Témoignage de Massnsen Aylimas : « Six policiers m’ont roué de coups parce que j’ai refusé de parler en arabe »
GOUVERNEMENT PROVISOIRE KABYLE

MOUVEMENT POUR L’AUTODÉTERMINATION DE LA KABYLIE

MAK-ANAVAD

RAPPORT D’AGRESSION D’UN MILITANT PAR LA POLICE/GENDARMERIE COLONIALE

 

Massnsen Aylimas, membre de l’exécutif de la Coordination Ouest du MAK-Anavad

Avec mes amis Nour, Lwenas et Didin, nous avons pris la route vers 6h00 du matin. En arrivant au chef-lieu de Iferhounene, nous avons rencontré un barrage de police, une trentaine de policiers repartis un peu partout sur la route. Aucune surprise en soi, en effet, nous étions conscients que toutes les routes menant à Tuverit seraient étroitement surveillées par les services de répression algériens. Aussi, nous avons pris la décision d’emprunter les pistes pour contourner les routes principales et passer ainsi discrètement derrière les agglomérations. De sorte, nous avons réussi à avancer tranquillement, jusqu’à notre arrivée à la route menant à Taqerbuzt. En ce lieu, nous avons trouvé un barrage de gendarmerie. Les militaires avaient arrêté trois véhicules occupés par des familles. Ils étaient tellement absorbés par leur fouille qu’ils n’avaient même pas fait attention à notre présence. Nous avons poursuivi notre chemin sereinement et avec détermination.

Avant notre arrivée à Taqerbuzt, nous avons aperçu des bus pleins de jeunes. Renseignement pris, ce sont des bus réservés pour une excursion organisée inopinément par la D.J.S de la willaya de Tuverit. 17 bus et 510 places pour une excursion gratuite au Lac noir d’Akfadu. Cela pour éloigner les jeunes du terrain politique et d’isoler ainsi la marche nationale kabyle. Nous avons poursuivi notre route vers la ville de Tuviret. Entre Taqerbuzt et Tuverit nous avons compté environ une quinzaine de barrages de gendarmerie. Cependant, nous avons réussi à les dépasser sans écueil et je tiens à ne pas donner plus de détails sur ce qui nous a évité d’être arrêtés. A notre arrivée à la gare de Tuviret, il y avait des militantes et des militants rassemblés et venus d’un peu partout.

Nous avons pris le bus qui mène de la gare de Tuviret vers le centre-ville. A notre arrivée à destination, nous avons remarqué deux policiers en civil qui nous suivaient de près. Pour les semer, nous avons emprunté les escaliers pour monter au portail principal de l’université Mohand El hadj. Ils ont fait demi-tour. Dès qu’ils se sont suffisamment éloignés de notre périmètre, nous avons repris la route pour aller au lieu du rendez-vous, situé au niveau du deuxième portail. La route et les trottoirs étaient envahis par les exécutants du désordre et de l’insécurité algérienne. Sur place, nous avons retrouvé une vingtaine de militants et de militantes devant le deuxième portail, encerclés par des policiers en tenue et en civil.

À notre arrivée au point du rendez-vous, nous nous sommes naturellement dirigés vers un groupe de militants composé de six (6) personnes. Aussitôt, environ une vingtaine de policiers en civil et en tenue sont sortis de nulle part et nous ont encerclé. L’un d’eux, la haine, le racisme et l’agressivité sur les lèvres, se dirige instantanément vers moi et me demande ma pièce d’identité. J’ai exigé à connaitre le motif. Tous ses acolytes ont formulé la même demande auprès de mes camarades. Pour ma part, j’ai refusé de le faire, en lui montrant ma carte d’étudiant et en lui précisant que le droit m’autorise à fréquenter une faculté de Kabylie. Un autre policier particulièrement raciste s’approche de moi et m’ordonne de cesser de parler en langue kabyle et d’utiliser uniquement la langue arabe, langue de la cohésion nationale. Mon refus fut spontané et catégorique. Je lui ai instinctivement répondu en langue kabyle : « Nekk d aqvayli, tamurt-iw d tamurt n leqvayel, tutlayt-iw d taqvaylit ». Il s’est passablement énervé et s’est mis à m’asséner des coups violents sur ma poitrine et sur mon cou. Je me suis allongé par terre en résistant de toutes mes forces pour ne pas les suivre dans leur voiture comme l’exigeaient-ils. Les six policiers se sont jetés sur moi et m’ont traîné par terre sur plusieurs mètres. Sans tenir compte de la douleur, j’ai continué à résister en protestant : « Je suis un étudiant, je suis un militant du MAK-Anavad, je ne suis pas un criminel, vive notre Kabylie, laïque et indépendante ». En invitant les personnes présentes sur les lieux à filmer la scène, j’ai résisté et protesté pour inciter les personnes qui observaient le comportement des agents du colonisateur à se « révolter » intérieurement et à prendre conscience du danger mortel qui pèse sur l’identité du peuple kabyle. J’ai résisté pour motiver les militants et les militantes. J’ai résisté pour honorer l’esprit kabyle. J’ai résisté en mémoire des kabyles assassinés lors du Printemps noir.

Mes amis se sont mis à les affronter pour les empêcher de me traîner par terre, tel un vulgaire sac. Les policiers continuaient de frapper sans arrêt sur toutes les parties de mon corps. Pendant que les coups pleuvaient sur mon corps, je continuais à prendre à témoin les citoyens de Tuvirett : « Je suis un étudiant, un militant politique et je me bats pour taqvaylit ». Les policiers s’acharnaient sur moi de plus belle pour me faire taire. Ils m’ont déchiré mon t-shirt, enlevé de force mon bracelet et ma montre qui portait l’Azza ⵣ n yimaziɣen.  Trois policiers m’ont soulevé par les mains et trois autre par les pieds pour m’embarquer dans le « Vito ». J’ai continué à protester dans le « Vito » jusqu’à notre arrivée au commissariat, ce que les a poussés à me matraquer sans retenue. Ils m’ont installé dans un bureau et m’ont ordonné d’enlever mes chaussures et mes chaussettes et ont fouillé mon cartable à plusieurs reprises. Pendant tout ce temps, leurs intimidations  et violence n’ont à aucun moment baissé d’un ton, ma détermination n’avait fait que se renforcer.

J’ai subi un harcèlement moral et des sévices de la part de ces exécutants de la haine. J’y ai résisté avec dignité et sans renier mes idées pour les vaincre psychologiquement. J’ai résisté pour leur montrer concrètement notre détermination. Je suis convaincu qu’ils sont impressionnés par la résistance de tous les militants et de toutes les militantes qu’ils ont torturé. Ce 20 mai, à Tuvirett, ils ont reçu un message : « la Kabylie ne reviendra pas en arrière et deviendra un Etat indépendant, peu importe le prix à payer ».

Ils m’ont transféré d’un bureau à un autre (au moins 7 bureaux en tout), d’une cellule à une autre. Ce petit jeu, vraiment pas plaisant, a duré plus de 3 heures. Ils ont essayé de m’intimider, de m’embrouiller les idées en me reposant toujours les mêmes questions et en recommençant la rédaction du PV. Ils ont en rédigé plusieurs. J’ai catégoriquement refusé de les signer. J’ai refusé de le faire, car je ne reconnais plus leur autorité. J’ai refusé, car je ne reconnais pas les lois de notre colonisateur. J’ai refusé, car je ne me sens ni de près ni de loin citoyen algérien. Je suis kabyle et uniquement kabyle.

Après des heures d’interrogatoire, de sévices et de harcèlements, ils m’ont fait descendre au hall d’entrée ou se trouvaient déjà mes camarades militants. Nous étions plus de 120 militants et l’on s’est mis aussitôt à scander en chœur : « Kabylie indépendante » et « pouvoir assassin ». Ce que les a incités à nous séparer en nous enfermant dans les différentes cellules et bureaux du commissariat.

Nous avons subi un racisme de ces lâches zélés d’un système tyrannique ; petites mains volontaires du mal et de la haine. Tellement raciste au point de nous demander de ne plus parler en langue kabyle, mais cela n’était pas efficace avec nos braves militantes et militants que je salue chaleureusement. Nous avons passé plus de 14 heures de harcèlement par ces faibles d’esprit ; par ces lâches exécutants du mal. Cela n’a fait que renforcer notre détermination et renforcer notre amour pour notre chère Kabylie. Qu’ils le veuillent ou pas, elle sera indépendante. Restons unis, fraternels et braves militantes et militants des droits des Peuples à la vie et à l’émancipation.

Que ce témoignage serve pour chacune et chacun à prendre conscience de la tyrannie de, sans doute, la plus grande dictature au monde, qui est l’Algérie.

Vive la Kabylie libre et indépendante.

Quelques hématomes sur mes bras

Massnsen Aylimas,
Membre de l’exécutif de la Coordination Ouest du MAK-Anavad
SIWEL 251018 May 17 UTC

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