UNE SECTE RACISTE QUI SE PRÉTEND SOCIÉTÉ SAVANTE

KABYLIE (SIWEL) — La langue française a joué un rôle éminent dans la sauvegarde et la promotion de tamaziγt et tous ses parlers en ont bénéficié à de degrés divers. Il y a aussi un apport non négligeable d’autres langues européennes (anglais, allemand, espagnol, néerlandais, finnois) à cette renaissance.

La langue arabe, pourtant présence en Afrique du Nord depuis des siècles puis devenue exclusive par la force brutale depuis les indépendances, n’a contribué d’aucune manière à sa sauvegarde ; bien au contraire, elle a servi à une entreprise assumée de son éradication totale et définitive de l’espace nord-africain.

En Algérie, ce sont les islamistes s’affublant de grades de savants (Ulémas) depuis la création de leur association en 1931, qui ont inscrit dans le marbre de leur profession de foi son déracinement puis sa disparition.

AMEZRUY D ANAGI UR IŢAGGAD, UR IḨENNET!

Alors que la fièvre indépendantiste monte ici et là ; alors qu’en Kabylie, des partisans sont déjà au maquis, alors que le deuil des suppliciés des événements de Kherrata-Sétif-Guelma de 1945 est encore prenant, les ulémas algériens font du bannissement du kabyle à la radio et à l’Assemblée nationale, l’alpha et l’oméga de leurs revendications.

Pour avoir une idée de la haine de tamaziγt et du kabyle en particulier que partage cet aréopage savant auto-proclamé, il suffit de lire ce qu’a écrit Bachir Ibrahimi, le plus raciste d’entre eux dans le journal Al-Bassaïr le 27 juin 1948. Attah i d-yura : » Les Berbères ont appris à travers elle [la langue arabe] ce qu’ils ne savaient point […]. Elle imposa son charme à l’âme berbère et la transforma en une âme arabe …L’arabe, libérateur de cette patrie a apporté l’islam et avec lui, la justice, il a introduit la langue arabe et avec elle la science. C’est la justice qui a soumis les Berbères aux Arabes, mais c’est la soumission fraternelle et non celle de la force, c’est une soumission de respect et non de violence criminelle. C’est la science qui a fait dépendre le berbère de l’arabe, mais c’est une dépendance du factice de l’authentique et non celle de l’obéissance de l’esclave à son maître.

Grâce à la spiritualité de l’islam et à la beauté de la langue arabe, l’islam est devenu en très peu de temps une caractéristique de la nation, irréversible et ineffaçable et la langue arabe une femme libre, sans concubine, dans cette nation. »Quelle est cette voix discordante qui nous écorche les oreilles de temps à autre et qui ne se manifeste que lors des accès de folie coloniale?

Quelle est cette voix hideuse qui s’est élevée il y a quelques années à la Radio algérienne en diffusant des chansons et des informations en langue kabyle, qui s’est ensuite fait entendre il y a quelques semaines de la salle de l’Assemblée algérienne en exigeant un interprète pour le kabyle comme il y en a pour l’arabe  » ? Une diatribe de savant où il n’y a pas une once de science mais purulente de haine. Le fait que ce pamphlet ait été produit en période de colonisation triomphante constitue une circonstance aggravante dans la mesure où cette association désigne au pouvoir colonial le seul et véritable ennemi qu’il faut terrasser.

En dehors de la stigmatisation des kabyles, de leur langue, leurs coutumes et leur histoire, on est en droit de se demander quel a été l’apport de cette association à l’Algérie depuis sa création il y 70 ans ?

Il faut aussi se rappeler qu’au moment où les ulémas algériens lançaient flammes et flèches contre tamaziγt et ourdissaient le coup fatal en multipliant les suppliques à l’Administration coloniale de les préserver de « cette voix discordante qui [leur] « écorche les oreilles de temps à autre » ; cette langue disposait déjà en librairie de dizaines de références livresques conséquentes, en volumes de dictionnaires, de traités de littérature, de linguistique, de grammaire, de botanique, etc. Les ulémas connaissaient bien sûr cette réalité et pourtant, clairement, leur haine a été plus forte que la raison et la réalité.

[En annexe, je vous livre une liste non exhaustive d’ouvrages édités dans le domaine amaziγ et tous parus avant l’année 1950].

Aujourd’hui, c’est le même esprit de racisme assumé et décomplexé qui prévaut au sein des secteurs de l’État chargés de la Culture, de l’Éducation et de l’Information comme le démontre le refus sans raison d’impression du journal en tamaziγt Tiγremt.

Au sein de la mouvance islamiste qui occupe aujourd’hui les points stratégiques dans l’État, le plus magnanime envers tamaziγt est celui qui lui concède une famélique existence marginale et à condition qu’elle s’écrive en caractères arabes ; ce qui lui équivaut à se faire hara-kiri.

La dernière avanie de cette secte date de janvier 2019. Elle concerne Yennayer, le jour de l’an amaziγ que le président de la commission des fatwas Al-Abidine Ben Hanafia de l’AOMA décrète comme haram et contraire aux préceptes de l’islam. Alors que l’amazighité dans tous ses attributs (langue, culture, histoire et civilisation) est censément inscrite dans la constitution. Peut-on construire une nation avec de tels gens ?Un état qui entretient depuis 58 ans cette secte parasite dont le seul objectif est le sapement du pays est-il viable ?

ANNEXE

-1844 – Venture de Paradis Jean-Michel de :Grammaire et Dictionnaire abrégés de la langue berbère revus par P. Amédée Jaubert et publiés par la Société de géographie, Paris, Imprimerie Royale, 1844.

-1844 Brosselard Ch. et Sidi Ahmed ben El Hadj Ali, imam de Bougie Dictionnaire français-berbère. Le dictionnaire contient à peu près tous les mots en usage parmi les populations des montagnes de Bougie, parmi les tribus de Mzita, des Beni-Abbas, des Zouaouas, et dans toute la chaîne de l’Atlas, jusqu’à Médéah. » Transcription double présentée en deux colonnes, arabe vocalisé et caractères latins. Paris, Imprimerie Royale, 1844, 656 p.

-1873 Creusat J.-B. – Essai de dictionnaire français-kabyle Alger, Jourdan, 1873, 374 p.-1878 Olivier P.- Dictionnaire français-kabyle Le Puy, 1878, 316 p.

-1901 Le P. G. Huyghe – Dictionnaire kabyle-françaisParis, Imprimerie nationale, 2e éd., Alger, Jourdan, 1901. 354 p. (La première édition de ce dictionnaire, lithographiée, 815 p., est datée de 1896 ; elle n’est plus objet de référence.)

-1903 Le P. G. Huyghe – Dictionnaire français-kabyle – Malines (Belgique), 1902-1903, 893 p.-1907 Le P. G. Huyghe – Dictionnaire chaouïa, arabe, kabyle et français Alger, Jourdan, 1907, 371 p.

– LEXICOGRAPHIE KABYLE

-1913 Boulifa S.A.Méthode de langue kabyle. Cours de deuxième année.Texte zouaoua, suivi d’un glossaire, pp. 367-540, Alger, 1913.

-1933 VOCABULAIRE français-kabyleà l’usage des Élèves de l’École départementale des infirmières de l’Hôpital franco-musulman, établi par la Commission d’études de l’Hôpital. Rédacteur-Rapporteur : M. Octave Depont Préfecture de la Seine. Bordeaux, Delmas etc. 1933, pp. 166. Éléments de grammaire. / Généralités. / Terminologie médicale. / Expressions relatives à diverses maladies. / Dialogues. / Textes divers.

-1941-1942 Chantreaux GermaineLe tissage sur métier de haute lisse à Ait Hichem et dans le Haut-Sebaou (Kabylie). Revue Africaine, 1941, t. LXXXV, p. 78-116 et Lexique, t. LXXX, 1942, pp. 261-313.

-VOCABULAIRE français-kabyle à l’usage du corps médical et paramédical édité par la Direction Générale de l’action sociale au Gouvernement Général. Gouvernement Général de l’Algérie. Sans date, p. 132.

Dictionnaires berbères (autres que kabyles) (S. Chaker)

TOUAREG

-Cid Kaoui (Saïd) : Dictionnaire français-tamâhaq, Alger, A. Jourdan, 1894, 894 p.

-Cid Kaoui (Saïd) : Dictionnaire pratique français-tamâhaq, Alger, A. Jourdan, 1900, 441 p.

-Foucauld (Charles de) : Dictionnaire abrégé touareg-français (2 t.), Alger, Carbonnel, 1918, 652 p. + 791 p.

-Foucauld (Charles de) : Dictionnaire abrégé touareg-français des noms propres, Paris, Larose, 1940, 362 p.

-Foucauld (Charles de) : Dictionnaire touareg-français, dialecte de l’Ahaggar (4 vol. ), Paris, Imprimerie Nationale, 1951-52, 2 028 p. [œuvre monumentale, à la fois dictionnaire de langue et dictionnaire encyclopédique, cet instrument imposant demeure la référence majeure en matière touarègue. Par son ampleur et sa précision, il reste également inégalé dans l’ensemble du domaine berbère.]

-Masqueray (Emile) : Dictionnaire français-touareg (dialecte des Taïtoq), Paris, Leroux, 1893, 362 p.

[Calassanti-M otylinki (A. de) : Grammaire, dialogues et dictionnaires touaregs, t. 1, Alger, Fontana, 1908, 328 p.

CHLEUH

-Cid Kaoui (Saïd) : Dictionnaire français-tachelh’it et français-tamazir’t, Paris, Leroux, 1907, 248 p.

-Destaing (Edmond) : Étude sur la tacheïhît du Soûs, I. Vocabulaire français-berbère, Paris, Leroux, 1920, 300 p.

-Jordan (Antoine) : Dictionnaire berbère-français, Rabat, Omnia, 1934, 159 p.

-Laoust (Emile) : Mots et choses berbères, Paris, Challamel, 1920, 531 p.TAMAZIGHT (MAROC CENTRAL)

-Cid Kaoui (Saïd) : Dictionnaire français-tachelh ’it et français-tamazir’t, Paris, Leroux, 1907, 248 p.

-Mercier (Henri) : Vocabulaire et textes berbères dans le dialecte des Ait Izdeg, Rabat, Céré, 1937, 512 p.

RIF

-Ibañez (Esteban, Fr.) : Diccionario español-rifeño, Madrid, Ministero de asuntos exteriores, 1944, 440 p.

-Ibañez (Esteban, Fr.) : Diccionario rifeño-español, Madrid, Ministero de asuntos exteriores, 1949, 336 p.

CHAOUIA (AURÈS)

-Huyghe (G.R.P.) : Dictionnaire français-chaouia, Alger, A. Jourdan, 1906, 750 p.

-Huyghe (G.R.P.) : Dictionnaire chaouia, arabe, kabyle et français, Alger, A. Jourdan, 1907, 571 p.

ALGÉRIE CENTRALE ET ORANIE

-Destaing (Edmond) : Dictionnaire français-berbère (dialecte des Beni Snous), Paris, Leroux, 1914, 374 p.

-[nombreuses mentions de parlers voisins, du Maroc (zone rifaine et tamazight) et d’Algérie centrale, notamment : Beni Iznassen, Chélif, Blida, Beni Menacer…].

TRIPOLITAINE

-Bossoutrot, Vocabulaire berbère ancien (Dj. Nefousa), Rev. Tunis, 1900, p. 1-23.

DICTIONNAIRES

-Destaing E., Vocabulaire français-berbère, Paris, 1938 (XIV + 300 p. ; 2e vol. Textes +berbères-français).

-Foucauld de Ch., Dictionnaire touareg-français, dialecte de l’Ahaggar, Alger 1951 (XVI + 2 030 p. ; 4 vol.).

-Huygue G., Dictionnaire français-chaouia, Alger 1906 (VIII + 752 p.).-Venture de Paradis J.

-M., Grammaire et dictionnaire abrégés de la langue berbère, revus par P. Amédée Jaubert et publié par la société de géographie, Paris, 1844.

TEXTES ET GLOSSAIRES

-Boulifa A., Recueil de poésies kabyles, Alger, 1904.

-Foucauld Ch. de., Poésies touarègues, dialecte de l’Ahaggar, 2 vol. , Paris, 1925-1930.

-Laoust E., Mots et choses berbères, notes de linguistique et d’ethnographie, dialecte du Maroc, Paris, 1920.

Azru Loukad
SIWEL 021013 AVR 21