CONTRIBUTION (SIWEL) — Salem At Seyd, un passionné de l’Histoire de la Kabylie et fidèle contributeur de notre site, profite de ce droit de réponse pour rappeler qu’avant l’arrivée de la France en Afrique du Nord, la Kabylie n’a jamais été colonisée, contrairement à ses voisins. La Kabyle n’a donc connu que 90 ans de colonisation de la France, sans parler de la colonisation algérienne actuelle.

 

Il m’est insupportable de lire dans les pages de kabyle.com un article tel que celui de M. Djaffar Khenane. Autocritique ne rime pas avec autoflagellation et encore moins dévalorisation. Et pourtant, au fil du texte, on ne peut que constater un manque cruel d’amour de soi. Non ! détrompez-vous les kabyles sont une grande Nation. Mais pour le savoir faut-il encore se référer à notre véritable Histoire. Et non à une Histoire des berbères écrites par des romains, des arabes ou des français. Ou encore au Mythe algérien fabriqué de toute pièce et hérité de France.

Nation kabyle, la légende des 5 archs

Donc permettez-moi de vous enseigner le peu que je sais de notre Histoire. L’Histoire de la nation kabyle. Tout d’abord commençons par ce que la Légende laissée par nos anciens peut nous apprendre. La Nation kabyle est née d’un géant. Ce géant n’est autre que le géant du Djurdjura. De ce géant naîtront 5 fils qui donneront naissance aux fameuses 5 nations légendaires du Djurdjura. C’est de ces 5 aarch mythiques que naît le peuple kabyle originel. Notre peuple ne portera le nom de Kabyle que bien plus tard.

La renommée comme drapeau

Par le passé, nous n’avions nul besoin de drapeau tant la renommée des Kabyles était à elle seul un étendard plus que dissuasif. Les Romains ont nommé la Kabylie Mons Ferratus, car nos montagnes leurs sont demeurées insoumises et inaccessibles pendant 8 siècles. Ils ont bien essayé, mais sans succès. Il serait bon de relire Amar n At Belqacem u Amar (Boulifa). En revanche, ils ont soumis la Libye, l’Ifrikya et Tamazgha centrale par l’épée à la nouvelle religion. Au 7e siècle, le nouvel envahisseur islamique arabo-levantin ne tentera même pas d’y mettre les pieds. Car la réputation de ces montagnards indomptables est déjà bien établie. Le Djurdjura est imprenable et le restera fort longtemps.

Les « passifs » kabyles domineront Tamazgha et l’Orient avec l’Empire Fatimide. Avec Vgayet, la civilisation kabyle brillera de milles feux en Orient et en Occident. Par la suite, Vgayet deviendra même une capitale mondiale de la connaissance. Égale voire supérieure à Damas, Bagdad, Tolède, Le Caire ou Grenade. Elle enseignera au reste du monde les mathématiques modernes. Les Banu Hilal et Solaïm du XIe siècle n’ont jamais osé s’approcher de nos montagnes. Certes, ils ravageront l’Ifrikya et une grande partie de Tamazgha centrale. Mais, ils finiront par servir les Kabyles face aux nomades berbères du désert. Avant qu’Abdelmoumen, le Marocain ne décide d’en finir avec eux définitivement. Les hilaliens seront réduits à la portion congrue. Car c’est en réalité les berbères nomades zenatiya qui se révéleront autrement plus dangereux pour la démocratie kabyle. Encore à ce jour, car la majorité des mostaraboun de Tamazgha centrale descendent non pas des Arabes mais de ces nomades Zenatiya.

la Kabylie a n’a été colonisée qu’une fois et cela a duré 90 ans !

"Bref, je sais que vous allez me dire que nous n’avons pas eu le temps de construire notre nation, car nous avons été colonisés, colonisés et colonisés. Ce n’est pas faux". M. Djafar K., c’est totalement faux ! Et cela relève de l’ignorance que de prétendre le contraire. Une telle affirmation est une aliénation majeure. Et pour cause, la Kabylie n’a connu qu’une seule colonisation. Et elle n’aura duré réellement que 90 années et non 132 ans. Les dernières confédérations des aarch Kabyles de la ligue Haute fédérale de Kabylie se sont soumises sans renoncer à l’indépendance en 1857.

1871 : première guerre de libération

Jusqu’en 1871, la Kabylie prépare silencieusement un soulèvement pour récupérer sa totale indépendance. La Kabylie ne guette que le moment propice. Et la "passivité" des Kabyles bravant l’ordre colonial procèdera à l’élection des assemblées de villages en 1869 : tijmaïn. Et parallèlement à cela, la Rahmaniya et Mokrani ne cesseront de se rallier le soutien du reste de Tamazgha (Ouargla, Tougourt, Ouled sidi Ckeikh, Souk-Ahras, Tébessa etc…).

N’eut été la réelle "passivité" de ses voisins de l’ouest et de Guelma, la France coloniale n’aurait pas eu le temps d’envoyer les renforts nécessaires à un bain de sang programmé. C’est qu’en 1870, les Kabyles savaient déjà ce que les prussiens avaient infligé au sultan arabophile de la France : Napoléon III. Ils savaient que la République naissante en France faisait face à un autre soulèvement de 1871. Celui des Parisiens qui finira lui aussi dans un bain de sang.

En 1871 et 1872 la Kabylie redevient indépendante. Elle se lance dans une guerre totale. Mais hélas, la Kabylie voit ses terres confisquées, son élite déportée et ses instances politiques et religieuses sous étroite surveillance. Son mode de gouvernance est remis en cause fondamentalement. On passe d’un régime d’occupation militaire à un régime d’occupation civile. La Kabylie est colonisée véritablement pour la première fois de sa longue Histoire.

Le complexe du colonisé

Et si on continue à se « dévaloriser » comme dans l’article en question, on devient colonisable. Car vos mots portent un nom, le complexe du colonisé. Votre pays n’a été colonisé que 90 ans dans sa longue histoire millénaire. Et ce, par la deuxième puissance industrielle et mondiale du XIXe siècle. L’Histoire à laquelle vous faites référence n’est pas la nôtre. En Afrique du Nord, seuls le Maroc et la Kabylie n’ont pu être colonisés par les Turcs. Alger, Oran, Constantine, la Tunisie, la Libye n’ont malheureusement pu échapper à ce triste sort.

Histoire récente : priver la Kabylie de son élite

Commencez donc par ne pas confondre l’Histoire de votre pays avec l’Histoire des Algériens. Nous ne subissons en ce moment qu’une domination passagère consécutive à la décapitation de notre élite en 1872 et 1962 par l’Algérie française. Sinon nous n’aurions pas entrepris une deuxième guerre de libération aux côtés de ceux qui ont trahi les idéaux révolutionnaires forgés par les Kabyles jusqu’au 1er novembre 1954. Nous avons été trahis par nos voisins de Tamazgha Centrale. Pendant que nos anciens combattaient dans le maquis de l’Adrar n Nif, nos voisins procédaient déjà à la décapitation ou la neutralisation de la nouvelle élite kabyle pour récupérer à leur avantage l’Algérie française : A. Imache, B. Ouali, M. Aït Menguellat, Abane, Amirouche, Krim B., M. Oulhadj, B. M. Arav et de nombreux autres encore. Et l’Algérie a remis ça en neutralisant la génération 80 pendant la décennie noire islamiste. Et elle remis ça encore une fois lors du printemps noir.

Le MAK-Anavad et le renouveau du nationalisme kabyle

Elle aimerait encore remettre ça. L’Algérie française et ses nouveaux maîtres misent sur l’effondrement total d’une société kabyle qu’ils veulent arabisée et islamisée jusqu’à l’os. Mais c’est peine perdue, la Kabylie depuis 2010 songe sérieusement à reprendre sa totale indépendance. Et au diable le pétrole, reprenons notre Histoire ! De nos jours, on ne compte plus sur des "partis politiques" à l’image du RCD et du FFS qui vont oser aller voter un 20 avril. Pour un kabyle digne de ce nom, cela relève du sacrilège.
De nos jours, il y a un "Mouvement Politique" chargé de forger le projet d’indépendance et ouvert à tous les kabyles sans exclusive. De nos jours, la Kabylie s’est pourvue d’un Gouvernement qui défend ses intérêts. Et comme nous l’enseigne Dda Ferhat, on peut éliminer nos leaders, même physiquement, mais on ne pourra pas éliminer le MAK-ANAVAD ! Ce sont des institutions éternelles comme le phénix. On les croira mortes, mais elles renaîtront toujours de leurs cendres. L’indépendance de la Kabylie n’est qu’une question de temps.

La légende de l’âne

Et quant au fait d’écrire nos mythes et légendes, permettez-moi de vous en conter une. La légende rapporte que l’on a demandé à Dda Lwenas en quel animal il voudrait bien se réincarner. Il répondit sans hésiter : "l’âne !". Devant l’assistance médusée, le poète et illustre chanteur ajouta : "Aghyul ! Oui, car c’est sur son dos que se sont construits tous nos villages de Kabylie". Alors s’il vous plaît un peu de respect pour cet animal si injustement déprécié.

Et puis l’auteur de l’article a bien raison de s’excuser quand il dit : « excusez-moi, nous, on fait de la politique !! À bas le régime raciste, colonialiste, très méchant d’Alger ! »

Non ! Le régime des nouveaux propriétaires de l’Algérie française n’est pas « très méchant ! ». C’est un régime machiavélique, sans pitié et d’une sauvagerie sans nom. Mais la Kabylie a connu pires ennemis que ces tristes Sir dans son Histoire : les anciens maîtres de l’Algérie française, l’Emir des croyants Abdelkader et ses khalifats, les anciens maîtres de la Régence d’Alger. Ou encore ceux de l’Empire romain. Mais la Kabylie a toujours réussi à sauvegarder son indépendance pendant des millénaires ou à la reprendre après quelques décennies. Contrairement aux Algériens.

Salem AT SEYD
SIWEL 281319 OCT 16

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