Témoignage de Brahim : « toute cette violence et cette fatigue se sont évaporées à nos retrouvailles entre militants »
GOUVERNEMENT PROVISOIRE KABYLE

MOUVEMENT POUR L’AUTODÉTERMINATION DE LA KABYLIE

MAK-ANAVAD

RAPPORT D’AGRESSION D’UN MILITANT PAR LA POLICE/GENDARMERIE COLONIALE

 

Témoignage de Brahim Ouchene, militant de la Coordination Sud du MAK-Anavad

En tant que militant de la région de Tuvirett depuis des années dans le mouvement souverainiste, je tiens à témoigner de mon ressenti et mon vécu lors de cet événement du 20 mai 2017, après toutes ces années d’expérience dans le combat, la lutte et l’organisation d’événements de toutes sortes dans cette région. C’est vrai que ça n’a jamais été facile ; nous avons toujours été réprimés donc on avait quelque part une certaine habitude de cette horreur subie à chaque fois. Mais cette fois-ci, les choses étaient totalement différentes ; j’ai senti, dès le départ, un climat de guerre jamais vécu auparavant mais néanmoins ce sentiment a produit en moi un drôle d’effet ; j’ai été envahi par une joie immense de voir mon entourage, mes amis et mes frères de lutte plus déterminés et de plus en plus nombreux car la peur a totalement changé de camp, vu l’arsenal qui nous était réservé rien qu’à nous.

La ville de Tuvirett est à une demi-heure de mon village Raffour, en temps normal, mais ce jour-là, tout était différent ; tous les chemins et routes menant à Tuvirett étaient barricadés, voire bloqués, de sorte que personne n’y pénètre sans être contrôlé par la police ou la gendarmerie. La répression avait déjà commencé.

Nous étions organisés en caravanes ; par chance, deux bus de la notre ont pu passer.
Une fois sur place, nous avions décidé de nous séparer en deux groupes pour augmenter nos chances de rejoindre le lieu de la marche. Mon groupe a pris le chemin de l’ancienne gare et, en route, nous sommes rejoins par un petit groupe d’étudiants qui nous ont informés que la répression avait déjà commencé, depuis. Vu la situation, nous avions décidé de rejoindre le premier groupe où il y avait nos camarades des trois coordinations, pour être plus nombreux et mieux faire face au dispositif répressif. Malheureusement, vite repérés -mon camarade Zahir (alias Netta Ma D Netta) et moi- et pris en chasse par une vingtaine de policiers en civil qui nous ont alors immédiatement passés à tabac, roués de coups de pieds et de poings au visage.
Et comme cela n’était pas suffisant, ils nous ont aligné contre un mur tels des terroristes, nous ont filmé devant tout le monde ; c’était l’ultime humiliation qu’un homme pouvait subir.

Puis, ils nous ont ramenés au Commissariat central déjà plein à craquer par mes camarades souverainistes. Les retrouvailles étaient spectaculaires : d’une seule voix et comme un seul homme, nous avons chantonné l’hymne national kabyle, suivi de ‘’Kabylie, Kabylie indépendante’’, raisonnant dans tout l’immeuble ; la terreur et l’angoisse se lisaient dans leurs yeux, la peur a changé de camp.
Suite à cela, ils nous ont séparés et la torture moral et souvent physique s’ensuivit -les frères souverainistes en témoignaient- et l’enfer a commencé pour chacun de nous, à tour de rôle.
J’ai eu affaire, quant à moi, au commissaire et à un de ses éléments pour un interminable interrogatoire auquel je réitérais toujours mes convictions et mon appartenance au mouvement souverainiste du MAK-Anavad.

On me questionna « Connais-tu Ferhat ? Tu fais quoi ? Etc ». J’ai fièrement répondu par l’affirmative et que j’occupais le poste de ministre de la défense. Ce qui les irrita et l’interrogatoire prit alors une tout autre tournure, vu ma détermination et ma conviction inébranlables ! Je ne citerai pas toutes les insultes à l’encontre de ma personne et autres injures racistes envers les kabyles, voire antisémites !

Une fois mon interrogatoire terminé, j’ai été vite reconduit dans une cellule où j’ai été témoin des ordres de violence pour procéder à l’arrestation, à tout prix (passage à tabac, torture, humiliation), de Rachida Ider, tannirt, Tasedda, Celya Manissa et d’autres militants encore.
D’habitude calme, j’ai alors perdu mon sang froid et exprimé ouvertement ma colère ; ce qui ne manqua pas de m’attirer des coups de poings et de matraque à la figure.

Je fus pris de fatigue et commençais à être démoralisé, suite à neuf heures de torture morale et physique et d’humiliation (de 08h à 17h).

Vers 17h30, j’ai été parmi les premiers à être relâchés et, avec quelques camarades, nous avons essayé d’improviser un rassemblement; sans succès car la répression et les agressions continuaient en dehors du commissariat.

Nous sommes tout de même restés sur les lieux jusqu’à la libération des derniers de nos frères et camarades. Par la suite, nous avons été reconduits sous escorte jusqu’à l’entrée de l’autoroute vers Raffour.

Personnellement et malgré le manque de sommeil depuis la veille, la faim et la soif, toute cette violence et ces humiliations, toute la fatigue que j’avais ressentie alors s’évapora à notre sortie et à nos retrouvailles entre militants au complet. Ce sentiment partagé par nous tous, sur place, dans notre combat légitime et juste et notre droit inaliénable à la liberté de penser et d’être, nous a beaucoup aidés, convaincus qu’aucune force ne nous l’ôtera ; nous nous réitérâmes nos vœux et droit à avoir un pays libre et souverain et que nous le payerions par le sang s’il le faut.

Brahim Ouchene, militant de la Coordination Sud du MAK-Anavad
SIWEL 281700 May 17 UTC

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