POÈME DÉDIÉ AUX KABYLES QUI ONT SOUFFERT ET À CEUX QUI SOUFFRENT ENCORE, NOTAMMENT AUX DÉTENUS D’OPINIONS, PRIVÉS DE DE TOUTE EXPRESSION

Le jour se lève et me libère :On se sent souvent perdu quand tout est foutu.

Les épreuves nous éloignent l’un de l’autre……, et puis nous nous sommes perdus de vue.

Malgré les tourments, l’espoir de se revoir renaît du poids de l’absence.

Il faut croire à sa chance. Si loin, si proche, le chemin, avec toutes ses bordures, nous mène vers la fin. On arrive toujours à atteindre notre but alors que depuis le début de l’histoire, tout était écrit, tout était fini. On se sent souvent perdu quand tout est foutu. Je reste là à attendre la promesse des jours revenus. Mais, je crie dans la nuit, personne ne m’entend, ma voix emportée par le silence du vide.

Le jour se lève et me libère. Je parle à mes amis, les derniers survivants sur cette terre, ces êtres privilégiés du matin sans qui j’oublierais mon chemin.

Ne croyez surtout pas que ca vient comme ça, ces images oubliées surgissant du tréfonds et à bien des égards de l’au-delà.

Le jour se lève et me libère. Je me languis des petites choses délicieuses du matin, comme d’une promesse d’un temps radieux.

Et chaque jour, ça fait tilt, désormais, je pense à elles, à ces petites choses délicieuses du matin, comme d’un présage de jours heureux. On n’oublie pas ces images venues de si loin. Elles viennent, par-ci par-là, nous rappeler notre passé qui vit à trépas.

On se sent souvent perdu quand tout est foutu. J’appelle mes amis, il n’ y en a pas beaucoup. Il faut choisir le meilleur et le plus fidèle prêt à subir mon courroux.

Tant pis, le risque de le perdre est sans importance, je m’en fous de ce qu’il ressent, de ce qu’il pense. Je l’ai vécu, moi aussi.

Partager sa douleur le cœur s’en chargera. Panser ses blessures est à ce prix. Il faut faire appel à la réciprocité pour entretenir l’amitié.On se sent souvent perdu quand tout est foutu.

On s’accroche à tout, à la branche pourrie, pour être partout sans s’assurer de la chute ultime, on s’accroche à tout, flirtant avec toutes les compromissions, pour avoir tout . Moi, je veux tout si bien que le peu peut valoir tout et faire beaucoup.

On se sent souvent perdu quand tout est foutu.

Le passé n’est plus là, la falaise est au bout de la traversée. Surtout ne pas sauter, le vide est sans ressort, franchir la ligne, c’est le néant, car il n’y a plus rien.

C’est alors qu’un ange me tend la main. La main de la survie. Survivre au couperet, me retourner et revenir sur mes pas pour ne pas faire le dernier geste et retrouver les miens. On se sent souvent perdu quand tout est foutu.

Le jour se lève et me libère.

Amayas Istaxem