TIZI-OUZOU (SIWEL) — Le président du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie, Bouaziz Ait Chebib, a affirmé dans un entretien accordé à Siwel que la marche nationale kabyle du MAK prévue le 20 avril à Tizi-Ouzou sera dédiée à la nouvelle République de l’Azawad. Il a estimé que le président de l’Anavad, Ferhat Mehenni, risque de subir le sort réservé à Matoub Lounes s’il rentrait en Algérie. M. Ait Chebib a souligné d’autres part que l’après 10 mai va parachever «le divorce entamé» entre le peuple kabyle et le régime algérien.

 

Bouaziz Ait Chebib : « le 20 avril sera dédié à la République de l'Azawad et Ferhat Mehenni ne doit pas rentrer en Algérie »
Les militants et cadres du MAK subissent depuis quelques mois une série de pressions par les autorités algériennes. Vous-même vous faites état de menaces. Qu’en est-il au juste ?

Depuis le congrès constitutif du MAK, nous faisons l’objet de menaces, de diffamation, de blocages administratifs et de toutes sortes de tracasseries, notamment au niveau de l’emploi. A titre d’exemple, l’entreprise audio-visuelle où je travaillais en 2009 avait fait l’objet d’un mandat de perquisition suite à mon interpellation à LNI. Il en est de même pour la plupart de nos militants, en particulier les plus actifs.
Donc, les pressions, les menaces et les interpellations ne datent pas d’aujourd’hui. Cependant, le régime raciste d’Alger a accentué davantage ses pressions et ses menaces depuis quelques mois. Pour ce qui me concerne, je ne compte plus les menaces par e-mails ou par appels anonymes. Certains amis ont même été approchés pour me délivrer des messages de menaces : "ou il arrête avec le MAK, ou il va le payer très cher". On m’a aussi fait comprendre que je risquais d’être arrêté à tout moment durant cette campagne anti-vote en Kabylie. Eh bien ce pouvoir doit comprendre que nous sommes tous prêts et qu’il ne fera pas plier notre volonté de soustraire la Kabylie à sa nuisance en appelant au boycott massif de cette nouvelle escroquerie électorale !

Est-ce l’orientation prise par le MAK depuis son 2e congrès tenu en décembre 2011 avec l’introduction de l’autodétermination du peuple kabyle qui motive cette attitude ou bien cela est-il lié à d’autres considérations comme le rejet décidé par le MAK de toutes les élections ?

Notre combat s’inscrit dans une dynamique de libération de la Kabylie que nous devons absolument soustraire au joug arabo-islamiste, sous peine de disparition. Par ailleurs, c’est dans la nature même des régimes illégitimes que de se comporter de la sorte envers les combats libérateurs. Il est évident que la création du GPK, dont la mission principale est l’internationalisation du « problème kabyle », et l’introduction, lors du 2e congrès du MAK, du principe d’autodétermination qui fait intervenir le droit international, met ce pouvoir raciste dans une grande panique.
Aussi, plus notre combat prend de l’ampleur, plus le régime d’Alger use de répression et de violence. D’ailleurs, nous saisissons cette opportunité pour condamner de nouveau la violence étatique dont ont été victimes nos militants lors du meeting de Fréha qui a été interdit par les services de la répression algérienne ; et nous dénonçons fermement l’interpellation dont ont fait l’objet les militants du MJIC et tout dernièrement les militants du RCD pour avoir distribué les tracts appelant au boycott des élections.

Comptez-vous mener campagne contre les élections législatives et comment croyez-vous que les Kabyles voient ces élections?

Bien entendu ! Nous menons déjà campagne pour le rejet total de cette nouvelle escroquerie électorale en Kabylie! Et bien que nous ne soyons absolument pas concernés par toutes les mascarades d’un Etat criminel, qui n’aspire qu’à spolier la Kabylie de sa langue, de sa culture et de son identité ainsi que de ses richesses naturelles, nous saisissons l’occasion de toutes nos sorties publiques pour appeler le peuple kabyle à rejeter les escroqueries électorales qui ne servent qu’à l’aliéner un peu plus.
Notre objectif, c’est le rejet actif et massif de ce scrutin et nous l’atteindrons, il n’y a aucun doute possible : le peuple kabyle n’est plus dupe et il compte bien ne pas donner de crédit et encore moins de la légitimité à un pouvoir fondamentalement antikabyle et vouant une haine féroce contre la Kabylie. Les dernières intempéries, pendant lesquelles la Kabylie était volontairement abandonnée à son sort par le régime, en ont apporté une nouvelle preuve. Elles ont accéléré la prise de conscience des kabyles quant à la nécessité vitale de se doter d’un Etat régional autonome.

Vous avez exprimé le soutien inconditionnel du MAK au combat du MNLA pour l’indépendance de l’Azawad au moment où les responsables algériens sont opposés à cette proclamation et ont exprimé l’attachement de l’Algérie à l’intégrité territoriale du Mali. A votre avis, qu’est ce qui motive la position algérienne ?

Nous avons manifesté notre soutien total et inconditionnel à nos frères touaregs dans l’Azawad dès le début du déclenchement des opérations militaires du MNLA contre l’occupation malienne de leur territoire et nous n’avons fait là que notre devoir.
La position des officiels algériens était attendue. Elle est sans surprise ! Tout en clamant, hypocritement et à longueur de discours, que tous les Algériens sont des Amazighs, l’Algérie officielle, qui avait pourtant, et exactement dans les mêmes conditions que l’Azawad, prêté main forte à l’indépendance de l’Érythrée, rejette, condamne et essaye de saboter par tous les moyens l’émergence de la République amazighe de l’Azawad. Elle lui oppose le principe de l’intégrité territoriale du Mali alors qu’elle soutient, finance et alimente l’émergence d’une République Arabe Sahraouie sans se soucier de l’intégrité territoriale du Maroc. La raison qui motive ce « deux poids deux mesures » est évidente !
En effet, l’Azawad constitue un prélude à la démocratisation et la réconciliation de l’Afrique du Nord avec son authentique identité. L’émergence de l’Etat de l’Azawad constitue un facteur majeur, voir décisif, dans l’émancipation de tous les peuples amazighs. La position de l’Algérie, un Etat fondé sur l’apartheid identitaire, culturel et linguistique à l’égard des amazighs, était donc attendue et est sans intérêt! En revanche, nous sommes profondément indignés par la position d’un parti kabyle, venu prêter main forte à cet Etat jacobin et négationniste en se dressant honteusement contre l’émergence de l’Etat de l’Azawad ! C’est une honte et une faute impardonnable.

Comptez-vous saisir l’occasion de la marche du 20 avril pour réitérer votre soutien à l’Azawad et aux Amazighs libyens et entretenez-vous des relations avec les deux parties ?

Bien entendu que nous saisissons cette occasion ! Ce 20 avril, le Printemps Amazigh est celui de République de l’Azawad. La marche du 20 avril doit être l’occasion pour tous les amazighs de lui manifester un soutien inconditionnel. Tous les amazighs se doivent de saluer publiquement sa naissance.
Le MAK ainsi que le GPK ont été et demeurent des soutiens inconditionnels des peuples amazighs. En ce moment nous soutenons particulièrement nos frères de Libye et de l’Azawad au regard des phases décisives de leur Histoire ; mais nous n’oublions pour autant de soutenir nos frères amazighs du Rif, sauvagement réprimés par le Makhzen marocain. Il y a également lieu de rappeler que le MAK a organisé 4 marches à la rentrée sociale de 2011, et à chaque fois, nous avons réitéré notre soutien indéfectible à nos frères Amazighs et nous l’avons clairement et publiquement exprimé.
Pour ce qui est du MNLA et de son combat libérateur, nous l’avons soutenu et accompagné dès le début de sa courageuse révolution et de son noble combat politique. Notre soutien inconditionnel s’est exprimé et continue de s’exprimer par notre mobilisation en faveur de la République démocratique et laïque de l’Azawad. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour appuyer l’exigence légitime de nos frères Touaregs de l’Azawad en mettant à leurs disposition tout le soutien possible, qu’il soit politique, médiatique ou diplomatique, notamment auprès des instances internationales que nous avons approchées dans le cadre de l’internationalisation du problème kabyle et nous les avons formellement interpellées sur la question de l’Azawad.
Le MAK et le GPK sont, avec les deux ONG amazihgs le CMA et L’AMA, les premières organisations politiques à avoir reconnu l’Etat légitime de l’Azawad et à avoir salué avec bonheur sa proclamation d’indépendance. Nous attendons d’ailleurs que les partis politiques qui se disent œuvrer à la réappropriation de notre identité confisquée, ou ne serait-ce que concernés par l’amazighité, qu’ils se prononcent et se positionnent clairement vis à vis de la question de l’Azawad.
Et enfin, à ce propos, nous tenons à préciser une nouvelle fois que nous sommes choqués et profondément scandalisé par les postions honteuses de certaines organisations politiques kabyles qui soutiennent la Palestine et la République Arabe Sahraoui sans se soucier de "l’intégrité territoriale" du Maroc ; cette même "intégrité territoriale", qu’ils évoquent sans rougir pour dénier à l’Azawad son droit légitime à l’existence.

Quelles sont les actions engagées par le MAK pour mobiliser la population à l’occasion de la marche du 20 avril à Tizi-Ouzou ?

Les actions engagées par le MAK sont des actions de sensibilisations et d’appels à la raison, basées sur une analyse des faits objectifs qui ont jalonné l’histoire récente de la Kabylie. Le 20 avril est une date qui symbolise deux évènements majeurs dans l’Histoire contemporaine de la Kabylie : nos deux printemps, le Printemps Amazigh et le Printemps Noir.
Or, étant donné les circonstances actuelles de la Kabylie, l’arabisation forcenée, le terrorisme islamique tout en étant soumis à une surmilitarisation, l’insécurité, le banditisme, l’appauvrissement, et tout un ensemble de fléaux extraordinairement prospères en Kabylie, directement liés à l’action nuisible du pouvoir raciste d’Alger sur la Kabylie, font que cette journée symbolique du 20 avril reste une journée d’action où il est de notre devoir de dénoncer sans ambiguïté ce pouvoir criminel. Le peuple kabyle l’exprimera une nouvelle fois en rejetant les élections organisées par l’Etat raciste d’Alger et surtout en revendiquant publiquement son droit légitime à l’autodétermination.
D’autre part, comme nous l’avons dit plus tôt, pour ce qui nous concerne, nous commémorons à la fois le Printemps Amazigh et le Printemps Noir. Le printemps noir symbolisera à jamais la Kabylie martyrisée, sa jeunesse réprimée dans des bains de sang, par centaines de victimes. Il ne faut pas croire que la Kabylie a oublié 2001, son terrible lot de martyrs et ses milliers d’handicapés. Le printemps noir de 2001 est gravé en lettre de sang dans la mémoire de la Kabylie. Il a été immortalisé par le mot-testament du martyr Kamel Irchen : « Liberté ». Nous rendons hommage à la Kabylie, à ses enfants victimes de la répression criminelle du pouvoir, à ses martyrs d’hier et d’aujourd’hui.
Pour ce qui est du Printemps Amazigh, cette année, nous le dédions à la République démocratique et laïque de l’Azawad. Le Printemps Amazigh 2012 est dédiés à nos valeureux frères touaregs : les Kel Tamasheq ! Eux qui ont libéré leur territoire et proclamé leur indépendance. Nous les félicitons chaleureusement et les assurons de notre total soutien pour la consolidation de la jeune république de Azawad. Il y a lieu de lancer un appel à tous les peuples frères, où qu’ils soient, l’ensemble des Amazighs sont appelés par l’Histoire à se solidariser de la République de l’Azawad et sont dans le devoir d’œuvrer à sa consolidation. L’Histoire condamnera ceux qui auront tourné le dos à une valeur sacrée de l’identité millénaire qui nous lie viscéralement à nos frères touaregs : la solidarité ancestrale !

Le président de l’Anavad Ferhat Mehenni est en exil depuis 2008. Comment le MAK gère cette situation ? Êtes-vous pour le retour de l’ex président de votre mouvement ?

Tout d’abord, il y a lieu de clarifier les choses: le président de l’Anavad n’est pas en exil volontaire. Cet exil lui a été imposé par le régime algérien qui a délivré à son encontre, et en catimini, un mandat d’arrêt. Ce n’est pas tant le mandat en lui-même qui inquiète mais bien cette volonté de faire rentrer à tout prix le président de l’Anavad en Algérie. Or, nous savons tous que si Matoub Lounes n’était pas rentré en Algérie, il serait encore parmi nous, immanquablement au service de la Kabylie. Ce pouvoir infâme, à travers ses intégristes et ses criminels de toutes sortes, qu’il a affublés du faux titre de « repentis », nous a déjà ravi un symbole de la lutte inconditionnelle pour notre identité ; nous n’avons pas l’intention de lui livrer un second ! Donc, pour nous, il est totalement exclu que Ferhat Mehenni rentre en Algérie. Nous y sommes formellement opposés. C’est le MAK qui, en fonction de l’évolution de la situation, déterminera le moment opportun pour son retour.
D’autre part, même si Ferhat Mehenni était juste mis "sous verrous" ou ne serait-ce que privé de sortie du territoire algérien, cela servirait immanquablement à museler la voix du peuple kabyle à l’échelle internationale, ce qui, vous vous en doutez, ne nous arrange absolument pas.
Nous savons parfaitement ce que représente Ferhat Mehenni. Nul n’ignore qu’il symbolise par son parcours, toujours fidèle à la Kabylie, la lutte profondément sincère pour l’identité amazighe. Ferhat Mehenni est un monument vivant, un acteur majeur dans l’éveil et la lutte identitaire. Il a éveillé nos consciences et son engagement, fort et sincère, n’a jamais failli. Il porte fièrement et sans complexe la voix du peuple kabyle. Malgré son exil forcé et les fourberies mesquines du pouvoir raciste d’Alger pour saper toutes nos actions politiques, Ferhat Mehenni a accompli, avec le GPK, un travail titanesque et totalement inédit sur le plan international : poser clairement et ouvertement le problème de la Kabylie, niée dans son existence et volontairement assassinée à petit feux.
Enfin, il y a lieu de noter que nous fonctionnons en symbiose. Le MAK et le GPK sont dans une complémentarité absolue. Le MAK, enraciné en Kabylie, œuvre à rassembler les forces kabyles autour de la protection et de la préservation de notre existence multimillénaire et le GPK œuvre à faire entendre la voix de la Kabylie à l’échelle internationale.

Vous avez adressé un message de félicitations au nouveau président du RCD Mohcine Belabbas. Comment concevez-vous un rapprochement avec les formations démocratiques qui n’épousent pas forcément votre projet ?

Nous sommes dans une logique de rassemblement et de solidarité. Nous voulons instaurer une nouvelle culture politique en Kabylie: celle du dialogue et de la fraternité. Nous avons des dénominateurs communs qu’il nous faut exploiter pour réaliser un vrai rapprochement. Il y a des questions comme l’insécurité, l’arabisation ou la fanatisation religieuse qui sont des questions sur lesquelles nous pouvons mener des actions communes.
De notre point de vue, les formations démocratiques kabyles ne divergent pas sur l’objectif final mais sur les moyens d’y parvenir. La Kabylie est au cœur même de la régionalisation modulable du RCD. Il n’y a pas de contradiction à nos approches et nous y voyons au contraire une complémentarité. Quand la volonté de construire ensemble existe, il est toujours possible de dépasser les divergences d’approches en faveur de l’objectif commun.

Comment le MAK voit-il l’après 10 mai ?

L’après 10 mais marquera une nouvelle étape dans le combat de la Kabylie. Le rejet des élections va parachever le divorce entamé depuis bien longtemps entre le peuple kabyle et ce régime raciste qui veut phagocyter la Kabylie. Fort de ce rejet, le MAK et le GPK seront confortés dans leur position aussi bien en Kabylie qu’au niveau international.
D’autre part, nous préparons deux congrès : le Congrès national de la jeunesse kabyle (CNJK) et le Congrès national kabyle (CNK). Nous œuvrons à rassembler le maximum de kabyles autour de la Kabylie dans le but de faire accéder notre région au processus de l’autodétermination qui reste la seule et ultime chance pour que la Kabylie vive en paix et en harmonie avec elle-même, dans une Algérie libre, plurielle et fraternelle.
Ce n’est pas facile de préparer un aussi grand évènement dans une Kabylie transformée en gigantesque commissariat à ciel ouvert. Le boycott et le lynchage médiatique constituent une forme permanente de « muselage » et de répression à l’encontre du MAK. Je saisis d’ailleurs l’opportunité de votre question pour saluer et rendre un grand hommage à la presse en ligne qui accomplie dignement sa mission.
Je rends aussi hommage aux militants du MAK, qui malgré toutes les sortes de pressions qu’ils subissent de la part de ce pouvoir raciste, assument dignement et publiquement leurs convictions et leur engagement politique. Nous préparons la marche nationale kabyle de ce 20 avril à travers des campagnes d’affichage que nous devons recommencer quasiment tous les jours parce que les pouvoirs publics engagent des groupes d’exécutants pour déchirer nos affiches, y compris dans l’enceinte de l’Université Mouloud Mammeri. Nous menons également des campagnes de proximité par l’organisation de meetings dans les villages, au plus près de la population sans compter les distributions de tracts et le partage de l’information par tous les moyens possibles. Nous profitons de votre interview et lançons un dernier appel à tous les Kabyles pour venir massivement manifester ce 20 avril à Tizi-Wezzu et faire comprendre à ce pouvoir raciste que nous le rejetons massivement. Nous appelons également tous nos frères amazighs, dans toute l’Afrique du Nord et dans la diaspora, à dédier ce 20 avril 2012 à la République de l’Azawad.

uz
SIWEL 171554 AVR 12

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