GHARDAIA (SIWEL) — Dans un communiqué parvenu à notre rédaction, le Mouvement pour l’Autonomie du M’zab (MAM) a expliqué sa démarche et son projet politique qui visent à assurer au peuple mozabite un avenir de liberté et de dignité sur son territoire.

Ci-après le document dans son intégralité.

 

Mouvement pour l’Autonomie du M’zab

MAM

Quelle est la nécessité de revendiquer l’autonomie du M’zab et pourquoi maintenant?

Les mozabites vivent depuis la nuit des temps dans la région du M’zab. Peuple autochtone de l’Afrique du Nord appartenant à la tribu Amazighe (berbère) des Zenata, le peuple mozabite a construit sa propre culture et sa propre civilisation : Berbères sédentaires, musulmans de rite ibadite. Il faut rappeler qu’avant l’indépendance algérienne, les Mozabites avaient toujours vécu souverainement à l’intérieur de leurs cités et sur leur territoire, y compris durant la colonisation française où les mozabites payaient annuellement le prix de leur autonomie.

Pour rappel, la société mozabite, soudée depuis des millénaires, est structurée sur la base de Conseils qui gèrent les affaires sociales, économiques et politiques du M’zab. L’Organisation sociale, extrêmement rigoureuse, permettait aux mozabites de conclure des Accords et des Traités (paix, commerce, protection etc.,) et ce, depuis les temps les plus anciens, notamment avec les Espagnols, les Ottomans et les français en dernier, à l’instar du traité de protection conclu par les mozabites le 29 Avril 1853 avec le Commandant Dubary au nom du gouverneur de l’Algérie RANDON. En vertu de ce traité, la France s’est engagée vis-à-vis des At M’zab : de préserver leur pays, respecter leurs croyances et de protéger leur économie ; la non-ingérence totale dans leurs affaires internes et garantir une autonomie à la région.

Or, depuis 1962 et la prétendue « décolonisation » de l’Algérie, le peuple amazigh du M’zab s’est retrouvé face à une situation inédite : livré à une impitoyable politique de colonisation conjuguée à une politique d’arabisation outrancière visant à complexer le berbère par rapport à l’arabe et l’ibadite par rapport au sunnite. Ces plans acharnés et systématiques de dépersonnalisation visent évidement à soumettre le peuple mozabite à un Islam radical afin d’une part de gommer et d’anéantir à terme sa culture, son identité, sa civilisation ; et d’autre part contraindre le peuple mozabite à fuir sa terre en raison d’une insécurité « sélective », ne visant que les mozabites et leurs biens ; une insécurité savamment entretenue par l’Etat algérien qui maintient la région sous haute tension tout en exerçant un incroyable chantage économique à travers des taxes suivies de redressements fiscaux totalement arbitraires.

Après les décennies de politique d’arabisation et tous les moyens mis en œuvre pour y arriver, l’Etat raciste algérien a finalement échoué dans sa politique ethnocidaire. Il a alors entrepris ces dernières années de passer à une politique carrément génocidaire visant l’expropriation et l’épuration raciale envers les Amazighs du M’zab ; une situation que l’on peut résumer en quelques points parfaitement explicites et vérifiables :

· Saisie des biens immobiliers privés et collectifs des mozabites aussi bien dans la région du M’zab que dans d’autres villes du pays…sans aucun motif valable. Pour rappel, les mozabites exercent un commerce prospère et florissant depuis la nuit des temps dans le Mzab et dans le monde à travers des échanges commerciaux internationaux.

· Créer un déséquilibre démographique en faveur de la population arabe en noyant la région amazighe du M’zab par l’arrivée en masse d’émigrants en provenance des autres régions arabophones, en les encourageant à travailler et à s’y installer en leur construisant, notamment des pôles résidentiels.

· Effacement de l’identité culturelle et du patrimoine civilisationnel amazigh du M’zab, d’abord par l’école qui « gomme » l’identité et l’histoire réelle de l’Afrique du nord, l’histoire de la région , les bâtisseurs de ses 7 Ksours ; il y a l’arabisation systématique des noms amazighs des villes et des quartiers, entrave et découragement de l’enseignement de la langue tamazight dans les écoles ; une langue soi-disant « nationale »… ; il y a aussi la destruction méthodique et systématique des lieux de culte, des mausolées et monuments historiques mozabites, notamment par des actes de vandalisme répétitifs et jamais sanctionnés…

· Le peuple mozabite est victime d’une véritable politique de la terreur que lui applique sans pitié l’Etat algérien notamment par des attaques successives menées par les services de sécurité algériens et ses mercenaires. Ces attaques ont été maintes fois filmées et diffusées sur le net mais elles bénéficient à chaque fois de l’impunité de la part des autorités judiciaires algériennes et du silence international. Pire encore, ce sont les victimes parmi les citoyens mozabites qui sont emprisonnées, pour « outrage à corps constitué » lorsqu’ils démontrent l’implication des services algériens dans le massacre des mozabites ou pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » lorsqu’ils en appellent à la protection internationale de l’ONU face à la monstruosité de l’Etat algérien.

· Le citoyen mozabite est par ailleurs soumis à un véritable harcèlement : il subit des arrestations arbitraires, il est soumis à la torture et même au viol dans les postes de police. Il est accablé par des peines sévères avec des condamnations d’emblée à la prison ferme, des condamnations reposant toutes sur des affaires fabriquées de toutes pièces. Ce sont les jeunes mozabites qui étaient en situation de légitime défense pour sauver leurs vies et leurs biens qui ont fait l’objet de poursuites judiciaires et les agresseurs, eux, n’ont jamais été inquiétés…

• Les militants mozabites des droits de l’Homme et du Mouvement pour l’autonomie du M’zab sont victimes d’arrestations et de poursuites judiciaires graves, injustes et arbitraires, et ce, pour avoir réclamé le respect des droits des Amazighs du M’zab, éveillé les consciences et alerté l’opinion internationale sur les graves dangers qui pèsent sur le peuple mozabite, notamment en publiant les photos et les vidéos mettant en cause les services de sécurité algériens dans les agressions racistes et meurtrières menées contre les amazighs du M’zab.

• L’infiltration des institutions traditionnelles mozabites par les services algériens a totalement discrédité ces structures qui par le passé géraient souverainement les affaires de la société mozabite. Elles sont aujourd’hui en passe d’être totalement détruites après avoir été vidées de leur essence et décrédibilisées.

Avec les récents événements et en raison du développement de la communication et de la technologie, le monde entier a pu constater de lui-même ce qui se passait dans les villes martyrisées du M’zab depuis les premières années de « l’indépendance » algérienne : Des agressions par des hordes criminelles et assassines ciblant les quartiers, les commerces mozabites, et agissant avec la complicité des services de sécurité algériens. Ces bandes organisées, composées de terroristes et de membres de services de sécurité algériens en grand nombre, attaquaient les quartiers mozabites. Des dizaines, voire même des centaines de ces agressions criminelles sont formellement documentées et ont été diffusées dans le monde entier à travers les réseaux sociaux et les satellites. Pour autant le monde, et encore moins les dépositaires des droits de l’homme, n’ont soulevé la moindre protestation envers l’Etat algérien qui se donne l’image de « partenaire » de la lutte anti-terroriste…un comble quand on sait, par expérience, que c’est lui-même qui l’organise et l’instrumentalise à ses propres fins et peu importe le prix en nombre de vies…

Comme illustrées par les vidéos et les images de ces massacres organisés, les conséquences ont été gravissimes et se sont soldées par :

· La mort de plus de (40) quarante mozabites, tués de manière atroce, souvent après avoir été torturés ;
· Des centaines de blessés dont des blessés graves, de très nombreux handicapés ;
· Le déplacement forcé de quartiers mozabites entiers en raison des incendies et des pillages quotidiens qui ont ciblé des centaines de maisons, de commerces, de palmeraies, de champs et même des usines.
· Les cimetières, les mausolées et les monuments historiques mozabites, classés au patrimoine universel de l’humanité n’ont pas échappé au saccage et à la destruction.

C’est pour avoir dénoncé la gravité de la situation et pour avoir appelé l’ONU à mettre le M’zab sous protection internationale, que le docteur Kameleddine Fekhar, militant des droits de l’homme et Président du Mouvement pour l’autonomie du M’zab, a été illégalement arrêté et inculpé pour «atteinte à la sûreté de l’Etat » avec plusieurs autres camarades mozabites.

Dans le même temps, la justice algérienne « ressort du frigo » l’affaire du soutien du Dr Kameleddine Fekhar aux chômeurs au cours de la fête du tapis… en 2013 ; une affaire pour laquelle Fekhar est, deux années après, condamné à une année de prison ferme sur la base d’un dossier vide et alors qu’il est déjà illégalement emprisonné pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » … On l’aura compris, le souci de la cohérence et du vraisemblable ne font pas partie des préoccupations algériennes, ni sur le plan national algérien, ni sur le plan international.

L’identité Mozabite victime d’un appareil juridico-sécuritaire raciste.

Pour anéantir le peuple mozabite, l’Etat algérien a investi dans des moyens répressifs des plus durs, alliant d’une part des bandes de brigands de la communauté arabe Châamba aux services sécuritaires de police et de gendarmerie pour agresser les mozabites jusque dans leurs maisons et d’autre part un appareil juridique au service de l’injustice.

Le duo explosif de l’État algérien et de la communauté Châamba s’est illustré pendant les événements d’horreur qu’a connu le pays M’zab où les Châamba conjointement avec les forces de l’ordre ont non seulement saccagé, brûlé les biens mobiliers et immobiliers, mais aussi participé aux agressions physiques, dont certaines ont été mortelles, à l’encontre des jeunes mozabites.

Devant l’éveil identitaire de notre peuple autochtone Amazigh, le pouvoir algérien a eu recours à la violence, au crime et à la destruction acharnée de tout ce qui est mozabite. Son institution juridictionnelle, dans le cadre de l’Etat de droit, censée protéger les citoyens, veiller à ce que les lois de la République soient respectées par tous et partout, sert dans le Mzab à bâillonner la voix d’un peuple qui ne veut que vivre librement sur son territoire, comme il le fait depuis des millénaires.

En violation complète des Conventions Internationales relatives aux libertés individuelles et aux droits de l’Homme que l’Algérie a par ailleurs ratifiées, et en totale transgression de ses propres lois constitutionnelles, l’Etat algérien s’est livré à la chasse aux Mozabites, entre arrestations arbitraires, intimidations policières, pressions fiscales, et dossiers d’inculpations fabriqués de toutes pièces alors que dans le même temps aucune poursuite n’est engagée à l’encontre des agresseurs châambas auxquels la police et la gendarmerie prêtent au contraire main forte.

L’autonomie du M’zab: un droit garanti par la constitution algérienne et le droit international.

La constitution algérienne, notamment dans son article 27 chapitre 3, reconnaît le principe de l’autodétermination des peuples, et en l’occurrence, elle se solidarise avec les peuples qui luttent pour leur liberté. L’Algérie, en tant que membre de l’ONU a ratifié la totalité des conventions internationales relatives aux droits de l’Homme, aux libertés individuelles et au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes se faisant même grand défenseur des Palestiniens et des Sahraouis. De ce fait, le peuple mozabite demande simplement à l’État algérien de respecter les lois qu’il a lui-même instaurées, ainsi que ses engagements dans le cadre du droit international.

Pour protéger et défendre le droit du peuple mozabite à vivre dignement et dans la sécurité sur son propre territoire, son droit à préserver sa langue, sa culture, sa civilisation, et agissant strictement dans le cadre de la législation algérienne et en conformité avec le droit international, le docteur Fekhar Kameleddine et plusieurs autres camarades ont décidé de créer le Mouvement pour l’Autonomie du M’zab (MAM), afin de concrétiser ce projet juste et pacifique.

Le 12 janvier 2014, à Tizi Ouzou, lors d’une marche organisée à l’occasion du nouvel an Amazigh Yennayer, la délégation mozabite par la voix de Khodir Sekkouti, a annoncé la création du Mouvement pour l’Autonomie du M’zab (MAM) .

Le 6 juin 2014, élu président du Mouvement, le Dr Fekhar Kameleddine a officiellement annoncé la création officielle du MAM et la nécessité de revendiquer l’autonomie du M’zab.

Avec cette nouvelle donne dans le pays Mzab, l’État algérien a fait preuve d’une répression qui a mené à l’arrestation du leader autonomiste, le Dr Fekhar Kameleddine et de la plupart des membres de la direction et activistes du mouvement le 09 juillet 2015. Aussi, dans le souci de continuer à défendre le projet autonomiste porté par le MAM et afin de nous mobiliser efficacement pour libérer les détenus politiques mozabites, les membres encore libres du bureau exécutif se sont réunis pour évaluer la situation et adapter la structuration du mouvement à l’intérieur et à l’étranger.
Il a été décidé à l’unanimité de désigner :

• Mr Khodir SEKKOUTI , Premier responsable du MAM à l’étranger et porte-parole devant les instances internationales et humanitaires.
• Mr Salah ABOUNA , représentant et porte-parole du MAM au pays M’zab.

Il faut préciser que le projet porté et défendu par le MAM n’est, en réalité, qu’une institutionnalisation d’un mode de vie autonome dans divers domaines, politique, économique, culturel et cultuel dans lesquels le peuple mozabite a toujours évolué, un projet qui légalement parlant entre parfaitement dans le cadre des lois algériennes en vigueur et dans le respect rigoureux du droit international, rendant de facto illégales l’arrestation et l’incarcération arbitraire de notre leader Kameledine Fekhar et de la quasi-totalité de notre direction.

Cependant, connaissant les méthodes racistes et diaboliques de l’État algérien à l’égard du peuple mozabite, nous sommes certains qu’il ne s’arrêtera pas à l’arrestation du Dr Fekhar kameleddine et de ses compagnons. Il s’attaquera ensuite au démantèlement du Mouvement en lui-même dans le pays mozabite et à l’étranger, par le biais de ses nombreux relais qui sèmeront le doute et le désarroi, la discorde et la division entre mozabites. Aussi, nous appelons d’ores et déjà à la vigilance, pour tenir en échec ce plan machiavélique.

Le Mouvement pour l’Autonomie du M’zab, est un mouvement constitué par les Mozabites pour défendre leur droit légitime à la liberté et à la dignité. Cet idéal implique l’investissement et l’adhésion de tous les mozabites soucieux de préserver les valeurs de leur peuple, et conscients de leurs responsabilités à les défendre et à les perpétuer.

Nous, responsables du MAM, nous lançons un appel sincère de fraternité à toutes nos sœurs et tous nos frères Mozabites pour nous soutenir. Notre Mouvement n’a qu’un seul objectif : se dresser contre un ennemi qui programme notre disparition, en tant que territoire et peuple.

Les représentants et porte-parole du MAM au pays M’zab et à l’étranger
Salah ABOUNA et khodir SEKKOUTI

SIWEL 251254 NOV 15

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