PARIS (SIWEL) — Dans une lettre ouverte adressée au président français François Hollande, Kader Dahdah, conseiller auprès du Président du Gouvernement provisoire kabyle en exil, GPK, interpelle l’hôte d’Alger sur les différentes prises de position de la France vis-à-vis de la Kabylie. M. Dahdah présente un bilan succint de la situation de la Kabylie. Nous reproduisons intégralement la lettre pour nos lecteurs. (SIWEL).

 

Visite du Président français en Algérie : un militant kabyle interpelle François Hollande
Monsieur le président François Hollande

C’est en tant que citoyen Franco-Kabyle que j’ai l’honneur d’attirer votre attention sur les menaces à moyen et long terme qui pèsent sur l’avenir non seulement de la France et de la Kabylie mais aussi sur celui de l’espace méditerranéen. Pendant longtemps, la politique de la France vis-à-vis de l’Afrique du Nord consistait à soutenir les dictatures qui ont développé le fondamentalisme islamiste pour se faciliter la gouvernance de leurs peuples. Après avoir surexploité durant des décennies les écoles et les médias pour asseoir leur légitimité, elles ont réussi à dresser leurs citoyens contre tous ceux qui ne sont pas de leur idéologie. Aujourd’hui, avec leurs politiques migratoires, la France et l’Europe accueillent des migrants déjà fanatisés par leur pays d’origine.

La mondialisation ne facilite pas seulement le transfert des capitaux, elle permet aussi l’expansion des idées prônant la violence et la haine de l’autre à travers les quatre coins de la terre. Les nouvelles technologies de la communication et la télévision par satellite entretiennent le fanatisme islamiste dans leur pays d’accueil.

La violence dans les cités et les banlieues prend de plus en plus de l’ampleur et revêt insidieusement un caractère religieux et communautaire devant lequel les forces de l’ordre, qui en paient le prix, ne peuvent rien. Le chômage et la pauvreté ne peuvent pas expliquer ces violences qui sont devenues récurrentes dans nos cités où le fondamentalisme en est devenu un puissant catalyseur.

Les groupes salafistes s’infiltrent et s’implantent dans la société occidentale en profitant de ses valeurs de multiculturalisme et du droit à la différence, puis ils scrutent les moindres failles du système démocratique et des lois de la laïcité pour imposer leur doctrine fasciste qui se cache sous le couvert de la religion. Ils sont en train de se structurer et de convertir à leur idéologie des populations d’origines diverses.

L’exemple d’attaques comme celles d’Ozar Hatorah à Toulouse, de Montauban, du Var et d’Amiens, de Marseille…, sur nos forces de l’ordre sont des évènements lourds de conséquences sur la confiance et le moral de nos concitoyens. Même si parfois d’aucuns nous expliquent que ces actes de violence gravissimes sont le fait de malades mentaux, on retrouve tout de même le dogmatisme religieux comme l’un des facteurs ayant poussé à l’acte violent. Cette tragique situation qui va malheureusement se reproduire fréquemment, affaiblira les institutions censées protéger les populations. Ces dernières, en perte de confiance vis-à-vis de l’Etat, adopteront comme réflexe le repli communautaire pour se protéger, ce qui entrainera un regain de xénophobie et de racisme inter-communautaire.

Les finances publiques affectées à la reconstruction des écoles et des édifices publiques détruits ou brulés pendant ces émeutes de quartiers sont des pertes sèches en cette conjoncture de crise financière où chaque euro a son importance pour l’équilibre budgétaire du pays.

En tant que citoyen franco-kabyle, attaché à la laïcité et aux valeurs de la République, j’ai aussi peur que les Kabyles primo-arrivants ne soient demain, parmi les migrants fanatisés par l’école fondamentaliste algérienne. Je sais que la Kabylie a développé une solide culture de résistance contre toute politique de dépersonnalisation à laquelle se livre contre elle le pouvoir algérien depuis 50 ans déjà. Mais il est difficile, sans le soutien des partisans de la laïcité dans le monde, de prévoir l’avenir. C’est la raison pour laquelle la Kabylie, dès 2001, s’est dotée d’un mouvement pour son autodétermination et depuis 2010 d’un gouvernement provisoire en exil. Ils activent en France, en Europe et en Amérique du Nord et nous vous remercions, comme vos prédécesseurs, de les autoriser ici.

Dans l’intérêt des deux peuples Kabyle et Français nous pensons que la guerre de décolonisation en Algérie n’est qu’un malentendu de l’Histoire. Aussi dur qu’ait pu être notre passé, notre patrimoine mémoriel ne devra servir qu’à renforcer les liens et une amitié déjà très forte, entre les deux peuples, français et kabyle, sur la base du respect des valeurs universelle, des droit de l’homme de la liberté de conscience et des libertés individuelles.

Le peuple kabyle qui constitue le dernier bastion de la démocratie et de la laïcité, autrement dit, le dernier rempart contre le fondamentalisme, ce peuple francophone et francophile pourrait ne pas tenir longtemps devant le génocide culturel qu’il subit. Si par malheur, l’entreprise de dépersonnalisation sans précédent dont il est la cible arrivait à son terme, elle s’appliquerait également demain au peuple Français et aux autres peuples de la rive nord.

Nous pensons que pour assurer la continuité du progrès humain et la viabilité des valeurs universelles dans l’espace méditerranéen, il ne suffit plus de les défendre seulement en Occident, il faut aussi les soutenir ailleurs, là où un peuple se bat pour elles comme c’est le cas du peuple kabyle. Si l’Occident limite ses actions de défense contre l’obscurantisme seulement à ses seules frontières, l’échec est assuré, et nos petits-enfants subiront à leur tour les lapidations et autres amputations sous l’Arc de Triomphe et la Tour Eiffel ! Par contre, si ces valeurs sont partagées et défendues même sur la rive Sud de la Méditerranée, nous pourrons assurer la paix et la sécurité pour tous les peuples de la région.

Malgré tout ce que les Kabyles subissent comme racisme et politiques destructives de leur être le plus profond, ils continuent de défendre ces valeurs de laïcité et de tolérance aussi bien sur leurs terres que dans leur pays d’accueil comme la France.

Monsieur le Président,

La Kabylie vous tend la main à travers son Gouvernement Provisoire pour l’aider à échapper à un ethnocide programmé et pour travailler ensemble dans l’intérêt des deux peuples mais aussi pour assurer la paix et la stabilité dans le bassin méditerranéen pour les générations futures.

En espérant pouvoir vous aider, si vous le souhaitez dans les questions relatives au risque fondamentaliste, et en espérant aussi que vous acceptiez une rencontre au sommet avec le Gouvernement Provisoire Kabyles, je vous prie de bien vouloir croire Monsieur le Président à ma très haute considération.

Dr Kader Dahdah, conseiller auprès du Président du Gouvernement Provisoire Kabyle

SIWEL 231259 NOV12

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