YENNAYER EST UNE FÊTE CÉLÉBRÉE ANNUELLEMENT AUTOUR DU 12 JANVIER

KABYLIE (SIWEL) — Yennayer est une fête célébrée annuellement autour du 12 janvier. C’est une fête solennelle à signification culturelle. À l’instar de la langue (tamazight), Yennayer est un marqueur identitaire incontournable, aussi est-il fêté dans toute l’ancienne aire de la berbérophonie, chez les amazighophones comme chez les arabophones, de Tamazgha extrême à l’Égypte, de la Kabylie aux zones désertiques.

1). Yennayer, terme pan-nord-africain désignant le premier mois de l’année calculée selon le comput solaire dit julien, se décline sous divers parlers (berbères et arabe vernaculaire) : Yennayer, Innâr (tamaceɣt), Innayer (tacelḥit), Nnayer (tamaziɣt), Amenzu n Nannayer ou Yennar (tacawit), Yannayr ou Naïr. Les Ayt Waziten (les Berbères de Libye) préfèrent « anezwar n useg°g°as » (introduction de l’année). Il est attesté aussi bien parmi les divers parlers amazighs qu’en arabe vernaculaire nord-africain, dans les régions du Tell comme dans les zones désertiques sahariennes. Cette unité remarquable d’un bout à l’autre de l’Afrique du Nord pousse à s’interroger sur les origines de la présence de ce vocable dans le nord du continent. Sa présence en Afrique du Nord est, semble-t-il, nécessairement liée à celle du calendrier julien. Officialisé à Rome en remplacement de l’ancien calendrier romain, le calendrier julien se voit naturellement doté de noms de mois et de jours en langue latine. Ce sont ces noms de mois, comme le relève Henri Genevois, que l’ont retrouve encore presqu’à l’identique en Afrique du Nord, tant en tamazight qu’en langue vernaculaire. Ainsi, par exemple, Yennayer correspond au mois de « Ianuarius ».

Comme le calendrier julien accuse un retard par rapport au calendrier grégorien, il convient de faire remarquer que Yennayer doit être fêté le 13 janvier.

[(2022-325) x 0,25]-[(2022-325) x 0,2422)] = 13,24 jours.

D’où le retard du calendrier berbère : à 13 jours (soit un jour tous les 128 ans)

2). L’idée d’une Afrique du Nord « arabe » (ou « Maghreb arabe » selon la terminologie impérialiste) émise dans la première moitié du XXe siècle (Messali coaché par Chakib Arslan, Azzam Pacha…), est devenue rapidement vision idéologique dès l’accession aux indépendances de la région. Pour les nouveaux gouvernants (Boumediène et Ben Bella nourris à la mamelle du panarabisme véhiculé par Michel Aflak, Salah ad-Din Bitar…) de Tamazgha centrale, l’arabisation du peuple autochtone est érigée en obsession.

3). Autrefois, tajmaɛt gérait les affaires courantes du village et réglait les conflits entre citoyens. Albert Camus voyait dans cette organisation une « Constitution… l’une des plus démocratiques qui soit » (Misère de la Kabylie, 1939). Quant au philologue français, Ernest Renan, il considère que « L’organisation politique kabyle représente l’idéal de la démocratie, telle que l’ont rêvée nos utopistes. »

Djamel Laceb déclarait, à juste titre, dans Liberté du 10 janvier 2022 : « Nous sommes la seule société qui n’a jamais développé de prison ou de système pénitentiaire et d’armée, tout en défendant nos terres. On a trouvé le moyen de perdurer et de survivre en beauté, tout en chantant. Sans prison et sans armée. C’est un bel hymne à l’humanité qui nous définit par rapport au monde. »

Cependant, le « Système » ne peut tolérer que notre tajmaɛt soit citée en exemple (U Xaldun a aussi couvert d’éloges la Nation berbère). Aussi, les « apôtres » de l’islamo-arabisme entament-ils la déconstruction de la société kabyle, et tajmaɛt devient un « comité Théodule », c’est-à-dire une association vidée de sa substance et placée sous la tutelle des imams ignorants, incultes, sectaires.

4). Dans la revue « Imazighène », premier numéro d’une série de plus 40 bulletins, sorti en avril 1970 (annonçant le « Printemps Berbère » d’avril 1980 avec 10 ans d’avance) Muhend Aarav Bessaoud écrit dans l’éditorial : « Il va sans dire que notre bulletin ne se limitera pas à la vulgarisation historique. Nous pensons en effet qu’il doit être aussi un outil de défense de la langue berbère plus que jamais menacée de disparition. Nous sommes en effet nombreux à penser que le jour où les femmes berbères seront arabisées, notre culture s’estompera graduellement pour finalement disparaître. C’est du reste dans ce but que le plan algérien d’arabisation fait la part belle à la Kabylie. » Cinquante ans après cette alerte, le démantèlement de la Kabylie reste toujours l’objectif principal du « Système ».

Ou comme nous avertissait Ferḥat Imaziɣen Imula, il y a quelques décennies :

« Aḥemmal ad iɛeddi

Di ssya ar imir ad ɣ-ineɣ

I wakken ad nemneɛ d awezɣi

Ara d-yeg°rin d iɣsan-nneɣ. »

[Les crues cesseront,

Après nous avoir engloutis,

Toute échappatoire semble illusoire,

Seules témoigneront nos sépultures]

Après que le « Système » islamo-arabiste eut testé toutes les méthodes d’endoctrinement, qui se sont révélées in fine inefficaces, dorénavant, il se rabat sur le couple imam-mosquée pour nous arabiser. Les missionnaires de l’islam connaissent fort bien l’attachement des Kabyles, du moins une certaine frange de la population, à l’islam, censé leur ouvrir les portes du firmament où ils consommeront à volonté, comme dans un wok grill chinois, tous les biens auxquels ils n’ont pas eu accès dans ce bas monde. Enfin, c’est ce qu’on leur susurre à l’oreille avec un aplomb déconcertant.

Ce que nous semblons oublier, c’est ce hadith : « L’Islam domine et ne saurait être dominé. » D’ailleurs, dans son dernier roman intitulé « 2084 » (en référence au célèbre roman de George Orwell « 1984 », racontant un passé oblitéré et réinventé, et les évènements les plus récents susceptibles d’être modifiés), Boualem Sansal met en scène une dictature religieuse aliénante, derrière laquelle on devine la mise en application du hadith ci-dessus. L’auteur, d’une acuité éblouissante, redoute l’inéluctable avènement d’un califat planétaire. Il nous fait découvrir l’Abistān (« pays d’Abi », c’est-à-dire du Prophète, du « Père », ou « Arabistān », « pays arabe »), un État totalitaire religieux où l’athéisme est proscrit, le citoyen surveillé et le « mécréant » mis au ban de la société et soumis à la loi implacable d’une vieille divinité païenne et de son prophète, un imposteur fort habile. Boualem Sansal nous avertit : « Bientôt, nous serons tous musulmans, alors révisez votre Coran ! »

En attendant de régner sur le monde, de voraces et abjects mulots associés, par « solidarité de la rapine », à des renégats et autres tartufes locaux (pour éviter de blesser nos contemporains, citons pour l’exemple plutôt un personnage biblique, Dathan, un juif passé au service des Égyptiens et malmenant ses coreligionnaires, après quoi il devint le chef des surveillants des travaux de la cité au trésor. Il obtint, comme récompense de sa trahison, Lilia, une juive porteuse d’eau, pour concubine), rongent goulûment la Kabylie. L’appât du gain est l’objectif suprême de ces souris des éboulis, moins sympathiques que la mascotte de Walt Disney.

Remarquons, enfin, que les fondamentalistes instrumentalisent la religion pour servir leur ascension politique et sociale. D’ailleurs ces « morpions des mosquée » répondent bien à la définition que donne le sociologue Pierre Bourdieu dans son livre « La Distinction » : ils entrent dans le fondamentalisme pour se distinguer du croyant « ordinaire ». Ils n’ont, par conséquent, aucune conviction encore moins un savoir religieux. Pour eux, la religion est juste un produit de consommation, un fonds de commerce, et la mosquée symbolise leur arrière-boutique, leur cabinet d’endoctrinement et de racket. Il faut absolument se distinguer, c’est la marque de leur vanité, la volonté d’ostentation. Leur degré de spiritualité est proche de zéro. Dans la vie, il y a ceux qui se repaissent, se délectent de charognes par opportunisme sans que la répugnance leur coupe l’appétit ; il y a ceux qui préfèrent se saigner aux quatre veines pour que leur pitance gagnée à la sueur de leur front et de leur savoir ait une suavité. « << Ṛebbi meqwaṛ >>» dit-on, la Kabylie aussi !

Un kabyle insoumis

SIWEL 121000 JAN 22