Le Président de l’Anavad  : « Les revendications des Rifains sont justes et légitimes » (Interview)

INTERVIEW (SIWEL) — Mass Ferhat Mehenni revient dans cet entretien sur la révolte du Rif qu’il intègre dans une analyse plus globale et explique les positions du MAK-Anavad

Siwel : Monsieur le président, pourquoi cette sommation de nombreux médias algériens faite au MAK-Anavad de prendre position vis-à-vis de ce qui se passe au Rif ?

Mass Ferhat Mehenni : Il y a deux remarques préalables à faire. D’abord, après plus de quinze ans de black-out contre nous, voilà qu’étrangement ce sont nos censeurs qui nous pressent de nous exprimer. Ensuite le fait que l’opinion soit à ce point suspendue à la position officielle du Gouvernement Provisoire Kabyle vis-à-vis du Rif montre simplement que la Kabylie est, grâce à notre droiture et notre intransigeance, devenue le pivot de la vie politique, non seulement face à l’Algérie, mais à travers l’ensemble du monde amazigh.

Toutefois je dois souligner que cela fait dix jours que les Kabyles ont été sauvagement réprimés à Tuvirett sans que tous ceux qui semblent retrouver subitement leur conscience devant le Rif ne se soient sentis interpellés.  Cela ne les rebute pas de pratiquer à l’encontre des Kabyles ce qu’ils dénoncent injustement chez ces derniers par rapport aux Rifains. En étant partie-prenante de l’Algérie coloniale, ils souhaitent que l’on se joigne à leur meute, amplifier leur hallali contre leur frère-ennemi marocain et faire oublier leur criminelle répression contre la Kabylie. Nous n’oublierons rien, quand bien-même nous sommes tenus à l’obligation de solidarité avec nos frères rifains.

Cela m’amène à en déduire que leur tapage médiatique sur notre supposé silence est trop sournois pour être honnête. Cette pression qu’ils veulent exercer sur nous met trop à nu leur mauvaise foi. En fait ils veulent faire croire que si le MAK-Anavad  ne se prononce pas sur la révolte du Rif c’est pour ne pas gêner le Makhzen. Je n’ai pas lu par ailleurs que quelqu’un parmi eux se soit offusqué du silence y compris des Rifains devant le massacre des Kabyles. Mais dès lors que cela créditerait leurs ragots pernicieux selon lesquels nous serions à la solde du Maroc, cela leur suffit ! La question du soutien au Rif ne les intéresse que dans la mesure où elle pourrait être instrumentalisée pour casser du MAK et du Kabyle. Nous sommes sûrs qu’ils ne se soucient guère des revendications légitimes de nos frères du Rif, tout comme d’ailleurs ils n’ont cure des droits des Sahraouis dont ils soutiennent le droit à l’indépendance tout en considérant celui des Kabyles comme la pire des turpitudes. Ce sont les mêmes officines qui gèrent la question du Sahara qui veulent encore se pencher aujourd’hui sur la question du Rif dans l’optique de nuire au MAK en premier lieu, au voisin marocain ensuite. Ces officines sont des va-t-en-guerre, capables d’embraser toute l’Afrique du Nord rien que pour se maintenir au pouvoir.

Quelle est votre position vis-à-vis du mouvement au Rif ?

Nous soutenons toutes les revendications légitimes formulées par les porte-voix du Rif et nous condamnons la répression tant nous sommes convaincus qu’ils n’y a pas de solution carcérale à un problème politique. La répression est contreproductive pour ceux qui y recourent. Le monde a changé. On ne réprime plus aussi impunément.

Plus encore, nous nous impliquons activement et pleinement dans les luttes des peuples d’Afrique du Nord, donc des Amazighs qui se battent consciemment pour leurs droits ! Nous sommes mêmes partisans d’une coordination avec eux. Car nous pensons aussi que la mondialisation en cours va aggraver les contradictions entre les Etats et les Nations : l’euphorie des indépendances s’est estompée à la fin du XXe siècle et le XXIe s’ouvre sur cette image des peuples qui, courageusement font face au déni d’existence dont ils sont victimes jusque-là.  Nous sommes à l’ère de l’effondrement des dictatures et parmi les plus près de tomber se trouve l’Algérie. Nous devons faire en sorte que nos peuples soient politiquement armés pour éviter le chaos irakien, syrien ou encore libyen. C’est cette profonde conviction qui nous rend responsables devant l’histoire.

Pour revenir au mouvement de nos frères du Rif, bien sûr que nous le soutenons.  Nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt depuis le 20 février 2011 toutes les revendications que nous estimons justes et légitimes : la démilitarisation de la région Al Hoceima, la déclaration de la région comme sinistrée et la nécessité d’un plan de sauvetage, l’arrêt des poursuites et du harcèlement des paysans de la région et des activistes, le développement du secteur de la santé et de l’éducation, etc…
Ce sont autant de revendications qui nous parlent.

Monsieur le président, soutenez-vous ou non Nasser Zefzafi ?

Nasser Zefzafi vient d’être arrêté. Je demande qu’il soit immédiatement remis en liberté. Je condamnerai violemment toute atteinte à son intégrité physique.

Pour nous il y a une différence de taille entre les mouvements et leurs directions, entre les révoltés et leurs porte-parole.  Ce personnage est l’un de ceux qui donnent une certaine « image », une « visibilité » à la révolte du Rif. Mais l’actuelle révolte tire ses racines du Mouvement du 20 février 2011 et il serait dommage de la réduire à un seul individu, quel que soit son prestige. C’est une figure publique plus médiatique que d’autres.

La révolte du Rif est historique et nous refusons de la réduire au seul discours de son porte-drapeau. Ceci dit, nous soutenons sa liberté d’expression, de mouvement, de réunion…

Propos recueillis par Akli Ameziane
SIWEL 291851 May 17 UTC

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