JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA LANGUE MATERNELLE : UN RAPPEL DE L’URGENCE DE L’INDÉPENDANCE DE LA KABYLIE POUR SAUVEGARDER LA LANGUE KABYLE

KABYLIE (SIWEL) — Comme chaque 21 février de chaque année, le monde célèbre la journée internationale de la langue maternelle. Pendant cette journée des centaines de conférences sont organisées, à travers le monde, par des spécialistes en linguistique, insistant sur l’importance de l’enseignement et de la transmission du savoir et des connaissances dans la langue maternelle de l’apprenant.

Les études menées démontrent que lorsque la langue utilisée à l’école n’est pas la première langue parlée par les enfants, le risque de déscolarisation ou d’échec dans les petites classes est plus élevé. On obtient de meilleurs résultats au primaire lorsque la langue d’enseignement est la langue maternelle des apprenants. C’est la raison pour laquelle l’UNESCO estime que l’éducation, fondée sur la première langue ou la langue maternelle, doit commencer dès la petite enfance, car la protection et l’éducation de la petite enfance est le fondement de l’apprentissage. Or, malgré ces constats, il existe des systèmes autoritaires et coloniaux, à travers le monde, qui imposent l’usage exclusif d’une seule langue privilégiée, éliminant de ce fait les autres langues maternelles, et avec elles les enfants qui les parlent. Ainsi, à l’instar des systèmes coloniaux mondiaux, le système colonial arabo musulman algérien impose l’arabe, langue étrangère, comme unique langue d’enseignement en terre kabyle, dont 95 % de la population est kabylophone afin de faire disparaitre toute trace de langue kabyle tel qu’il a été le cas dans plusieurs localités kabyles comme Bordj-Imnayen, les Isser, DBK et autres.

De la maternelle au secondaire, l’enfant kabyle apprend en arabe classique, langue étrangère importée de l’Arabie Saoudite, incomprise pour tous les enfants kabyles, imposée comme langue d’enseignement à l’école depuis 62. Un fait qui a engendré beaucoup de difficultés pour les apprenants kabyles, entre autres, l’échec scolaire, notamment au début de leur cursus scolaire. Cet échec, pour ceux qui n’ont pas chez eux celui qui traduit en langue kabyle, est fréquent, notamment dans les zones rurales où, heureusement, l’attachement à la langue kabyle est viscéral, voire sacré. En plus de l’échec scolaire, la langue kabyle se retrouve menacée de disparition depuis que l’ancienne génération, illettrée en majorité, commence à disparaitre. Une génération qui a permis à la langue kabyle de rester vivante du fait qu’elle n’a fait ni l’école française ni l’école arabe.

L’exclusion de la langue kabyle de l’entourage, de l’administration et des médias a renforcé le risque d’une disparition rapide, qui, à ce rythme, selon les spécialistes, serait dans quelques décennies. Les études menées ces derniers temps estiment que plus de 43 % des quelques 6 700 langues parlées dans le monde sont menacées de disparition. Seules plusieurs centaines de langues sont véritablement valorisées dans le système éducatif et dans le domaine public, et moins d’une centaine sont utilisées dans le monde numérique. Cela signifie que toutes les deux semaines, une langue disparaît pour toujours, emportant avec elle tout un patrimoine culturel et intellectuel. Étant donné que chaque langue est aussi le reflet d’une culture, les langues locales, en particulier les langues des minorités et des peuples autochtones, jouent un rôle primordial dans la préservation de notre riche diversité culturelle mondiale. Elles permettent en effet la transmission de la culture, des valeurs et du savoir traditionnel, ainsi que la promotion d’avenirs durables.

Salem Chaker, spécialiste en linguistique berbère d’origine kabyle, ancien professeur de berbère à l’Inalcco et ancien Directeur du Centre de Recherche Berbère, dit que le survie de la langue kabyle ne sera effective que dans le cadre d’un Etat qui assurera sa standardisation, sa codification, sa normalisation et son officialisation. Pour lui si l’on veut que le berbère puisse résister et se développer face à la pression permanente de l’arabe (classique et dialectal), du français, omniprésente dans le quotidien comme dans les sphères d’usages « élaborés » (justice, administration, sciences et technologies, économie…), cela suppose des mesures lourdes, au minimum un enseignement bilingue généralisé.

Youva Amazigh
SIWEL 212110 FEV 21