YATTAFENE (SIWEL) — Trois ténors du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK), en l’occurrence Bouaziz Aït-Chebib, Hocine Azem et Mouloud Hamrani, ont rappelé aujourd’hui à l’issue d’un meeting qu’ils ont animé à Yattafène que l’objectif du peuple kabyle est son autodétermination et, par conséquent, le projet de l’officialisation de Tamazight est un non événement. C’est Bouaziz Aït-Chebib, en sa qualité de Président du MAK, qui interviendra le premier après l’observation par l’assistance, nombreuse et attentionnée, d’une minute de silence à la mémoire de toutes celles et tous ceux qui se sont sacrifiés pour la question identitaire.

 

«Nous sommes des kabyles et non des Arabes, comme le stipule la nouvelle constitution de Bouteflika, ni des français, ni des américains ni autre chose. Nous sommes des kabyles et rien d’autre», telle est la première phrase du Président du MAK qui se montrera très prolixe dans son intervention ; intervention à l’issue de laquelle beaucoup de points seront décortiqués et analysés.

En effet, Bouaziz Aït-Chebib rappellera d’abord le combat du MAK dont les fruits sont incontestablement palpables aujourd’hui, entre autres, le lever et la reconnaissance des couleurs nationales kabyles en Kabylie et un partout dans le monde: «Même devant le siège de l’ONU, notre drapeau a flotté pour montrer au monde entier que les kabyles ne sont certainement pas des arabes mais des kabyles et rien d’autre que des kabyles», a rappelé l’orateur qui n’a aucunement ignoré la signification de la volonté de l’Etat algérien de consacrer Tamazight comme «langue officielle dans un pays défini comme Arabe».

Le premier responsable du MAK a considéré cette question d’officialisation de Tamazight sous deux angles différents.

Le premier : l’avancée et le poids du MAK qui a poussé l’Etat algérien à cette reconnaissance de Tamazight comme « officielle à condition d’être avant tout dans le giron arabe» .

Le second : le jeu malsain de ce même Etat qui, «à travers la consécration de Tamazight comme langue officielle " même de seconde zone" nourrit en réalité l’intention de faucher l’herbe sous les pieds du MAK».

Avant d’exposer son analyse, le Président du MAK tournera en dérision le pouvoir algérien qui a « depuis toujours légitimé la non reconnaissance de Tamazight pour "sauver l’unité nationale" et qui la consacre aujourd’hui comme langue "nationale et officielle" pour, encore une fois "sauver l’unité nationale". Bouaziz Ait-Chebib démontre ainsi que les choix du pouvoir algérien concernant Tamazight vont à contre-sens de la loi des mathématiques. La thèse et l’antithèse du pouvoir algérien de l’unité nationale par rapport à Tamazight tel que soulignés par l’orateur ont beaucoup fait rire l’assistance.

Le deuxième point élucidé ayant trait à la mauvaise foi du pouvoir algérien, Bouaziz Aït-Chebib qui, rappelons-le, a étudié les sciences politiques à l’université, l’expliquera et le démontrera à travers la décortication des articles de la constitution déclarés comme étant des « nouveautés, voire même comme une consécration ». L’accent sera mis surtout sur le mot « également » contenu dans l’article 3 bis. Le caractère immuable réservé à la langue arabe et surtout la considération de l’Algérie comme une « terre arabe » seront vigoureusement dénoncés et, par conséquent, rejetés par l’orateur. « L’Algérie, « terre arabe », soulignera le Président du MAK, signifie que ce sont les Arabes qui sont arrivés en Algérie les premiers et que nous, le peuple réellement autochtone, nous serions donc arrivés après les arabes, d’où notre consécration comme peuple de seconde zone».

La dénonciation de Bouaziz Aït-Chebib portera également sur le caractère «immuable» consacré à la langue arabe. Bouaziz Aït-Chebib poursuivra son intervention sur ce chapitre précis qui «signifie clairement que la réelle volonté du pouvoir algérien est d’anéantir le peuple kabyle». Continuant sur sa lancée, le président du MAK affirmera avec force et conviction : «La langue kabyle ne peut être développée et épanouie qu’avec la mise sur pied d’un Etat kabyle». Plus loin, l’orateur abordera le volet économique en articulant que «la véritable richesse de tout pays réside d’abord et avant tout dans ses ressources humaines». Dans ce contexte, le Président du MAK rappellera que les cadres supérieurs des entreprises algériennes, dont la SONATRACH, sont bel et bien kabyles. «Il faut comprendre, poursuit-il, que c’est l’Algérie qui a besoin de la Kabylie et non l’inverse ; car si c’était le contraire, ça fait belle lurette que les Algériens auraient sauté sur l’occasion pour nous accorder cette autodétermination».

Cela étant dit, Bouaziz Aït-Chebib énoncera néanmoins une multitude d’éléments constituant les richesses naturelles de la Kabylie et qui demeurent encore sous terre tels que l’uranium, le pétrole, le lithium pour ne citer que ces éléments et qui sont la preuve de l’existence de ces richesses sans compter les ressources en surface, comme le chêne liège, la ressource hydrique, etc, précisera encore le président du MAK.

L’orateur mettra encore longtemps l’accent sur les grandes capacités économiques de la Kabylie tout en dévoilant les différentes actions de destruction menées par le pouvoir algérien afin de les anéantir à jamais ou dans le meilleur des cas à les occulter sciemment jusqu’à ce que le peuple kabyle disparaisse. Avant de clore son intervention, Bouaziz Aït-Chebib lancera un appel aux kabyles pour participer massivement à la marche de Yennayer, ce 12 janvier, à Tizi-Ouzou.

Pour sa part, Hocine Azem, Secrétaire Nationale aux Relations Extérieures du MAK, il commencera son intervention par dévoiler le plan génocidaire élaboré par le pouvoir algérien envers la Kabylie. Cet intervenant énumérera tout une panoplie de mécanismes actionnés dans ce sens et qui peuvent échapper à un citoyen kabyle non averti. L’un de ces mécanismes meurtriers reste incontestablement l’école de la maternelle à l’université où la langue arabe pénètre l’esprit et le cerveau des enfants kabyles et un niveau plus élevé dans la société, les outils de communication et de diffusion comme les chaînes de radio et de télévision qui inoculent l’arabité aux kabyles.

Ainsi, Hocine Azem révélera que les chaînes de radio de Tizi-Ouzou et Radio Soummam émettent aussi en arabe car le pouvoir algérien veut absolument donner « la preuve » qu’il existe aussi des Arabes à Tizi-Ouzou et Vgayet. Le feuilleton « Dda Meziane » est aussi désigné par le Secrétaire Nationale aux Relations Extérieures du MAK comme « une dynamique de destruction » de la culture kabyle, notamment la chanson du générique où le kabyle "cassé" côtoie l’arabe.

Hocine Azem ne se limitera pas cependant à ces différents artifices dont use le pouvoir algérien pour casser l’âme kabyle. En effet, l’orateur mettra l’accent sur les textes internationaux légitimant le droit des peuples à jouir de l’autodétermination: «La demande du peuple kabyle se trouve justement en conformité avec ces textes internationaux », a assuré Hocine Azem avant de dénoncer la petite fanfaronnade du député RND de Tizi-Ouzou, Tayeb Mokadem. Celui-ci, devons-nous rappeler, a appelé le pouvoir algérien à identifier et à sanctionner les jeunes kabyles qui ont chassé à jets de pierre Abdelmalek Sellal à At-Hmed le jour de l’enterrement du leader kabyle, feu Hocine Aït-Ahmed: «Tout d’abord, dira le Secrétaire National aux Relations Extérieures du MAK, par sa présence sur les lieux, Abdelmalek Sellal a souillé le village d’At-Hmed, ensuite il a porté une atteinte à la mémoire du défunt, et, par conséquent, les jets de pierre qu’il a essuyés n’est que justice » …

« Quant à cet in illuminé de député, poursuit d’une voix sûre Hocine Azem, je tiens à rappeler qu’il n’a jamais condamné les gendarmes qui ont assassiné les jeunes kabyles en 2001alors qu’il était député ». Il est vrai que d’aucuns considèrent l’initiative du député Tayeb Mokadem comme une terrible maladresse politique. En effet, selon bien des observateurs, tenter de prendre en considération la suggestion de Tayeb Mokadem, le pouvoir algérien ne ferait qu’entraîner le pays kabyle dans une violence dont personne de peut prévoir les conséquences. Ensuite, ce n’est certainement pas au député Tayeb Mokadem de jouir du droit de défendre la mémoire de feu Hocine Aït-Ahmed. De son vivant, le grand mérite de Hocine Aït-Ahmed n’a jamais été reconnu ou même déclaré, même pas du bout des lèvres par Tayeb Mokadem. En définitive, soulignent encore les observateurs, c’est tout un monde qui sépare Hocine Aït-Ahmed, qui a consacré sa vie entière au combat pour la dignité de l’Homme, contrairement à Tayeb Mokadem qui fait dans l’aplaventrisme le plus spectaculaire pour jouir de quelque aisance matérielle. Hocine Azem a appelé à son tour l’ensemble des Kabyles à venir massivement à Tizi-Ouzou le jour de Yennayer pour effectuer une protestation. « Oui, a déclaré avec véhémence Hocine Azem, la marche de Yennayer rentre dans le cadre d’une protestation et non d’une fête ».

Puis ce fut au tour de Mouloud Hamrani de prendre la parole en ciblant dans son intervention le fameux wali de Tizi-Ouzou, Brahim Merred, connu pour ses attaques incessantes contre le MAK. En effet, l’intervenant révélera que Brahim Merred est loin d’obéir à la logique du patriotisme économique, contrairement à ce qu’il tente de faire croire. Le Secrétaire National à la Formation et à la Jeunesse du MAK révélera effectivement que les trois fils de l’actuel wali de Tizi-Ouzou font dans "l’importation de la pomme de terre" ; ce qui signifie que Brahim Merred, lui-même partie prenante de cette entreprise d’importation, cette activité étant réservée aux apparatchiks de l’Etat algérien au détriment de la production locale. Mouloud Hamrani dénoncera aussi l’inertie du wali par rapport au mobile home transformé en maison close au profit des officiers de la gendarmerie algérienne. « Cette activité "prostitutionnelle" se pratique carrément sous la fenêtre du bureau de ce wali qui ferait mieux de s’occuper de ses pommes de terre au lieu de chercher noise au MAK », a martelé l’orateur. L’assistance s’est sentie choquée suite aux révélations de Mouloud Hamraoui concernant la pratique prostitutionnelle au profit des officiers de la gendarmerie algérienne en Kabylie, et ce de toute évidence avec la complicité de Brahim Merred. Celui-ci est au courant des moindres faits et gestes des militants et cadres du MAK … Ce qui signifie qu’il est aussi au courant de l’existence de cette maison close ambulante.

Une fois faites ces révélations choquantes, Mouloud Hamrani abordera à son tour les grandes capacités économiques de la Kabylie. C’est dans ce sens qu’il révélera l’apport en devises de la communauté émigrée kabyle qui est de l’ordre de neuf milliards d’euros par an. « La manne financière de notre communauté à l’étranger à elle seule est loin d’être négligeable », a souligné le Secrétaire Nationale à la Formation et à la Jeunesse du MAK. Puis, Mouloud Hamrani soulignera le positivisme de Ferhat Mehenni et Bouaziz Aït-Chebib et expliquera en même temps la différence de taille qu’il y a entre le MAK d’un côté et le RCD et le FFS de l’autre: « Au MAK, explique-t-il, il n’y a pas de dichotomie entre la base et le sommet puisque c’est le système de l’horizontalité qui est mis en avant, alors que chez nos frères du RCD et du FFS, l’application de la verticalité ne permet pas cette harmonie entre la base militante et leurs dirigeants ». Sans faire délibérément dans le panégyrique, Mouloud Hamrani a toutefois mis en avant ce que tout le monde savait déjà, à savoir le charisme de Ferhat Mehenni et de Bouaziz Aït-Chebib. Et avant de terminer son intervention, Mouloud Hamrani, à l’instar de Bouaziz Aït-Chebib et Hocine Azem, a appelé toutes les forces kabyles à honorer le rendez-vous tizi-ouzien le jour de Yennayer.

Enfin, à la fin du meeting, responsables du MAK et assistance ont procédé au lever des couleurs nationales kabyles. Le lever du drapeau a eu lieu avec écoute naturellement de l’hymne national kabyle. En dernier, comme de coutume, l’assistance fit le serment d’honorer et de défendre en tout lieu et en toutes circonstances le drapeau kabyle et de lui rester fidèle et loyal. Une fois ces obligations terminées, Bouaziz Aït-Chebib reprit la parole pour déclarant avec humour : «En 1999, Bouteflika a déclaré que durant son mandat, il n’acceptera jamais l’officialisation de Tamazight. C’est le même homme qui propose aujourd’hui l’officialisation " à rabais" de Tamazight » Après un bain de rire, bon nombre de citoyens se mirent à danser, en tenant avec amour le drapeau kabyle entre les mains, sous la diffusion de l’une des chansons d’Oulahlou.

De Tizi-Ouzou, Saïd Tissegouine

SIWEL 072013 JAN 16

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