RIFLAND (SIWEL) — Mohamed Tijjini est présentateur d’une émission intitulée Tijjini Talk, sur la chaine Maghreb TV basée et diffusée à Bruxelles. Dans l’une de ses émission, où il débat avec lui-même du festival Twiza tenu dernièrement à Amsterdam, de l’Amazighité, et du drapeau de la République du Rif, il m’est paru pertinent et nécessaire de présenter une lecture qui soit plus lucide, dans une perspective de clarification des non-dits, et pour soumettre le déroulement global de cette émission à la critique de la raison : la situer dans son contexte, la commenter, l’expliquer et déceler la vérité derrière les mots et le langage de corps exprimés. Examiner les transitions entre ces trois sujets me parait tout autant indispensable. Des observations fondamentales s’imposent, tout d’abord, pour comprendre le personnage et serrer le problème de très prés.
Eléments de langage
M. Tijjini agrémente son propos avec des termes, et des expressions à forte charge religieuse, le langage qui parlerait le plus à son destinataire (Technique de mise en miroir de la langue). Face à son auditoire il emploie des raisonnements avec une apparence logique appuyée sur du sens commun et même des inexactitudes. Une technique sûre de persuasion pour apitoyer le public, le faire à adhérer à ses idées, l’influencer et établir facilement une relation avec lui. La morale religieuse étant forte dans l‘inconscient de la société marocaine, et que le “journaliste” maitrise bien par ailleurs, invoquer de telles expressions a pour but de gagner en légitimité et crédibilité. La preuve en soi que le locuteur est digne de confiance, qu’il dit vrai, qu’il est sincère. Le langage corporel n’est pas en reste dans cette démarche car il accompagne son propos pour intensifier cet effort de persuasion et renforcer son impact sur l’auditoire.
Décrypter la méthode Tijjini c’est aussi bien observer son schéma corporel : son intonation, sa gestuelle, ses mimiques, la manière dont il pose ces questions, ses gestes d’agacement, quand il tape sur la table pour marquer son « indignation », sélective par ailleurs, qu’il a tendance à la surjouer . Il reste un bon comédien. C’est très expressif, et pour cause, la communication non verbale représente 55% du langage humain(1). On le constate quand il cite les Amazighs, on s’aperçoit qu’il est confondu par ses propos, comme s’il se trahissait. De temps à autre il se gratte le nez ou sa boule à zéro qui traduit, dans le langage des linguistes, un mensonge.
Ces lapsus comportementaux dénotent d’un fossé avéré entre le geste et la parole, qui est en soi un signe de contrariété, et même de l’inexactitude de ses propos. Comprendre le langage corporel, que personne ne peut maîtriser puisqu’il relève de l’inconscient, se révèle un atout précieux en pareil cas, faute d’une révélation verbale d’une vérité vraiment pensée. Fuir des yeux l’objectif de la camera, se tortiller sur sa chaise, aide à démasquer le sous entendu de son beau discours et ses grandes phrases.
Le “journaliste” pose une fausse question niaise et ridicule tant elle est évidente, car il détient d’avance la réponse : Pourquoi le Ministère des affaires étrangères, le Consulat et l’Ambassade marocains dans ce pays ne réagissent pas face à la situation critique de cette femme en détresse ? La réponse est toute bête : On ne proteste pas auprès de son bailleurs de fond, et la problématique , au fond, dépasse naturellement et largement ces ministères car elle requiert une remise en question du système dans sa globalité.
On remarque bien qu’il élude les questions embarrassantes, qu’il ne dénonce pas non plus les attitudes irresponsables de ces ambassadeurs, ces consuls, et ce ministre des affaires étrangères, qui se renvoient cette patate chaude, au lieu de traiter un cas des plus normal pour une représentation diplomatique, censée se préoccuper de ses ressortissants à l’étranger. Mais personne ne peut assumer cette responsabilité de toquer à la porte des autorités saoudiennes, prendre ce dossier à bras le corps et défendre cette femme en détresse, cela est susceptible de générer un conflit diplomatique, ce que le Maroc officiel ne veut absolument pas. Une preuve de plus que ces irresponsables sont doublés d’inhumains.
Notre “journaliste” sait pertinemment que c‘est une raison d’Etat et il fait semblant de l’ignorer. Et tous ces questionnements ouverts ne sont qu’un leurre. Le “journaliste” nous cite les symptômes, et évite de toucher à la cause profonde.
(1) Albert Mehrabian, professeur de psychologie sociale à l’Université de Californie, 93% du message serait véhiculé par le non-verbal (55% par le corps, 38% par la voix) et 7% seulement par les mots.
Tijjini manie très bien la langue de bois, et il y excelle même. A suivre de prés son propos M.T réfère souvent à un sujet indéterminé mais connu de lui, ainsi ce sont « le gens » ( c’est-à-dire lui) qui se plaignent de ce Festival, qui ramène des chikhate ( troupe de danseuses , un art connu dans le Moyen Atlas amazigh ) . Il se tapit derrière les « gens » pour donner l’impression qu’il est neutre, non impliqué et, lui, ne fait que rapporter, en simple observateur, la parole de ces « gens ». L’emploi de cette expression confère une valeur de vérité générale à l’objet en question. Il nous rapporte que pour ces « gens » « le CCME veut nous provoquer une FITNA entre les Amazighs et les arabes ». Pour le dire autrement, M. Tijjini assimile le festival à une sorte de Fitna, et ses responsables à des semeurs de trouble. Le concept de Fitna apparient au champ religieux musulman, et fait référence à la discorde, à la sédition à un trouble conséquent qui puisse survenir au coeur d’une communauté des croyants. Ce trouble peut engendrer la guerre civile, la division, la désintégration et la fragmentation de cette communauté, ce qui exige, une réaction urgente ferme et sévère de la part du chef, dépositaire de l’autorité en son sein. Ce désordre doit être rejeté, et combattu. Je relève là le transfert de sens qui s’opère alors, du religieux au politique. On n’est plus dans un espace légal rationnel basé sur la citoyenneté, l’Etat de droit et lois positives mais bien dans une sphère qui réfère davantage à une communauté basée sur la foi.
Voilà qui est bien clair. Organiser une manifestation amazighe est une sorte de FITNA qui divise la communauté. Le journaliste acte par là un appel du pied à la communauté à se soulever contre cette Fitna incarnée par le fait amazigh, sa visibilité et ses expressions si profondément pacifistes. Ce discours, relique de l’histoire, est largement en vogue aujourd’hui comme dans les années 1930 du siècle dernier. A l’époque les nationalistes organisaient une prière spéciale du Latif dans les mosquées, pour prévenir cette calamité, comme lors du « Dahir berbère » du 16 mai 1930.
Il y a un « Nous » et un « Eux » le premier est légitime et le deuxième est problématique. Pour se dérober à toute accusation d’être taxé de raciste (Cf. à la minute 12:37) le “journaliste” se justifie et martèle le message qu’en principe, il n’est en aucun cas contre le festival dédié à Tamazight et il n a jamais été question d’être CONTRE cette dernière. Mais qui se justifie s’accuse. Il s’enfonce encore plus en débitant une phrase, l’expression d’une relation hiérarchique dominant-dominé, dans laquelle transparait un esprit de dédain à fort relent colonial, « Les Amazighs vivent avec nous, ici en Belgique et en Europe, et il n y a aucun problème » Je me suis demandé qui se cache derrière ce « Nous » ? En disant les choses de cette façon, il définit une opposition binaire, où il prend l’évidence en dédain. Il se donne une centralité, et confère à ces Amazighs une position périphérique et marginale. On voit bien qu’il enferme les Amazighs dans cette minorité. A moins qu’il soit amnésique, ces AMAZIGHS dont il parle sont largement majoritaires que son « Nous », et que en pareil cas , il ne fait que duper son public et falsifier la réalité en minorisant une majorité, comme ses semblables l’ont fait pour ce qui est de l’Histoire de ce pays dont il se porte le défendeur. Le « NOUS » de notre journalise est clairsemé en milieu des berbères et il feint l’ignorer. C’est le jeu et c‘est de bonne guerre.
Et de poursuivre dans sa lancée « On est pas contre les AMAZIGHS, ni contre le festival Twiza mais… » Il y a un toujours un MAIS, « les MRE ont assez de problèmes avec la politique locale : racisme, la délinquance de la jeunesse des MRE, cours d’arabisation, éducation religieuse etc… et ce conseil a eu tort d’impliquer la diaspora dans des problèmes qui ne sont pas les siens et qui doivent, en conséquence, rester au Maroc ». Quels sont ces « problèmes » qui ne méritent pas d’être évoqués en Europe, c’est bien sûr la constitutionnalisation de Tamazight.
Les « gens », dont on ignore l’identité, nous dit mas Tijini, disent que leur problème n’est pas la constitutionnalisation de tamazight mais plutôt le racisme au Pays-Bas. Qu’il en soit ainsi, pourquoi impliquer alors la diaspora dans les dossiers de Sahara, de l’enseignement de l’arabe, de l’éducation islamique, alors que la préoccupation première des citoyens dans la diaspora en question n’a rien à voir avec ces thèmes. Les citoyens belges ou néerlandais se préoccupent davantage de l’emploi, de la montée de la xénophobie des tracas du quotidien, administratif et autres. Quelle contradiction ! Quel deux-poids-deux-mesures… ! Alors, face à ce discours à géométrie variable, un bazar en soi, moi, naturellement, je constate, déboussolé, que le bon sens et la cohérence y font gravement défaut. Ce qui est à moi est à moi ! Mais ce qui est à toi est négociable, voilà la méthode Tijjini.
D’autre part, il y’a lieu de s’interroger sur la nature et la qualité de cette alphabétisation sujet qu’on se doit de remettre sur la table. A première vue, le mot est neutre et honorable sauf que dans la réalité et à y voir de très prés, l’alphabétisation dans le langage diplomatique marocain, signifie purement et simplement l’arabisation des enfants d’immigrés pour lesquels l’Etat marocain détache des enseignants d’arabe spécialement venus du Maroc pour aider les immigrés à maintenir, nous dit-on, les attaches avec leur pays d’origine. En plus d’être arabisante cette alphabétisation est enfermante et confessionnelle.
CCME: Conseil de la communauté marocaine à l’étranger
Rien n‘est légitime à ses yeux ni le CCME, ni le festival Twiza, ni l’amazighité (Fitna) ni ces chikhates Ce dernier mot, quand il est prononcé sur un ton particulier, cela lui donne un sens trivial : une troupe d’artistes folklorique, de petites mœurs, de bas de gamme qui écument les cabarets et les lieux infréquentables par les gens de bonne famille. Une autre façon de dire qu’ils ne méritent pas le qualificatif d’artistes ni leur place dans ce festival et ni que les deniers publics leur soient versés.
Beaucoup de raccourcis
Drapeau de la république du RIF
Il n’est pas sans reprendre quelques termes qui résonnent dans les oreilles de ceux qui se rappellent du discours de Hassan II, au parlement marocain en 1984. Il y a traité les Rifains d’ « Awbach », déchet de la société, à cause de leur nature révoltée et insubordonnée. Mass Tijjini reprend cette expression, mais plus subtilement, à l’endroit des Amazighs Rifains de la diaspora. Pour lui le festival, dont il rend coupables ses responsables, s’occupe trop de l’amazighité qui, selon Mass Tijjini, est une thématique qui devrait être reléguée, à la marge car elle ne concernerait pas les marocains. Pour mass Tijjini le Maroc a toujours été arabe, et de culture arabo-islamique, c’est comme ça et pas autrement, ne cherchez pas à comprendre, circulez il n y a rien à voir. Plutôt que de se préoccuper des clochards et wouhouch (Sauvages) (Amazighs Rifains) parmi les marocains en Hollande, le CCME organise des soirée artistiques.
La schizophrénie
Ce “journaliste” qui ne représente que lui-même et rien que lui-même, puisqu’il s’adresse dans une langue qui ‘n’est pas la langue de ces marocains dont il dit se soucier. Cela s’appelle la schézophrénie. Le peuple dont il dit parler est arabo-islamique. D’ailleurs, ce sont ses termes à lui, qu’il utilise pour parler des marocains. Devant les caméras, dans les déclarations et les interviews qu’il accorde. Ce “journaliste” manque d’intégration dans son pays d’adoption. Il ne s’est pas imprégné des valeurs qui font la Belgique. C‘est plutôt lui qui veut makhzeniser cette pauvre Belgique, en partie en panne à cause de ce genre d’immigrés qui tirent le niveau vers le bas, et trainent le boulet des siècles d’une tradition faite de soumission d’aliénation et d’une culture PAS DU TOUT démocratique. Pour l’anecdote, je suis sûr que ni le titre de son show à l’anglo-saxonne « Tijjini Talk », ni ses lunettes à la VANDAMME ne tromperaient point les VRAIS BELGES. Bien qu’il mélange les perspectives, ses mots, ses expressions, dénotent tous d’une culture toute autre, tiersmondiste et autocratique, contraires aux valeurs démocratiques.
Le journalisme
C’est consternant, il foule constamment aux pieds les principes qui guident la profession de journalisme de qualité, celui d’enquête et d’investigation par le biais de laquelle le journaliste cherche plus loin, vise plus haut, voit ce qui se passe derrière le mur, plonge dans les coulisses, traque la vérité, essaie de comprendre et mobilise toutes les ressources possibles pour s’acquitter de sa mission d’informer correctement. Mass Tjjnni, pratique, au grand regret de ses spectateurs, le «journalisme d’information terre-à-terre, et de commentaire fermé à la contradiction, rien de plus. Par là, il confirme sa vocation de pion. La mécanique fonctionne bien, il est bien à sa place, l’entre-soi est confortable. Ce faisant, toute tentative de le briser, relèvera de bouleverser les constantes et le consensus sur l’ordre social, telles qu’elles sont perçues dans son pays d’origine.
Mas Tijjini finit ENFIN par se construire une image d’héro, et son propos d’acte héroïque, car il le juge subversif. Notre “journaliste” prend des risques mais il assume, adviendra que pourra, il est prêt à sacrifier sa vie pour ses « idéaux ».
Rachid OUFKIR
SIWEL 251211 JUIN 14