CONTRIBUTION (SIWEL) — La disparition de Hocine Ait-Ahmed, leader historique du Front des forces socialistes (FFS) et l’ampleur que prend l’inattendue exclusion du dernier membre fondateur du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Nordine Ait-Hamouda, sonnent-elles le glas de ces deux partis kabyles ?

Tout porte à croire que le coma est irréversible cette fois-ci…

 

Commençons par le plus vieux, le FFS. Le Front des forces socialistes, supposé unir toutes les énergies démocratiques et modernistes pour proposer une alternative à un régime clanique, despotique, ouvertement raciste et anti-kabyle, s’est transformé au fil des ans à un appareild’invectives et d’exclusion de tous ceux qui ne s’alignent pas sur l’humeur du grand chef.

Plusieurs «camarades» ont été victimes de purges staliniennes.La «grande terreur» a débuté avant même la naissance du parti et s’est transformée en règle de fonctionnement tacite. Krim Belkacem, Mohand Arav Bessaoud, Si Lhafidh, Said Sadi, Hachemi Nait-Djoudi, Said Khelil, Djamel Zenati, Mustapha Bouhadef, Karim Tabbou et des milliers d’autres militants anonymes ont été tour à tour envoyés au Goulag arbitrairement. Le péché capital de ces «ennemis du peuple» est celui d’avoir réfléchi et exprimé une opinion différente de celle de l’éternel chef et de ses courtisans du moment. L’anathème est souvent lancé par les vauriens du parti, espérant du mêmecoup le retour d’ascenseur de l’indétrônable chef suprême. C’est ainsi que plusieurs novices ont miraculeusement gravi les échelons au sein du parti «des forces de l’avenir».

Une seule accusation revient en boucle, manigance avec «l’ennemi» et la police politique pour détruire le FFS.Il est bien de rappeler que lors du printemps kabyle de 1980, Mass Ait-Ahmed a qualifié, avec ironie, ce genre d’accusation de véritable pathologie du sous-développement politique des dirigeants africains. Ait-Ahmed répondait aux autorités d’Alger qui insinuaient «un complot et une manipulation de l’étranger»faisant suite à la révolte du peuple kabyle en 1980.

En portant les mêmes charges à ses adversaires durant toute sa carrière politique, Mass Ait-Ahmed a confirmé qu’il était un dirigeant africain de premier rang!

L’autre pathologie du sous-développement politique, dénoncée mais étrangement appliquée au FFS, est le culte de personnalité superbement entretenu jusqu’aux derniers jours du Zaim. L’ironie du sort, encore une fois, est que Mass Ait-Ahmed a inauguré sa carrière politique, àl’âge de 16 ans, en s’insurgeant contre l’hégémonie de Messali Hadj sur PPA-MTLD et le culte de la grandeur que lui avouent «ses militants».

Après plus de 50 ans de saignement et souffrant de plusieurs autres pathologies incurables, le FFS n’est que l’ombre de lui-même. Il est maintenu artificiellement en vie par le très prestigieux laboratoire de momification des acteurs politiques que dirige le « Professeur » Said Bouteflika.D’ailleurs, le parti n’a pas obtenu des sièges de députés à Tubiritt (Bouira), Bordj Bou Aereridj, Constantine et Boumerdes, selon Karim Tabbou. Ces indus élus sont que la face visible de l’iceberg de l’accord conclu avec les pathologistes du labo, poursuit le député d’At-Bouwadou, qui continue, toute honte bue, de toucher 30 millions d’une institution dont il dénonce la légitimité. Rappelons également, que ce Karim Tabou qui joue aux vierges effarouchées a dirigé le FFS à « la Gengis Khan ». Plusieurs éminents cadres, dont Mass Kamel Dine Fekhar ont payé les frais de son autoritarisme.

Quant aux guignols mis à la tête du parti actuellement, Mohamed Nebbou, Chafaa Bouaiche, Ali Laskri, ils ne sont que les avatars d’Amar Saidani et d’Amar Ghoul. Incontestables illettrés trilingues, dénués de tout charisme ou vision politique, ils sont utilisés par l’équipe de Said, comme des souris de laboratoire,pour avilir davantage la vie politique en Kabylie.

Du côté du RCD, la situation n’est guère reluisante. Ce parti, qui a suscité beaucoup d’espoir au sein de la jeunesse kabyle au début des années 90, a très vite déçu. De Ait Larbi à Ait Hamouda, combien de cadres et de militants ont été humiliés et jetés en pâture à la soviétique. Au lieu d’être un cadre de rassemblement des vives énergies pour promouvoir une culture de débats contradictoires et d’alternance aux responsabilités, le RCD est devenu un club d’adulateurs du «Docteur».

De la simple liste de candidats aux élections municipales d’une lointaine commune, aux décisions les plus stratégiques du parti, rien ne peut se faire sans l’avalexclusif de Mass Said Sadi. Certaines « mauvaises langues » comparent même le règlement intérieur du parti à la constitution de la Corée du Nord, tellement les pouvoirs du président sont exorbitants. Pourtant, le «Docteur» a écrit«à cœur ouvert», à qui veut le croire, que quand un pouvoir n’admet pas de contre-pouvoir, c’est systématiquement l’abus au-delà de l’option idéologique prônée. Très belle citation somme toute, mais encore faudra-t-il commencer par l’appliquer au sein de son propre parti !

Le « gênant numéro deux du parti » en 1990, Ait-Larbi Mokrane a qualifié, lors d’un témoignage fracassant diffusé sur Nessma TV, les réunions du Conseil national du RCD, de chambre d’enregistrement. Les membres du Conseil acquiesçaient assidument toutes les décisions du «Docteur» dictées en majorité par le caporal Belkhir et ses amis. Le parti est tellement géré dans une totale opacité que même le trésorier du RCD ne pouvait justifier, selon l’ancien sénateur du général Zeroual, les sommes d’argent qui se trouvaient dans la caisse du parti.

Les récentes sorties médiatiques d’Ait-Hamouda, le plus fidèle guérillero de Mass Said Sadi et exécuteur de plusieurs purges, sur les accointances du Toubib avec les militaires, ne font qu’enfoncer le dernier clou dans le cercueil de cette formation politique.

Des années durant, Mass Said Sadi a choisi de tendre l’oreille aux instructions d’ignares brigadiers au détriment des idées et avis d’énormes potentialités et de l’intelligentsia que recelait le parti. Quel gâchis et quel mépris pour la démocratie !

C’est très intriguant pour un personnage qui a fait de la primauté du politique sur le militaire son cheval de bataille?
L’autre question énigmatique est de savoir comment un intellectuel et militant convaincu et convaincant de la trempe de Said Sadi, s’est-il laissé enduire de goudron et rouler dans les plumes par des caporaux qui n’ont même pas obtenu un diplôme de fin d’études primaires ?

Les avantages matériels peuvent-ils, à ce point, aveugler un homme et pousser un responsable politique à renier ses idéaux? Ou c’est plutôt l’absence de garde-fous de contre-pouvoirs au sein de ces partis, donneurs de leçons, qui a poussé leurs deux chefs à l’abus comme l’a prescrit notre docteur national ?

S’agit-il encore plus globalement d’un problème propre à notre société où une horde de courtisans vautours font croire au chef qu’il est le plus beau, le plus fort et le plus intelligent, au point de l’aveugler ?

Sommes-nous enfin capables de construire des institutions pérennes où les lois et les règlements primeront sur la nature égocentrique et nombriliste des individus ?

Les réponses à ces questions sont de loin plus importantes pour les jeunes kabyles, qui ont tout donné au FFS et au RCD, que les strapontins de la honte au sein des assemblées algériennes et les règlements de compte fratricides durant la lointaine guerre d’Algérie.

La mort clinique des deux formations politiques kabyles, qui se sont livrées une dernière et honteuse chicane de belle-mère pour un poste de sénateur insignifiant, doit pousser les jeunes kabyles, si ne n’est déjà fait, à débrancher les machines et placer leurs sigles à côté de ceux du MDRA, du FFD et du MCB.

Il est temps de faire une rupture avec la culture du quémandeur pleurnichard, des marches et des pétitions pour imposer aux autres peuples d’Algérie une identité et un projet de société en contradiction avec leurs aspirations. Il est temps de bannir le culte de personnalité et de commencer à débattre des idées avec franchise au lieu de lierun mouvement politique à une seule personne et de caresser son chef dans le sens du poil.

Il est enfin temps aux énergies et AFUD kabyles, de se fédérer et de se consacrer exclusivement à la fondation d’un État kabyle, véritable pierre angulaire pour la sauvegarde de notre langue et pour le bien-être économique et social du peuple kabyle.

C’est exactement la mission de notre génération. Une génération qui s’est débarrassée de la servitude volontaire, du complexe du colonisé et de la haine de soi.

Amar At-Ali-Usliman

SIWEL 021129 FEV 16

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