CONTRIBUTION (SIWEL) — L’Etat colonial algérien n’a officialisé la « langue amazighe » que pour accorder la primauté à la langue « ARABE » et mieux la réduire et l’assimiler à celle-ci en lui imposant la graphie de celle-ci.

Depuis que l’Etat Algérien a annoncé sa volonté d’officialiser Tamazight dans des termes considérés par les leaders Kabyles comme discriminatoires et méprisants au vu de la primauté accordée à la langue arabe, les partisans de l’arabisme n’ont pas hésité à monter au créneau pour crier au scandale et brandir l’éternelle menace de la division du pays, de l’atteinte à l’unité nationale et celle du « monde arabe » et d’autres arguments archaïques.

 

J’ai surveillé d’éventuelles réactions des militants kabyles contre ces attaques et je n’en ai vu aucune, car habituellement, toute tentative anti-amazigh est immédiatement suivie par des contre-attaques des Kabyles. Cette fois-ci, aucune.

Même après le vote de cette constitution hier à Alger, je n’ai constaté aucune démonstration de joie dans les rues de Kabylie, ni tameghra (fête) ni manifestation de soutien. Cette constitution est aussi lugubre que ses précédentes.

Au début, je me suis inquiété, pensant que les forces kabyles, ont baissé les bras et accepté cette énième humiliation, mais après une brève réflexion, j’ai compris que depuis le printemps noir de 2001, l’espoir d’une fraternité de la Kabylie avec les autres s’est évaporé. La Kabylie a été laissée toute seule durant ces années de massacres. La mémoire collective est toujours présente, les parents pleurent toujours leurs enfants abattus par les gendarmes dans une impunité sidérante.

De toutes les façons, bien avant le boycott scolaire de 1994/95 et le début de l’enseignement de tamazight dans des écoles (1995), la Kabylie, après des luttes sans relâche pour faire aboutir ses revendications et amener les Algériens à partager l’amazighité pour retrouver leur véritable identité et leur dignité, avait déjà mis en place les bases élémentaires pour transférer la langue kabyle de l’oral vers l’écrit, sous le slogan : win ibɣan tamaziɣt, yissin tira-s (qui veut tamazight, apprenne à l’écrire).

Une devise chère a Mammeri. Alors, surtout depuis les années 80, des initiatives pour enseigner notre langue commençaient à voir le jour et la graphie latine a été adoptée.

Je faisais personnellement partie de cette génération ayant assuré des cours de tamazight depuis les années 90 dans le cadre de l’association culturelle Idles et je faisais partie aussi, bien avant le HCA, des bénéficiaires de la formation des formateurs. Nous l’avons enseignée à nos enfants dans des écoles alors qu’elle était interdite, c’était pour montrer que son apprentissage est possible. Pendant ce temps l’Etat colonial algérien qui se sentait fort faisait la sourde oreille et l’écrasante majorité des Algériens était orientée vers le machrek (Orient) et ne manifeste toujours aucun sentiment d’appartenance au même destin que les peuples amazighs en général et le peuple kabyle en particulier.

Le choix du caractère latin a été fait par nos ancêtres, sur des bases pragmatiques. Il fallait d’une part refuser l’arabisation par l’Etat algérien et d’autre part avoir accès à la technologie pour combler le retard que le pouvoir avait causé par la répression de l’expression culturelle et identitaire kabyle. Aujourd’hui encore, il ne renonce pas, par racisme et par colonialisme à vouloir poursuivre son crime génocidaire en tentant d’imposer qu’elle soit écrite en arabe. C’est là, un nouveau crime contre la Kabylie.

Toutefois, les Algériens qui croient que cette graphie est une invention arabe se trompent. Elle est l’œuvre des Araméens. Le persan, le malais, l’urdu, le tadjik etc… utilisent aussi la même écriture et surtout n’allez pas dire à leurs locuteurs que c’est une graphie arabe, ils vous riraient au nez !

Pour moi, c’est bien l’arabe algérien qu’il faudra écrire en Tifinagh pour être conforme au patrimoine algérien et pas Tamazight en caractères arabes. Il faut reverser le débat et jeter la balle dans l’autre camp.

Si nos prédécesseurs n’avaient pas fait le choix du tifinagh, notre écriture ancestrale, c’était parce qu’ils voyaient loin et étaient conscients que les écritures latines ne sont pas exclusivement européennes car elles étaient déjà utilisées par nos ancêtres avant notre ère. Le latin est aussi notre bien et notre patrimoine. Un travail d’aménagement a été effectué et depuis plus d’un siècle, tous les ouvrages, les romans et l’enseignement de tamazight sont réalisés en caractères latins kabylisés.

C’est Mouloud Mammeri qui doit être notre référence sur ce sujet et pas Bouteflika ou les ennemis de Tamazight. Ce sont ceux qui ont eu le courage de ne pas baisser les bras sur cette question qu’il faut écouter et pas les arabistes et nos adversaires.

Pour finir, la Kabylie a déjà sa langue Kabyle qui sera officielle sur son territoire, le kabyle. Lee choix de la graphie est déjà tranché par ses propres enfants pour lesquels cet alphabet n’est pas un étranger puisqu’il se confond avec notre Taqvaylit.

Le débat sur le choix de l’alphabet ne nous concerne pas. Si les autres Amazigh d’Algérie souhaitent écrire leur langue en caractère Araméen (dit arabe), ils sont libres, mais s’ils veulent prendre notre expérience pour gagner du temps, il est alors de notre devoir de les aider et de leur transférer notre expérience.

Nous avons taqvaylit, nous l’avons sauvée de l’oubli et nous avons réussi avec succès son transfert de l’oral à l’écrit. Que l’Etat colonial algérien garde pour lui Tamazight et lui choisir la graphie qui lui plait. Nous, nous avons taqvaylit. Elle nous suffit. Pour la protéger, nous interdisons aux racistes algériens de s’impliquer dans son avenir qu’il veut compromettre à tout prix ? Car un peuple qui préserve sa langue préserve son identité, son histoire, sa civilisation ses valeurs et son avenir de liberté,

On vous laisse Tamazight, nous avons Taqvaylit.
Slimane HALLAH le 08 Février 2016

SIWEL 091201 FEV 16

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