1956.

Comme celle d’un train électrique, leur locomotive est condamnée à évoluer en circuit fermée. Quand on a 6 ans d’âge mental en politique, on s’imagine lui faire parcourir le monde, traversant les continents et embarquant la planète entière dans sa lancée.

Comme quoi, l’algérianisme est une pensée politique aussi courte que figée, il lui est impossible d’évoluer en dehors des clous de la guerre de libération.
Que l’on soit au pouvoir ou dans l’opposition, toute légitimité, pour s’y maintenir ou y prétendre, ne peut chez eux se concevoir sans se référer à cette période-là.

C’est ainsi que sans humour, l’on veut écrire « la Soummam, épisode II » à l’heure de « Star Wars, épisode IX » et reprendre le découpage en 5 Wilayas de cette époque révolue.
Pour les nouvelles générations, Soummam évoque moins le congrès de 1956 qui a structuré la guerre d’indépendance qu’une marque de yaourt.
Le congrès de la Soummam comme référant immuable pour la construction d’une nouvelle Algérie relève de cette stagnation de la pensée politique puisqu’elle ne peut tirer sa légitimité que de cette entreprise qui a atteint son seul objectif : la fin du colonialisme français direct.
Nouvelles pensées ? C’est quoi ? Cela se mange ?

Ces algérianistes kabyles que n’entendent que les kabyles, et qui le savent pour s’être déjà trompés de société, continuent à parler aux Algériens. Ils ont pourtant constaté que leurs initiatives politiques n’ont jamais dépassé l’espace politique kabyle, mais ils persistent comme si de rien n’était à haranguer des foules algériennes fantomatiques du haut de leur piédestal imaginaire.

Sans doute confondent-ils bêtise avec résilience et écoutent sans entendre les signaux pourtant forts de l’histoire qui vient de s’écrire encore une fois ce 12 décembre 2019 : la Kabylie toute entière, en interdisant l’organisation d’élections qui ne la concernent pas; a affirmé de fait son indépendance. Certes, pas de façon manifeste mais philosophiquement ce n’est pas autre chose que l’affirmation de son indépendance qui a été proclamée. Il appartient aux intellectuels d’en faire la traduction politique, mais, … ils continuent de n’y voir que la fameuse locomotive.

Hallucinés par cette image de locomotive qui ne tracte que dalle, ils radotent sur le rôle historique que nous jouons actuellement.
 » … Ô Kabyle flatté quand, l’autre loue ta bravoure quand, son but n’est que de t’utiliser comme une arme pour ses propres intérêts, une simple chair à canon… »

Puisque cette image leur convient tant, utilisons là à bon escient :

Une locomotive pour avancer a besoin de voies ferrées; on ne peut aller à « la conquête de l’ouest » sans commencer par les lui construire là où elle se trouve. En Kabylie. Une fois un réseau ferroviaire et toutes les infrastructures inhérentes à son entretien et à son développement acquis, l’on peut projeter son expansion si envie y est. Ce projet structurant gigantesque, ne peut se concevoir en dehors des territoires déjà viabilisés et où la demande est criante. La Kabylie.

Cette locomotive ailleurs c’est un OVNI tombé du ciel occupé par des petits hommes verts appelés ici « Zouaves », ces êtres suspects dont on se méfie et avec lesquels personne ne montera à bord malgré les larges sourires qui les y invitent.

On ne peut tout de même pas obliger des gens à embarquer pour un voyage dont ils ne veulent pas depuis 1962 !

Au lieu de construire à notre locomotive des wagons confortables pour embarquer l’ensemble des Kabyles pour des voyages civilisationnels dont ils rêvent, nous la brandissons rouillée et inutilisable à des peuples qui nous ont clairement exprimé le mépris qu’ils ont de nos destinations « démocratiques ». C’est du sabotage !

Parler encore de locomotive qui évoque le charbon à l’âge des accélérateurs de particules est la marque de la finitude de idées qu´ils continuent de traîner dans des bocaux de formol.

Jouer au train électrique est chose plaisante à condition de s’en tenir au jeu et d’éviter la régression mentale et de la débilité qui s’en suivent.

Azemmur Graïne
SIWEL 282015 DEC 19

© Graïne 2004