Référendum en Catalogne : les mots de Soraya Sough depuis Barcelone

TÉMOIGNAGE (SIWEL) — Tout le monde a vu le 20 septembre dernier l’entrée des agents de la Guardia civile dans les bâtiments du gouvernement catalan pour arrêter plus de 36 responsables de différents niveaux pour leur implication dans les préparatifs du référendum annulé et illégalisé par le tribunal constitutionnel espagnole. La population catalane s’est tout de suite mobilisée et en moins d’une heure le cœur de Barcelone était bloqué par des milliers de citoyens qui sont venus « sauver » et essayer d’arracher les responsables politiques catalans des griffes de la Guardia civile ou une partie de son équipe est restée bloquée par la population jusqu’à l’aube, libérée suite à plusieurs appels téléphoniques du juge d’instruction à la police catalane qui a décidé de ne plus obéir aux ordres du ministère de l’intérieur espagnol, mais du juge responsable de cette affaire du référendum, car leurs compétences et droits sont indiqués dans le statut catalan voté au parlement catalan. Pour rappel le parlement catalan est l’institution la plus sacrée aux yeux des catalans pour sa représentativité et sa symbolique, car les catalans tous comme nous, iqvayliyen, ont subi et subissent toutes sortes d’assimilation d’ordre linguistique, politique et économique aux ordres de l’empire hispanique incarné fidèlement dans le gouvernement actuel de la droite et gauche espagnole PP et PSOE.

Ce qui rend ces dernières semaines extraordinairement intenses, excitantes et dangereuses, est la rupture de tous les liens, la tombée des masques d’une part et d’autre. Et vu qu’on est originaire d’une dictature qui est l’Algérie, le fait d’apprécier rapidement certains gestes comme par exemple : le positionnement de la police catalane los Mossos d’Esquadra aux côtés de leur peuple dans sa lutte vers son indépendance et refus publique du commandant « Josep Lluis Trapero » à être un subordonné de l’état espagnole. Ce positionnement m’interpelle car ce commandant a refusé d’assister aux réunions de sécurité organisées par l’envoyé du ministère espagnole pour ne pas affliger une image publique d’un catalan soumis aux ordres de Madrid.

Je me suis poser cette question : « Quand est-ce que ça sera notre tour ? »

La population catalane s’est mobilisée dans toutes ses provinces, réunissant plus de 40 000 personnes à Barcelone, avec nourriture, vêtements chauds, pour dormir dans la rue pendant plus de 48h jusqu’à la libération complète de tous les détenus politiques. Cette mobilisation citoyenne a fait que 75% de l’effectif de la Guardia Civile et Police Nationale et autres soient stationnée ici à Barcelone pour stopper n’importe quelle tentative de vote ou même la tenue du référendum.

Nous comptons 4 navires de croisières au port de Barcelone et Tarragona plein de plus de 12 000 agent de brigade d’intervention de différents corps de sécurité prêt à intervenir à partir du vendredi 29 Septembre, ceci d’une part. D’une autre part les catalans ont aussi appelé à une très forte mobilisation citoyenne pour occuper les écoles ou doivent se dérouler le référendum. D’ailleurs les écoles et autres centres publiques ou doit se dérouler le vote sont occupés par les parents d’élèves et leurs enfants. Il est également attendu une arrivée massive de jeunes « antisystème » de toute l’Europe comme soutien au scrutin, un fait qui augmente d’un cran la tension quotidienne en Catalogne, surtout dans sa capitale, Barcelona.

Je partage avec vous chers lecteurs pour comprendre la profondeur de l’engagement de ce peuple à sa cause qui est de vivre son identité et gérer son territoire en toute liberté. Chaque catalan travaille avec ses moyens, ses compétences, sa spécialité pour la libération de leur Catalogne. Mon exemple préféré est la mobilisation massive des agriculteurs catalans qui ont conduits leurs tracteurs jusqu’à leur arrivée hier soir à Barcelona pour défendre leur pays, ils disaient : « ils ont leurs fourgons de police et Guardia civile, nous avons nos tracteurs : NO PASARAN ! »

Je tiens à rappeler que c’est la société civile qui a changé sa classe politique en indépendantiste et viré tous ceux qui ne le sont pas et pas l’inverse.
C’est la société civile fatiguée des spoliations continuelles, du mépris institutionnel et nationaliste espagnole qui a décidé d’en finir avec le statut de « sujet du roi » pour redevenir citoyens de plein de droit !

Choses à retenir de cette expérience :

  • Le sens de l’organisation populaire catalane s’est façonné, amélioré et consolidé tout au long de ces sept  dernières années. Notre peuple est aussi très organisé et déterminé quand il se le propose.
  • Les catalans ont suscité autant d’intérêt international et pris au sérieux depuis qu’ils ont décidé d’unifier les rangs politiques sous une alliance nommé « Junts per el Si » pour arriver à organiser le référendum et déclarer leur indépendance. Et tous ceux qui ont travaillé contre cette volonté populaire ont complètement disparu du panorama politique et social catalan.
  • La force du peuple catalan à se réapproprier sans complexe non seulement son histoire, mais aussi son patrimoine présent et futur. Le même état de fait en Kabylie grâce au travail titanesque, ardu et complexe du MAK-Anavad depuis plus d’une décennie.
  • L’importance d’avoir ses propres institutions : gouvernement, parlement, corps de sécurité, universités, améliore sans aucun doute la qualité de la prestation les services nécessaires dans une société respectueuse des caractéristiques de chaque territoire, au lieu de subir le traitement d’indigénat et de soumission et annulation sur tous les plans. Comme la situation surréaliste affligée à notre peuple du levé jusqu’au couché, malmenés chez nous par des idiots au service d’un régime nauséabond et en décomposition depuis sa création, insultant l’intelligence individuelle et collective de notre peuple qui était pourtant pionnier dans toutes les luttes démocratiques de l’Afrique du Nord et en Europe et maintenant réduit au silence !

L’internationalisation de la cause du peuple catalan et Kabyle sont les clés du succès et la garantie de réussite et de protection de notre projet politique qui est la récupération de nos libertés individuelles et collectives.

Une dernière leçon apprise est que si on ne bouge pas pour transformer notre réalité, personne ne le fera à notre place. Le miracle catalan n’en est pas un mais le fruit d’un long travail permanent.

Nous, Iqvayliyen, chaque génération a eu son lot de deuil, de frustration et de malheur, car nous avons mené les guerres et batailles d’autrui et pas la nôtre.

Il est grand temps d’assumer que nous ne pouvons pas prétendre à une liberté totale, respectueuse de nos valeurs si on ne se prend pas en charge nous-même sur tous les plans et pacifiquement.

Pour finir, je vous tiendrai au courant des suites des évènements sur la Catalogne pour apprendre de leurs échecs et réussites. J’invite tous ceux qui le souhaitent à envoyer les commentaires et les questions à notre rédaction Siwel.

Soraya Sough,
SIWEL 011005 Oct 17 UTC

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