LE COMBAT POUR L’AUTODÉTERMINATION DE LA KABYLIE RETROUVE SA PLACE AU SEIN DE LA SOCIÉTÉ KABYLE, APRÈS DEUX ANS D’AGITATION DU MOUVEMENT ARABO-ISLAMIQUE ALGÉRIEN DIT « HIRAK »

KABYLIE (SIWEL) — Cette année, la commémoration du double anniversaire des soulèvements kabyles, celui de 2001 dit « Printemps noir » et celui d’avril 1980 désigné « Printemps berbère », est marqué par le retour triomphal du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie, le MAK.

En organisant des manifestations imposantes et solennelles, soit dans la diaspora kabyle en France[1] (Paris, Marseille…), soit en Amérique du Nord (Ottawa et Montréal au Canada, Washington aux USA), malgré le contexte international délétère dû à la pandémie de coronavirus, le MAK a montré à tous la réalité de sa présence sur la scène du combat politique hors des frontières de Kabylie.

Mais le plus remarquable pour l’observateur averti, plus que la grande mobilisation du MAK à l’occasion de ce 20 avril 2021, c’est la participation en Kabylie de centaines de milliers de militants, de sympathisants de ce mouvement indépendantiste. Pourtant, il y a un bémol à signaler, comme d’habitude dans ce pays aux mains de voyous, pas moyen de trouver un espace d’expression pour une parole libre, ils sont tous contrôlés et fermés aux militants indépendantistes kabyles. C’est surement dû au fait que le MAK est la première force politique en Kabylie, d’ailleurs comme le répète souvent la direction du MAK-ANAVAD. La commémoration du 20 avril de cette année a bien l’air de le confirmer, n’est-ce pas ?   

La mobilisation pour Tafsut tabarkant a non seulement traversé les océans et la Méditerranée pour drainer des centaines de milliers d’adhérents au combat indépendantiste kabyle, mais aussi largement rassemblé dans les trois grandes villes kabyles, Tizi-Wezzu, Vgayet et Tuviret. La jeunesse du MAK a rendu l’impossible possible, en bravant la répression du pouvoir algérien ayant kidnappé, emprisonné Lounès Hamzi et Djamel Azaïm, sans oublier sa propension à museler toute parole discordante. Avec des moyens dérisoires et un embargo médiatique inédit, cette jeunesse a réussi à confirmer le fait que le MAK est une force incontestable en Kabylie. Il est certain, semble-t-il, que le MAK a habitué le peuple kabyle à renouveler ses moyens de lutte, en les adaptant aux différents contextes que lui a toujours imposé le régime algérien, et cela depuis sa proclamation le 5 juin 2001. En dépit de tous les stigmates, de l’augmentation des campagnes de dénigrement et de déstabilisation le visant, le MAK a su s’adapter et avancer ses pions malgré la difficulté de l’environnement sociétal. Il est essentiel d’ajouter que ce mouvement, malgré les attaques qu’il subit, reste imperméable à toutes formes de violence. Et cela, c’est tout à son honneur !

Cette commémoration de Tafsut imazighen, un repère symbolique pour le MAK, est un objet de convoitises pour les adversaires de l’indépendance de la Kabylie, ces derniers cherchent à la pervertir, la vider de son sens et l’éloigner de ses idéaux. Ils n’hésitent pas, par ailleurs, à minimiser l’apport de Ferhat Mehenni, de Salem Chaker et d’autres militants du Mouvement Culturel Amazigh, dans ce tournant historique du combat identitaire mené par la Kabylie, non seulement contre l’Etat algérien mais aussi contre tous les Etats nord-africains. Rappelons-le, la Kabylie a inscrit son combat dans le sens de son histoire amazighe, la revendication de son indépendance n’est que la continuité de son combat libérateur des années 1960. L’échec des négociations d’une frange du Mouvement Citoyen « âarch » avec le pouvoir algérien en 2003, confirme la position du MAK, il est un mouvement de rupture avec l’ordre établi. Depuis sa structuration en 2007, le MAK devient le seul mouvement politique structuré en Kabylie, le seul mouvement qui organise des manifestations de toutes sortes (conférence-débats, des commémorations, des marches le 12 janvier, 20 avril, 14 juin) ; il a su s’organiser dans toutes les régions de Kabylie en sections locales, régionales et conseils universitaires dans toutes les universités kabyles. Pendant 20 ans, le MAK a nourri et encouragé le débat démocratique entre les kabyles pour devenir ensuite une véritable force d’opposition structurée au régime

autoritaire algérien, et une force de proposition d’idées politiques nouvelles. Il a patiemment instillé l’idée de peuple kabyle, dont le droit d’existence en tant que peuple et nation indépendante est légitime.

Le mouvement du MAK est vu et analysé, par de nombreux observateurs de mouvements sociaux, comme un mouvement pacifique de renouveau politique, en mutation permanente. En effet, au bout de 16 ans d’existence, sa revendication a évolué, il est passé d’une revendication autonomiste à une revendication indépendantiste, d’un Projet pour l’Autonomie de la Kabylie (PAK) au projet de L’Etat Kabyle (PEK).

C’est ce qui ne laisse pas le pouvoir algérien indifférent. Dès 2016, l’Etat colonial algérien exerce toutes sortes de répression conventionnelle et non conventionnelle, pour arrêter ce mouvement devenu populaire au cours des années. Cette répression se résume et se manifeste surtout au travers des arrestations arbitraires, des licenciements abusifs, des interdictions de sortie et rentrée en Kabylie, des blocages administratifs des documents de voyage, de l’infiltration dans les rangs du MAK, des tentatives d’assassinats et d’agressions physiques des militants et des leaders de cette mouvance souverainiste…

On rappelle ici que les militants et les leaders du MAK-ANAVAD ont été victimes d’injures, de campagnes de calomnies et de diabolisation. Cela est généralement l’œuvre du pouvoir algérien, mais aussi celle des  militants de « l’Algérie-nouvelle », et de certains Kabyles de service qui travaillent à la solde de l’Etat ou des arabo-islamistes du Rachad et autres… Certainement, la réaction de certains jeunes militants kabyles, notamment sur les réseaux sociaux, n’est pas toujours appropriée mais elle n’équivaut en aucun point à la violence dont ils sont victimes, ils interviennent la plupart du temps en contrecoup aux provocations, agressions subies.

A cela s’ajoute des campagnes de diffamation médiatique des chaines de télévision et des journaux algériens, et quand ce n’est pas le cas, à l’image de Berbère Télévision, ils essayent carrément d’ignorer l’existence de ce mouvement. De fait, les militants du MAK sont privés de parole sur ces antennes, en réalité, ils subissent un blocus médiatique quant à leurs différentes actions et manifestations, curieusement excepté quand il s’agit de donner la parole aux ex-militants du MAK, ou pour parler des crises internes du mouvement. Ce traitement médiatique nous rappelle que le droit du kabyle à accéder à l’information n’est pas à l’ordre du jour, même par la presse prétendue libre.  

Tous ces éléments laissent penser qu’il y a une guerre ouverte contre le MAK qui ne dit pas son nom. Depuis quelque temps, des nouvelles manières de lutte sont adoptées par les militants et sympathisants du MAK, ils ne sont plus visibles comme avant. En effet, de nombreux militants se sont retirés de la scène politique kabyle, sans laisser pour autant l’idée de l’indépendance de la Kabylie.

Un travail de suivi des militants du MAK en Kabylie montre que certains militants sont moins visibles qu’avant 2018, et cela peut s’expliquer du fait des arrestations, des intimidations et des menaces exercées par le régime en place. En outre, un nombre important de militants indépendantistes ont préféré, au vu du contexte actuel où la chose politique est pervertie par des populistes de toutes garnitures, rester silencieux et suivre l’actualité en catimini, cela ne les empêche pas malgré tout de se manifester sur les réseaux sociaux. Pour autant, ils restent quand même actifs par le travail qu’Ils mènent auprès des nouvelles générations de militants « Kabylistes ». La plupart d’entre eux sont structurés dans des mouvements associatifs et artistiques, d’autres sont devenus écrivains, poètes, enseignants et chercheurs universitaires, pour mener le travail de sensibilisation et mobilisation autour de la question kabyle. Chacun à son niveau et selon ses moyens, cette démarche nous rappelle incontestablement, celle des anciens militants de l’académie berbère.

Hier le 20 avril 2021, au grand étonnement des adversaires du MAK, ceux-ci déclarant sans relâche depuis février 2019 que ce dernier est « un mouvement mort politiquement » et n’a « aucune assise sociale en Kabylie », les rues des grandes villes du territoire kabyle ont démontré le contraire, les indépendantistes ont investi la rue. En effet, des centaines de milliers de gens ont marché dans les carrés du MAK, les images, les vidéos et les témoignages de certains militants des droits humains confirment tout cela. Malgré le déploiement d’un dispositif répressif important, des CRS algériens en nombre impressionnant, qui a essayé de réprimer cette manifestation, mais sans succès devant la détermination de ces marrées humaines d’indépendantistes. Les slogans « Kabylie indépendante, MAK-MAK-ANAVAD, liberté pour Lounès Hamzi et Djamel Azaim, justice pour les martyrs du Printemps noir, justice pour Matoub Lounès, Ass-a Azekka Ferhat yella …etc. ». C’étaient les armes de ces milliers de manifestants.

Samir Oukaci
SIWEL 212350 AVR 21


[1] Le 18/04/2021, la coordination du MAK-Anavad – Ile de France a organisé un rassemblement à la Place de la République à Paris, des milliers d’indépendantistes ont participé à cette manifestation malgré la situation sanitaire.  Les militants du Hirak algérien qui ont l’habitude de se rassembler chaque dimanche au nouveau de la même place ont été anéantis par la mobilisation du MAK.  Les couleurs des drapeaux kabyles et amazighs ont couvert le ciel parisien et l’exaltation de « taqbaylit » a assourdi les partisans de la nation-algérienne indivisible et les ennemis de la Kabylie.