KABYLIE (SIWEL) — Lorsque, telle une vierge, la dignité s’effarouche, le ciel de la clémence, même envers les siens, doit s’interrompre pour les besoins du cas, d’un dire de trop, d’un dire acerbe et malveillant de l’un d’entre eux.

De toutes ces agitations orchestrées, affinées et psalmodiées avant la grande prière en flammes, je n’ai de désir qu’à répondre à une ; celle de M. Mohamed Oukaci, réalisateur du film « Canaval fi dechra », où il vient de condamner la génération rebelle post-2000, qu’il qualifie ironiquement de « génération Matoub » et qu’il accuse d’être responsable de toutes les déconvenues « nationales » et de la furie à laquelle on assiste. Dans l’esprit de M. Mohamed Oukaci, une mode par les temps qui courent, la victime devient le bourreau, et le tortionnaire, le torturé.

Je me réserve donc cette présente ligne, eu égard à ma conception de la kabylité qui fait qu’on devrait toujours afficher de la petitesse en s’adressant à son aînée, pour m’adresser au concerné en usant, voire en abusant de l’expression « Dda ».

Repose en paix Lounès… Non ! M. Oukaci ne t’a pas profané. C’est juste que, 23 ans après ta disparition, il vient dire, pour un dessein inavoué, mais qui saute aux yeux, qu’il ne te porte pas dans son cœur. Repose en paix et tu le mérites amplement.

Dda mohd Oukaci, Matoub Lounès, n’avait-il pas assez enduré, de son vivant, pour lui en rajouter d’autres post-mortem ? Le connaissiez-vous vraiment pour insulter en son nom, la jeunesse kabyle qui s’en est légitimement inspiré, la rendant, de par le même esprit rebelle aux injustices et à toute exaction, responsable de toutes les calamités qu’elle subit dans sa chair et qui brisent tous ses rêves ?.Ayant fait mes études supérieures à Alger, je garde cette image enveloppée de perfidie, de déception et d’indignité de certains Kabyles aux robes monarchistes, répugnant le Kabyle de la montagne et, dans le même temps, témoignant aux autres Algériens une docilité sans commune mesure et une « courtoisie » pour le moins outrancière ; signe, disait-on, de règles de bienveillance pour sauver la face et… marquer la différence !.Dda mohd Oukaci, ton « carnaval » fut fait, ta notoriété advint. Dda mohd aux oscars ! Ariouat n’y avait vu que du feu. C’en est chose aisée puisque Dda mohd en était le réalisateur ; il était Kabyle donc militant des causes justes. Il en avait tort.

Dda mohd, la « génération Matoub » n’est pas responsable de la forfaiture « nationale ». Cette génération, c’est ce Kabyle idéologiquement « enchaîné » qui voit dans les valeurs humaines un affranchissement. Awal « l’homme est né pour ouvrir des ailes et non pour traîner des boulets » que disait Hugo, était devenu, à ton insu, sa boussole. Cette génération, c’est ce jeune avide et assoiffé, car on lui a interdit de « vivre », lui à qui, pour tout horizon, on propose une barque de fortune pour tenter le vivre-ailleurs, car exclu du vivre-ensemble. La « génération Matoub », c’est ce Kabyle non encore tout à fait mort du mal-vivre auquel on miroite la survie dans le déni de soi et la jouissance dans l’au-delà. Cette génération, c’est ce jeune Kabyle sans le sou, éternel fardeau sur les épaules des siens, mais qui ne se vend pas. Qui ne se renie pas.

Tu vois Dda mohd, cette « génération Matoub », pour reprendre ton expression, au lieu d’être, comme tu la désignes injustement, responsable de votre « désastre nationale », est, de par sa révolte à fleur de peau, résistante et déterminée, mais en aucun cas malfaisante ; au pire, c’est un souffre-douleur qui s’en sort plutôt bien malgré tous les préjugés de la bien-pensance qui, depuis toujours, a préféré la facilité, celle de tirer sur l’ambulance….

Yiwen Akkeny

28/08/2021.

PS : Solidarité avec ma Kabylie incendiée (180 morts, peut-être plus), accablée (traitée de « mantiqa irhabiya »), menacée ( Kamira Nait Cid enlevée, son digne fils, Ferhat, taxé de criminel, etc.)

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