KURDISTAN (SIWEL) — Selon le réseau d’informations libres de Mésopotamie (réseau d’actualité kurde), les organisations de femmes du kurdistan sont systématiquement visées par les autorités turques. Les arrestations se multiplient. Les meurtres de femmes ont augmenté de 1400 % au cours des dix dernières années du règne de l’AKP, parti au pouvoir. Plus de 160 femmes ont été tuées par des hommes depuis début de l’année 2012.

 

Turquie: les organisations de femmes kurdes sous la menace des autorités
« Quel que soit le modèle politique et d’administration d’un pays, si la violence à l’encontre des femmes s’est généralisée et s’est transformée en un problème social, ce système est sans doute sexiste, nationaliste, discriminatoire et inégalitaire. C’est-a-dire, il est patriarcal, autocratique, dominateur, hiérarchique. Il est anti-femme, anti-social et contre la nature » souligne le parti de la liberté des femmes du Kurdistan (PAJK), à l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes.

A Istanbul, les Conseils des femmes socialistes (CFS) dresse un bilan accablant : « Au moins 161 femmes ont été tuées et 174 autres ont fait l’objet de viol et de harcèlement sexuel par des hommes depuis le1er janvier 2012. »

Systématique et politique

La porte-parole du CFS Birsen Kaya affirme que la violence à l’égard des femmes n’est pas un cas isolé, mais « systématique et politique ». « La violence faite aux femmes est devenue une action violente de l’homme à l’échelle sociale » dénonce-t-elle et ajoute : « La violence faite contre les femmes est l’un des problèmes les plus important au monde. La multiplication des violences par des hommes est directement liée à l’Etat, à ses institutions et ses organes de justice. »

Rappelant que les meurtres de femmes ont augmenté de 1400 % au cours des dix dernières années du pouvoir AKP, elle souligne : « En ces dix dernières années, nous avons vu que les politiques d’ouverture du gouvernement AKP n’étaient que mensonge »

De son côté, la commission Femme de l’Association des droits de l’humain (IHD) de Diyarbakir, capitale du Kurdistan de Turquie, a dénoncé dans un rapport la multiplication dans la région kurde des violences de la part des forces de l’ordre. Selon le rapport, 56 femmes ont été tuées, 45 femmes ont été blessées, six femmes ont été violées et dix autres ont fait l’objet de harcèlement sexuel au cours des dix premiers mois de l’année 2012. Le rapport indique qu’une de ces victimes a été tuée par les forces de l’ordre. Ainsi, quinze ont été blessées et six ont été victimes de harcèlement sexuel par les forces de l’ordre, ajoute le rapport.

« Nous savons que le nombre exact est beaucoup plus élevé » a dit la commission Femme de l’IHD, soulignant que le principal responsable de cette violence est la tradition patriarcal de l’Etat.

Des centaines de femmes activistes en prison

Fin septembre, plus de 80 ans de prison ont été réclamés par un procureur d’Ankara contre 27 femmes pour avoir défendu le droit à l’avortement, lors d’une manifestation organisée début juin 2012.

Mais les violeurs sont soit acquittés, soit promus par les autorités. Sedat Selim Ay a été récemment promu directeur adjoint de l’antiterrorisme. Condamné à 11 mois de prison pour torture en 2002, il a aussi été mis en cause, parmi d’autres policiers, pour le viol d’une jeune femme. En 2007, la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg avait condamné la Turquie à 5000 euros pour ne pas avoir mené à bien cette enquête.

Dans un communiqué la commission Femme du principal parti kurde BDP rappelle que des centaines de femmes se trouvent derrière les barreaux depuis 2009 pour avoir demandé « liberté », « égalité ». Parmi ces femmes prisonnières figurent deux députées, de nombreuses journalistes, activistes, étudiantes mais aussi des maires et des syndicalistes.

« Nous sommes souvent criminalisées en raison de nos activités pour des femmes. Le complot judiciaire et les arrestations nous inquiètent » affirme Fahriye Cengiz, responsable du centre « Ishtar » pour le soutien aux femmes au sein de la mairie BDP d’Akdeniz à Mersin. Trois responsables de ce centre sont actuellement en prison. Les autorités chercheraient à fermer le centre, s’inquiète-t-elle.

Violence militariste

La secrétaire de la commission Confédération des Syndicats des Travailleurs du secteur public (KESK), Canan Calagan, récemment sortie de prison, affirme que les politiques du gouvernement au cours des dix dernières années ont nourri la violence. Arrêtée en février 2012 avec plus de 70 autres syndicalistes lors des opérations policières menées simultanément dans plusieurs villes, Calagan a été libérée huit mois plus tard le 4 octobre. « Les femmes sont les premières victimes de la guerre » dit-elle, faisant référence à la guerre qui dure depuis 30 ans en Turquie contre les kurdes. « Les femmes kurdes subissent, de façon très grave, la violence militariste dans ce pays »

« L’Etat commet des violence contre ses peuples, et l’homme contre sa femme à la maison » résume Aysegul Altinbas, membre du conseil exécutif du Barreau d’Izmir, dans une interview accordée à l’agence Firat. « L’Etat réprime avec violence tous ceux qui révoltent. L’homme commet à la maison toutes formes de violence contre sa femme ».

Affirmant que le budget accordé à Diyanet, le département des affaires religieuses, est huit fois plus élevé que celui accordé aux femmes, Aysegul Altinbas indique que la mentalité de l’Etat doit changer avant tout pour des améliorations. « En bref, l’Etat n’assume pas sa responsabilité face aux problèmes des femmes. Il est clair que les femmes n’ont pas d’autre choix que de s’organiser. »

Article publié, le 25/11/2012, dans " Réseau d’informations libres de Mésopotamie " (voir actukurde.fr)

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