CONTRIBUTION (SIWEL) — Pour Salem At Seyd, notre consultant en Histoire, les attentats qui font l’actualité en Occident depuis des mois ne sont pas des faits éparses, dûs uniquement à la guerre en Syrie. C’est surtout, explique-t-il, une passivité de l’Europe et de la France, contre des contrats économiques juteux, face à un processus de wahhabisation financée par l’Arabie Saoudite et les anciennes colonies. Un processus, dont il explique les origines, les moyens de propagation, avant de terminer par énoncer comment la Kabylie peut faire partie de la solution.

 

Quel est le point commun entre les attentats de Berlin, de Bruxelles, de Nice, de Paris (Charlie, Bataclan, Saint-Michel…) et l’arabo-islamisation de l’Afrique du Nord ? De prime abord, on penserait volontiers que dans tous ces attentats, il y a des français, belges ou réfugiés d’origine nord-africaine. Oui, mais pas seulement. La mouvance islamiste en France compte de nombreux convertis de « souche métropolitaine ». Si vous avez une autre dénomination, nous sommes preneurs. Le point commun est à rechercher dans l’histoire du XXe siècle. D’abord avec la désagrégation de l’Empire Ottoman et l’avènement d’une Monarchie absolue wahhabite, l’Arabie Saoudite.

En 1813, Abdelaziz s’empare du Hassa, terre chiite et première région gazière et pétrolifère du monde. Dès lors, l’Empire Ottoman lui octroie le titre de Wali du Nejd. Une prophétie, attribuée au prophète de l’Islam, rapporte que c’est du Nejd que sortiront les cornes du Diable. En 1924-25, il conquiert un autre État, celui du désert du Hedjaz. Il met donc la main sur le « Vatican islamique ». La Mecque et Médine, la Terre Sainte des musulmans est désormais entre les mains de la branche la plus dangereuse de l’Islam. La fameuse doctrine idéologico-religieuse wahhabo-salafiste d’obédience hanbalite. Rejetée dès son apparition par l’ensemble de la communauté islamique au XVIIIe siècle. L’Arabie Saoudite verra le jour avec l’appui des Anglais en 1832.

Désormais, cette Monarchie Absolue détient trois puissantes forces de frappe. Le Wahhabo-salafisme, la Terre Sainte islamique et l’Or Noir. À ce stade, le royaume n’est pas encore dangereux. Il faudra attendre des circonstances historiques propices pour que le serpent se révèle être une véritable hydre. En kabyle, « Azrem yebbwed Talafsa ». 1962 et 1973, c’est l’ère des nouveaux États post-coloniaux et du Pétrole roi. Le projet de l’Arabie Saoudite consiste à exporter l’idéologie wahhabo-salafiste afin d’islamiser et d’arabiser l’ensemble des populations « décolonisées ». Particulièrement, les ex-colonies françaises. En d’autres termes mettre fin à la pensée moderne occidentale chez ces populations ayant échappé à la décadence de l’Impensé islamique pendant plus d’un siècle. L’objectif est de « reconstituer » le mythe de la Oumma Islamiya mondiale. Si l’Arabie Saoudite devient « le maître » d’une telle communauté, elle accède de fait au rang de superpuissance planétaire. Et peut-être, à l’avenir, au rang de première puissance mondiale au regard du recul démographique de la chrétienté.

Hier protégés par les Anglais, les Saoudiens se retrouvent en 1973 sous la protection des Etats-Unis d’Amérique. Le deal : protection contre pétrole à bon marché. Désormais, l’Arabie Saoudite peut dormir tranquille, son pire ennemi veille sur elle. Elle peut aussi « wahhabiser les esprits » tout aussi tranquillement. L’objectif de l’arabo-wahhabisation de l’Afrique du Nord est en bonne voie. Le royaume développe son industrie éditoriale. Livres, radios, télévisions, Instituts du Monde Arabe diffusent son idéologie anti-innovation et anti-occidentale à travers le monde.

La France, l’Europe dans tout ça ? Et bien, elles composent tant bien que mal pour avoir les miettes. Comme on l’a vu dans le reportage/débat sur les Saoudiens et le clergé wahhabite sur France 5, ils sont des partenaires de compensation. Quand il y a un froid entre les USA et la Monarchie absolue, la France et l’Europe en profitent pour jouer leurs cartes et signer des contrats juteux. En contrepartie, la France et l’Europe acceptent de fermer les yeux ou s’efforcent de plaire au Roi saoudien. Comment ? En appuyant les intérêts islamiques et arabes du royaume. En laissant se développer les centres culturels islamiques qui véhiculent la wahhabisation des esprits. En redorant l’image du royaume avec l’Institut du Monde Arabe sis en bord de Seine. Récemment, la ministre de l’Éducation nationale française d’origine amazighe (Rif), Najat Vallaud Belkacem, concède l’enseignement de l’arabe en lieu et place des langues d’origine. Au grand damne des amazighs de France. Car pour les amazighs et les Kabyles en particulier, c’est la double peine. Ils subissent une politique d’islamisation et d’arabisation dans leur pays d’origine, mais désormais, ils devront la subir également en France.

Ce qu’en dit Najat Vallaud Belkacem :
"On est mauvais dans les résultats de l’OCDE en termes de maitrise par nos jeunes des langues vivantes étrangères. Nous avons donc décidé dans nos réformes éducatives de faire en sorte qu’on commence plus tôt l’apprentissage des langues vivantes étrangères. C’est ce qui nous conduit à partir de la rentrée prochaine à faire commencer la langue vivante une dès la classe de CP. L’arabe peut donc être enseigné dès la classe de CP, dès lors qu’on a les moyens humains pour le faire".
Et d’ajouter concernant les enseignants de l’arabe :
"Si nous n’en avons pas et qu’il y a une demande, nous ferons appel à des intervenants étrangers. Mais c’est le cas pour toutes les langues, c’est ce qu’il faut comprendre".

Comme les moyens étrangers que l’Algérie et le Maroc ont importé du Moyen-Orient ? Enseigner une langue étrangère n’est pas un problème en soi. Sauf quand on enseigne l’arabe. Car l’arabe est une « langue liturgique » indissociable à ce jour de l’islamisation. Et dés-islamiser l’arabe et dés-arabiser l’Islam n’est toujours pas au menu de la Monarchie absolue et de ses alliés. Héritiers des Empires Ottoman et Omeyyade. Prenons une image plus parlante. Enseigner l’arabe revient à enseigner le latin façon Opus Dei. Autrement dit, avec une conception extrémiste et politique de la religion. Cela revient à fabriquer des citoyens perméables à la wahhabisation des esprits. Donc ouverts aux discours salafistes et extrémistes. Rappelons que la langue d’origine de l’écrasante majorité des Français d’origine nord-africaine est l’Amazigh/Berbère. Une langue vivante et non une langue liturgique. D’autant que l’Amazigh a un statut de langue régionale et non pas étrangère en France et en Europe.

La France et l’Europe sont passifs face aux Etats-nations anciennement colonisés par elles. Ces États issus de la décolonisation mènent des politiques de destruction culturelle par un enseignement basé sur l’islamisation et l’arabisation de leurs sociétés. Y compris des sociétés « non-arabes » et rattachées à leurs colonies au XIXe siècle. Ce qui engendre par « ricochet » une islamo-arabisation de leurs propres ressortissants français et européens. Sans toutes ces politiques d’arabisation et d’islamisation en Afrique du Nord, il n’y aurait pas de développement de la mouvance islamiste en Europe. Pas de Décennie Noire islamiste en Algérie avec son cortège de réfugiés en France. Et donc pas d’attentats de Saint-Michel, ni de Khaled Khelkhal, pas de Mohamed Merah, pas d’attentats à Charlie Hebdo, au Bataclan ou à Nice. Le projet algérien de salafisation de la Kabylie, dernier bastion laïque contre l’intégrisme, revient à salafiser la France. En effet, de nombreux citoyens français sont originaires de Kabylie. Sans compter ceux originaires de Tunisie, d’Algérie et du Maroc. Et ces citoyens ne sont pas en rupture avec leurs familles d’origine. Depuis 1914, il y a une porosité entre la société française et les sociétés de l’autre bord de la méditerranée. Mais la salafisation concerne aussi les Français de « souche métropolitaine ». Ne parlons même pas des réfugiés notoirement islamistes que la France et l’Europe ont si généreusement accueillis. Suite aux politiques de répression des forces islamistes avant le 11 septembre 2001.

Les amazigh/berbères ou français d’origine amazigh sont à la base culturellement immunisés contre cette idéologie islamiste ultra-rigoriste et djihadiste. La société kabyle par exemple est une société laïque depuis des siècles. Encore mieux en 1962, ils étaient ouverts plus que tous autres à la pensée moderne européenne (et le sont toujours). En revanche, les politiques d’arabo-islamisation qui véhiculent l’idéologie wahhabo-salafiste visent à détruire les sociétés amazigh comme toutes société non-arabe. Ce qui a pour effet indirect de wahhabiser les esprits de part et d’autre de la méditerranée. Quant au Levant (Irak, Syrie, Liban…) la politique de l’axe USA-Arabie Saoudite depuis la première guerre du Golf a engendré un monstre (DAECH). Les sociétés européennes doivent lutter contre une idéologie qui se propage via les réseaux sociaux. Une idéologie qui ne se répand plus exclusivement en Méditerranée, mais tout autour du Globe.

C’est dire si l’Europe et la France en particulier doivent prendre leurs responsabilités. Et agir sur leur environnement immédiat pour faire cesser ces politiques de destruction culturelle. Alger n’est qu’à 750 km de Marseille. Et la Kabylie, un pays qui partage les mêmes valeurs de Liberté, d’Égalité, de Fraternité, de Démocratie. La France doit-elle laisser Alger continuer à saccager la Démocratie kabyle dans le silence ? En somme, laisser saccager les valeurs universelles et fondamentales de la République. La France comme l’Europe doit se poser la question de savoir si continuer à être « un partenaire de compensation » de l’Arabie Saoudite est un jeu qui en vaut la chandelle. Et disons le à brûle pourpoint : est-ce que ce partenariat vaut bien la peine que l’on subisse la barbarie des attentats de Saint-Michel, Charlie Hebdo, du Bataclan, de Bruxelles, de Nice et Berlin ?

Salem At Seyd
SIWEL 232232 DEC 16

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