TIZI-OUZOU (SIWEL) —  » Ensuite, c’est le plus haut gradé des chefs qui se présente à Boussad Becha. C’est un kabyle d’une cinquantaine d’années, parlant parfaitement le kabyle, qui essaye d’expliquer que c’est une « simple procédure ». Il ajoute que cette procédure peut se renouveler même en arrivant au commissariat n’At Dwala »; le responsable à l’organique du MAK répond en une phrase lourde de sens: « ça peut se faire même a Tala Bounane (ndlr: lieu où a été assassiné Matoub Lounès) vu qu’il y a un barrage là-bas et qu’ils peuvent faire tranquillement leur travail comme ils veulent… »

Perplexe face à une réponse aussi suggestive, l’officier supérieur revient à la charge pour lui demander cette fois si  » c’est possible de se voir en dehors du service, ailleurs, pour bien discuter… ». « NON, HORS DE QUESTION. », répond immédiatement Boussad sur un ton ferme et définitif… Alors s’adressant aux autres policiers, l’officier supérieur dit:  » Llah ibarek chakhsiya kbira(ndlr: il a de la personnalité), il refuse directement de me voir ».

Extrait du récit d’une « procédure MAK », telle que vécue par Boussad Becha, responsable à l’organique du MAK au cours de son arrestation hier à Tizi-Ouzou.

 

Ils étaient 4 à bord d’un véhicule immatriculé à Tizi-Ouzou, donc de la région. Arrivés au quartier dit l’habitat, un policier du barrage fixe installé à cet endroit demande en arabe les papiers de tous les passagers. Les papiers des 3 jeunes qui étaient avec le responsable à l’organique du MAK sont tous vérifiés quant à leur "régularité" vis à vis du service militaire… Rien à signaler de ce côté. Le policier qui parlait arabe revient alors vers Boussad Becha et lui demande la confirmation du nom de sa mère et de son père. Celui-ci se fait un plaisir de répondre en kabyle à la question posée en arabe…

15 minutes passent à attendre, puis une Peugeot 206 blanche arrive avec trois policiers qui descendent de la voiture, serrent la main aux 3 jeunes qui accompagnaient le responsable à l’organique du mouvement kabyliste, puis lui en dernier. Ensuite, ils lui demandent de descendre et de les accompagner à leur voiture. Boussad Becha refuse de les suivre et exige d’abord de pouvoir téléphoner mais les 3 policiers refusent et lui signifient qu’il appellera une fois arrivé au commissariat central de Tizi-Ouzou. Boussad appelle quand même Bouaziz Ait-Chebib, le président du MAK, puis il rédige rapidement un sms qu’il envoie à un autre responsable du MAK, Hocine Azem ainsi qu’à un autre militant.

En arrivant au commissariat central, le président du MAK rappelle pour savoir si c’est vraiment au commissariat que le responsable à l’organique du MAK a été emmené. Là les policiers lui demandent d’éteindre son portable. Il le met sur silencieux.

Ensuite, des policiers lui demandent d’aller a la salle d’attente où se trouvent un officier kabyle et l’agent de police arabe qui sont toujours ensembles. Ils lui demandent de poser toutes ses affaires personnelles sur la table : papiers, argent, documents etc, ensuite on le fouille et on lui demande son numéro de téléphone, le nom du parti auquel il appartient… puis, on lui demande à nouveau d’éteindre son téléphone portable qui lui est finalement retiré. l’officier kabyle part avec le portable pendant que le policier arabe reste avec Boussad pour le surveiller…

De loin, Boussad entend une conversation radio. L’officier parle à son supérieur et lui dit : "Hadarat ! il est du MAK, de Beni Douala et en plus il était accompagné avec un groupe de jeunes… on sait jamais s’ils vont faire quelque chose ce soir".

L’officier revient ensuite vers Boussad Becha et lui demande à nouveau de les accompagner vers un autre lieu… à la brigade "spéciale" de l’Habitat … "pour une demi heure, le temps de faire un PV".

Entre-temps, les militants du MAK, mobilisés par le conseil universitaire de Tizi Ouzou et d’autres descendus d’At Dwala et d’autres villages voisins étaient déjà sur place, exigeant la libération immédiate de Boussad Becha. L’officier tente de les rassurer et leur donne rendez vous a l’Habitat pour récupérer leur camarade à la fin du PV.

Enfin, il est emmené à la brigade "spéciale" de l’Habitat où il est monté au premier étage. Pendant que le PV était dressé dans un bureau, dans les bureaux à côté, des "recherches" sont effectuées pour savoir si le responsable du MAK ne serait pas, par le plus pur des hasard, "recherché" par la police…

Ensuite, c’est le plus haut gradé des chefs qui se présente à Boussad Becha. C’est un kabyle d’une cinquantaine d’années, parlant parfaitement le kabyle, qui essaye d’expliquer que c’est une "simple procédure". Il ajoute que cette procédure peut se renouveler même en arrivant au commissariat n’At Dwala"; le responsable à l’organique du MAK répond en une phrase lourde de sens : "ça peut se faire même a Tala Bounane (ndlr: lieu où a été assassiné Matoub Lounès) vu qu’il y a un barrage là-bas et qu’ils peuvent faire tranquillement leur travail comme ils veulent…"

Perplexe face à une réponse aussi suggestive, l’officier supérieur revient à la charge pour lui demander cette fois, si " c’était possible de se voir en dehors du service, ailleurs, pour bien discuter…". "NON, HORS DE QUESTION.", répond immédiatement Boussad sur un ton ferme et définitif… Alors, s’adressant aux autres policiers, l’officier supérieur dit : " Llah ibarek chakhsiya kbira (ndlr: il a de la personnalité), il refuse carrément de me voir".

Puis ils essayent tous d’expliquer que "la police est au service du citoyen"… "et la gendarmerie aussi"… Et là encore Boussad répond par un bilan historique du "service au citoyen" dont il a bénéficié de la part de la police et de la gendarmerie algérienne à travers les agressions qu’il a subies, notamment le 23 mai 2001, le 05 octobre 2002 et le 20 avril 2014… Mais l’officier kabyle revient encore avec ses propositions et demande à Boussad "si vraiment ils ne peuvent pas se voir en dehors" et que "s’il avait besoin de lui un jour, il serait à son service". NON MERCI, répond encore le responsable à l’organique.

Au cours de la rédaction du PV, ce sont les questions traditionnelles qui reviennent sans cesse : le nom de sa mère, de son père, de ses frères, de ses sœurs, le lieu où il travaille, qui sont ses collègues de travail, le nom du lycée, du collège et de l’école primaire qu’il a fréquentés…

Ensuite on lui demande s’il est musulman ?! Boussad qui, comme la plupart des militants du MAK, avait l’intention de donner la réponse habituelle, à savoir que cette question relève de la liberté individuelle et que cela ne les regarde pas, mais comme les policiers insistaient sur cette question Boussad change d’avis et répond textuellement : " non je ne suis pas musulman voilà ! et vous n’avez pas à poser la question"…

Ensuite, on lui demande son niveau culturel (sic!), comme si des policiers en charge d’imposer l’acculturation du peuple kabyle étaient en mesure de juger du niveau culturel d’un militant kabyle engagé dans la défense de sa culture et de son identité…

Puis, un autre agent vient et dit que le prévenu a un problème de passeport. Boussad répond que "c’est faux et que son passeport est chez lui mais qu’il est périmé depuis le 23 juin 2014 et qu’il ne l’a pas renouvelé… voilà tout ! ".

Tout de suite après, un jeune policer kabyle vient lui demander si son mouvement "est agrée" et "pourquoi le MAK ne travaille pas légalement", " pourquoi le MAK ne reconnait pas l’Etat algérien ? " et là, la réponse du responsable à l’organique du MAK fuse comme l’éclair " Nous sommes ici trois kabyles et on fait un PV en arabe et tu me parles de reconnaissance ?"…

Une fois le PV terminé, en sortant dans la cours de la brigade, l’officier de police lui dit " Nchallah on va se rencontrer" et Boussad qui répond "ih, an-mlil di tlelli n tmurt leqvayel (ndlr : oui on va se rencontrer le jour de la liberté de la Kabylie).

Boussad Becha monte dans la voiture de police pour aller à la clinique de Meddouha pour établir un certificat médical, et là, le supérieur kabyle revient à nouveau à la charge pour lui dire "Boussad tu sais ou tu vas ? ce à quoi il répond par la négative ! "là tu vas en prison…" et Boussad de répondre promptement "je suis déjà en prison" et l’officier qui demande à nouveau de le voir ailleurs… Devant les autres agents de police, Boussad décline encore une fois "l’invitation".

L’officier kabyle demande encore s’ils ne peuvent pas se voir "même par hasard ?"… Boussad répond en lui disant "faites votre travail professionnel mais autre chose, non, ce n’est pas la peine, vous perdez votre temps" et c’est là que l’officier lui dit en kabyle "d ayen a Vussad fehmegh-k" ( ndlr : c’est bon, Boussad, je vous ai compris)

Les voilà enfin arrivés à la clinique pour établir le certificat médical et on libère enfin le responsable à l’organique du MAK qui rejoint les étudiants et les militants du MAK pour les rassurer. Ces derniers avaient en effet organisé un rassemblement devant le commissariat central dans la demi heure qui avait suivi l’arrestation du responsable à l’organique du MAK, contrairement à ce qu’avait affirmé un journal du nom de Elmihwar qui affirmait toute honte bue que le MAK n’avait pas réagi à l’arrestation de l’un de ses militants.

bb/zp/wbw
SIWEL 032045 FEV 16

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