DISCOURS DU PRÉSIDENT FERHAT MEHENNI PRONONCÉ LORS DE L’AG DU MAK-ILE-DE-FRANCE

EXIL (SIWEL) — Siwel reproduit ci-dessous la transcription du discours prononcé ce dimanche 06 février 2022 par le président du Gouvernement provisoire kabyle en exil (Anavad) et du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), Ferhat Mehenni, à l’issue de l’assemblée générale de la Coordination MAK- Ile de France qui a eu lieu en début d’après midi :

Chers ami(e)s

Je salue celles et ceux qui sont en prison pour avoir honoré dans la dignité le combat pacifique de la Kabylie pour sa libération ou pour sa dignité. Je salue le courage des militantes et des militants qui, malgré un climat de terreur imposé aux Kabyles et à la Kabylie, continuent de braver le danger et d’assumer leur devoir à l’égard de la patrie kabyle meurtrie. Je salue les cadres et militants de la diaspora qui portent la voix des prisonniers et du peuple kabyle épris de liberté devant les instances internationales et devant l’opinion mondiale.

Vous êtes toutes et tous la fierté de tout notre peuple.

En tant que MAK, nous incarnons la Kabylie, celle qui, chaque jour, chaque instant, se bat à mains nues, pour son droit à l’autodétermination et son indépendance. Nous sommes la Kabylie, belle et rebelle, déterminée à opposer au colonialisme algérien une résistance pacifique exemplaire, reposant sur un choix civilisationnel noble, excluant tout recours à la violence et à l’effusion de sang.

La justesse de notre cause est consacrée par le principe universel du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour nous, l’indépendance de la Kabylie est non seulement un droit, mais aussi, et surtout, un devoir ! Il n’y a pas de peuple plus légitime que le peuple kabyle pour exiger son droit à une existence libre et souveraine, son admission dans le concert des nations et pour siéger parmi les grands peuples de la Terre au sein de l’ONU.

Nous sommes la Kabylie et nous sommes l’humanité du XXIe Siècle qui aspire à un monde de paix, de liberté, de justice, de solidarité et de prospérité.

C’est vous dire que nos adversaires qui tentent vainement depuis le mois d’avril 2021 de nous entrainer sur les sentiers de la guerre, sont tenus en échec. Ils ont déjà perdu la partie. En nous livrant une guerre totale, semant la mort, la dévastation, ils se trompent lourdement d’époque et d’horizon. Ils sont dans le monde de l’ignorance et de l’illusion.

Ils usent du mensonge et de la corruption, mobilisent une armée de mouchards, de propagandistes, de mouches électroniques, de honteux mercenaires des réseaux sociaux, pour maquiller une répression inégalée en Kabylie depuis la guerre d’Algérie. Ceux qui sont ainsi recrutés pour combattre le MAK ne sont que déchets que toute société saine qui les génère met au ban de la nation. Ils concourent tous à l’objectif final de faire des Kabyles un peuple sans colonne vertébrale, ingéré et dissout dans un autre peuple dominant l’Algérie. Pour une bouchée de pain, ils vendent leur âme au diable et se font traîtres aux leurs, à leurs ancêtres et à leurs propres enfants. « Veddelen adrum s waɣrum », « ǧan taggmatt, wwin tacmatt ». Ce sont des personnes à courte vue qui oublient que la vie est dynamique et l’histoire dialectique. Ils croient être du bon côté du manche et bénéficier ad vitam aeternam de l’impunité du moment. La roue de l’Histoire ne cesse de tourner et les jours du colonialisme algérien sont comptés. Nous sommes dans le vrai.

En choisissant de décréter l’opération « Zéro Kabyles » le 20/08/2019, ses promoteurs entendaient en faire une revanche symbolique sur le Congrès de la Soummam. Et sa mise en œuvre remonte justement à l’assassinat de Abane Ramdane, l’artisan de l’événement du 20/08/1956.

Elle est appliquée par l’Algérie post-française depuis 1963, par la répression continue, les politiques du bâillon, de la dépersonnalisation à travers l’arabisation et l’endoctrinement idéologique de nos enfants, et des attaques en règle contre tout ce qui est kabyle.

Depuis le printemps 2021, ses partisans au sommet du pouvoir colonial, ont décidé de lui donner un coup d’accélérateur en commençant dès le 23 avril à nous accuser de « terrorisme ». Nous ne nous sommes pas laissés trainer dans la boue et les Algériens ont commencé à découvrir ébahis, une série de personnages ridicules exhibés devant les écrans en tant que témoins à charge contre nous et que le génie populaire appelle désormais des « DAHDOUHS ». Méfiez-vous, leur feuilleton n’est probablement pas terminé. Ces faux témoins se montrent chacun un peu plus ridicule que son prédécesseur.

La décision d’en finir avec la résistance pacifique de la Kabylie, étant prise dans un conseil de guerre dénommé le HCS (Haut Conseil à la Sécurité), il fallait passer à la vitesse de croisière de leur plan :
1) Ordonnance du 10/06/2021 qui assimile le délit d’opinion à du terrorisme, ce que vient de condamner l’ONU,
2) Classification du MAK en tant qu’organisation terroriste » alors qu’il ne l’a jamais été et ne le sera jamais,
3) Début des arrestations de personnalités kabyles, fin juin, pour les empêcher de protester contre cette classification et contre la répression qu’elle appelle logiquement contre nous.

Ensuite, pour donner corps, à cette classification et se donner les moyens du génocide kabyle, il fallait entraîner le MAK vers des actes de violence. Nous avons protégé la Kabylie en refusant de tomber dans le piège qui nous est ainsi tendu.

En juillet dernier, des généraux d’origine kabyles, furent chargés de diaboliser le MAK et les Kabyles par tous les moyens. Mehanna Djebbar, Oulhadj Yahia Ali, Gouasmia, Abdelhamid Hocine, Ait Ouarabi, Tarek Amirat, entre autres, sont missionnés pour la sale besogne. Alors que le variant Delta qui frappait la Kabylie faisait des centaines de victimes par jour et que les autorités refusaient l’approvisionnement de nos hôpitaux en oxygène, ces officiers supérieurs préparaient minutieusement les incendies qui ont, à partir du 09/08/2021, transformé toute la Kabylie en un brasier géant, un tourbillon de flammes, puis de braises et enfin de cendres. Des centaines de morts, l’extermination du cheptel et de la faune, destruction de millions d’oliviers endémiques. Une catastrophe inégalée même en comparaison avec la longue bataille d’Icherriden de 1857.

Là, encore, le plan était d’accuser le MAK d’être derrière les incendies, mais comme leur ampleur dépassait les moyens d’une organisation politique comme la nôtre, il fallait y associer les drones des puissances étrangères, comme le Maroc et Israël. Là, encore, ils nous ont montré, à travers ces accusations, les énormes moyens logistiques et humains que l’armée algérienne a utilisés pour détruire la Kabylie.

Pour diaboliser davantage la Kabylie, il fallait assassiner un jeune étranger à la Kabylie, à Larbaa Nat Iraten, le soumettre à crémation et donner l’image hideuse et barbare des Kabyles. Or, si cela s’était passé à Fort National, c’est parce que deux généraux au moins, cités ci-dessus y sont originaires. Ce serait eux qui auraient neutralisé le commissariat de police pour ne pas intervenir durant l’horrible assassinat de Djamel Bensmail.

Pour les incendies, l’Algérie avait refusé toute aide étrangère et envoyé des hélicoptères qui faisaient semblant de chercher de l’eau en mer pour accomplir leur mission mais qui la larguaient un peu plus tard, loin des foyers du feu.
Si ce plan n’est pas celui d’un génocide, j’ai peur pour la Kabylie, le jour où il serait amélioré.

Des dizaines de Kabyles sont arrêtés et furent systématiquement torturés pour leur faire avouer de force qu’ils étaient des militants du MAK.

Malgré la faillite de leur tentative d’arracher de faux aveux aux prisonniers, les Services annoncent que le MAK était derrière les incendies et l’assassinat du jeune de Miliana. Ils affirmaient détenir des preuves matérielles de notre implication dans leur crime, à ce jour, aucune d’entre elle n’a été apportée. Nous les avons d’ailleurs, mis au défi d’accepter une enquête internationale impartiale, à laquelle nous avons publiquement appelé. Nous continuons de la proposer et, pace que nous sommes plus que sûrs de notre innocence, nous sommes prêts à en assumer toutes les conclusions. Charge à eux d’en accepter les conséquences.

Aucun décret reconnaissant le sinistre kabyle ne fut pris. La Kabylie devait crever. Les villageois dont les biens furent détruits sont invités à s’inscrire mais, pour que l’indemnisation fonctionne, il leur fallait signer une déclaration par laquelle ils devaient reconnaître que ce sont les militants du MAK qui auraient allumé les feux.

Toutes ces accusations devaient déboucher sur une demande d’extradition de ma modeste personne. Ils ont tué autant de monde, détruit toute la Kabylie pour m’en faire porter la responsabilité et obtenir que la France où j’ai trouvé asile politique, me livre aux criminels généraux algériens.

Enfin, ils en viennent à la chasse à l’homme. Tous les Kabyles sont suspectés d’être du MAK. Il ne se passe pas un jour, depuis septembre dernier sans son lot d’arrestations arbitraires. Le pouvoir a libéré près de 15.000 criminels et autres délinquants pour libérer de l’espace carcéral pour les prisonniers kabyles. Presque tous les Kabyles, à la sortie du territoire algérien, sont soumis à interrogatoire pour leur appartenance au MAK.

Ayant échoué dans tous ces complots contre le MAK, ils lèvent une armée de traîtres pour s’attaquer particulièrement à ma personne. Or, je n’ai aucun problème personnel avec qui que ce soit. Ces derniers temps, même des assassins sont recrutés pour m’abattre.

Mais, chers amis, qu’on ne s’y trompe pas. Ce n’est pas ma personne qui les intéresse et qu’ils combattent. Non. C’est la fonction que j’assume au mieux de mes compétences qui est visée. La présidence symbolique de la Kabylie. Demain, je partirai de ce poste, ce sera celle ou celui qui va me remplacer qui subira, à son tour, toutes ces foudres de guerre algériennes.

Chers ami(e)s

Toutes les arrestations de nos militants, toutes les agressions et dénonciations calomnieuses sont utilisées comme moyen de guerre, psychologique ou réelle, pour nous imposer une capitulation. Si j’ai un point fort, c’est bien celui d’être imperméable au chantage et à toute forme de pression. Rien au monde ne me fera renoncer au droit à l’autodétermination du peuple kabyle. Prenez-le tous pour un serment, pour un testament.

Je rappelle que nous sommes des femmes et des hommes de raison, épris de paix et de liberté. Nous sommes pour le dialogue sur tous les détails et les modalités du droit à l’autodétermination mais l’indépendance de la Kabylie n’est jamais négociable ! Que cela soit clair pour le monde entier, une bonne fois pour toutes.

Oui, chers amis ! Le MAK est la colonne vertébrale qui a manqué à la Kabylie depuis 1871. C’est lui qui lui permet de se redresser, de se tenir debout et de reprendre son chemin vers la liberté.

Nous sommes la Kabylie éternelle, celle qui défie le temps et les dictatures. Nous sommes la liberté vivante, insaisissable et indomptable. Nous sommes la victoire toujours renaissante.

Ceux qui croient qu’ils peuvent emprisonner la Kabylie, la terroriser, la réduire au silence et l’anéantir se trompent lourdement.

Le régime algérien croit qu’en procédant à des arrestations massives, il réduira au silence le MAK et la Kabylie. Ce ne sera jamais le cas. Le monde des génocides et de la terreur est révolu. Les moyens d’expression sont de plus en plus nombreux, sophistiqués et ingénieux que personne ne pourra plus arrêter la Kabylie sur le chemin pacifique de sa liberté.

Et que ce soit clair pour tous. Les prisonniers kabyles sont davantage un problème pour l’Algérie que pour la Kabylie. Nous, nous sommes tenus au devoir de solidarité avec eux jusqu’au bout. Toute famille élargie, tout village et tout Ârch sont tenus d’épauler leurs membres arbitrairement emprisonnés. Tout le monde doit cotiser mensuellement pour leurs petites familles.

Mais du côté du pouvoir colonial, de quelle issue dispose-t-il ? Il va faire des Mandela kabyles ? Mandela a détruit l’Apartheid, les nôtres détruiront le régime militaire et colonialiste algérien.
S’en servir comme monnaie d’échange ? Nous n’avons pas fait de prisonniers parmi les hommes du pouvoir pour avoir à les échanger.

Chers ami(e)s

Nous défendons l’honneur et la dignité de la Kabylie. Nous n’avons aucune autre solution que l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple kabyle, conformément à l’article 32 de la présente constitution algérienne.

Les hommes sont mortels mais pas l’aspiration des peuples à la liberté. Que chaque Kabyle s’en souvienne pour l’éternité

Pour continuer notre action pacifique, nous devons respecter aussi nos institutions et nos échéances statutaires. Cette année est celle du 5e Congrès du MAK. Malgré les événements auxquels nous faisons face depuis le mois d’avril et qui nous ont demandé beaucoup d’énergie, nous avons pour devoir de tenir notre rendez-vous d’une consultation générale pour le renouvellement de nos instances, y injecter du sang neuf tout en confortant les véritables compétences dans nos rangs.

Nous sommes les meilleurs quoi qu’en disent nos ennemis.
Vive la Kabylie libre et indépendante
Vive le MAK et vive l’Anavad.

Paris, le 06/02/2022
Ferhat Mehenni, Président du MAK et de l’Anavad

SIWEL 061800 FEV 22