Le président Ferhat Mehenni accuse et condamne l’anti-kabylisme orchestré par des sphères occultes du pouvoir algérien
ANAVAD AQVAYLI UΣḌIL
GOUVERNEMENT PROVISOIRE KABYLE
PROVISIONAL GOVERNMENT OF KABYLIA
TISELWAYT
LA PRÉSIDENCE

Les récents tirs de barrage contre ma personne sont orchestrés à partir d’officines algériennes racistes et antikabyles, toutes tendances confondues. En condamnant une simple visioconférence suivie d’un débat à l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou et organisée par la Coordination Locale des Étudiants (CLE), ils ont révélé que derrière la « Révolution du vendredi », c’est toujours le système qui est à la manœuvre. Comme en 1963, 1965, 1978, 1980, 1985, 1998, 2001… la Kabylie et ses symboles doivent servir de bouc émissaire à la crise au sommet de l’Etat algérien ; Etat, rappelons-le, qui n’est autre que celui du colonialisme légué par l’Algérie française à ceux qui ont pris le pouvoir par la force, en 1962.

On a ainsi vu mener à travers les journaux, les télévisions et les réseaux sociaux, une scandaleuse campagne de lynchage médiatique, doublée quelquefois d’appels au meurtre. Même les étudiants ayant organisé cette conférence ont eu droit à un appel à leur arrestation et leur condamnation. Or ces étudiants viennent de réaliser un acte de bravoure contre le système auquel pourtant tout le monde demande de partir. Venant des Kabyles, cet éclatant succès est un crime contre l’Algérie. Y a-t-il donc collusion entre le système, le pouvoir et ceux qui se prennent pour des directeurs de conscience, des guides du mouvement de protestation ? Ce mouvement est-il le dindon de la farce que manipulent des agents en relation directe avec le système pour opérer la mue épisodique que celui-ci réclame ?
Il y a lieu de le croire, car on ne combat pas un système politique une fois qu’on est devenu un défenseur de ses dogmes, de ses codes et de ses réflexes, une fois qu’on en est devenu un robot inconscient.
Devant cet état de fait, j’ai pour devoir de faire cette mise au point.

1) En Kabylie, je suis chez moi. La Kabylie appartient au peuple kabyle et non à l’état colonialiste algérien. Ce sont les représentants de l’Algérie qui y sont des étrangers. Ceux qui s’offusquent d’une visioconférence d’un démocrate kabyle avec des étudiants kabyles ne font qu’exprimer de la manière la plus évidente la relation de domination coloniale qu’ils entretiennent avec la Kabylie. Je leur rappelle que je suis là, à militer, en homme de paix et de raison, pour mettre un terme à ce statut d’indignité dans lequel les tenants de « l’Algérie une et indivisible » veulent maintenir les Kabyles. Je suis là pour arracher avec les miens le droit du peuple kabyle à son autodétermination.

2) Malgré le matraquage médiatique qui a fait perdre leurs repères à certains Kabyles, deux événements majeurs sont venus dissiper le brouillard créé par les marches contre le système. Les marches du 20 avril ont montré que la Kabylie est et restera toujours kabyle. L’enterrement d’Abbassi Madani a montré que l’islamisme politique est plus vivant que jamais et qu’il reste en embuscade, attendant le moment opportun pour refaire surface, particulièrement contre la Kabylie.

3) L’exclusion du Kabyle, de son identité, de sa langue et de ses drapeaux, est la pierre angulaire du système algérien. L’affirmation n’est pas de moi mais d’un ancien ami dans « Amirouche, une vie, deux morts, un testament » même si, devenu aujourd’hui amnésique, il vit à l’heure du Khawa-khawa.

Le Khawa-khawisme actuel, est la résurgence de cette même exclusion, un nouveau ressort de son idéologie. Ce mot d’ordre au nom duquel on agresse les porteurs de drapeaux kabyle et amazigh dans les marches qui se déroulent en Algérie depuis février dernier n’est autre que le nouveau visage de ce que pourtant les manifestants croient combattre. Le Khawa-khawisme est le nouveau masque du vieux système, son camouflage avec lequel il se fait délivrer un nouvel acte de naissance. Quand chacun s’en rendra compte, ce sera trop tard pour tous.

Le khawa-khawisme, n’ayons pas peur des mots, n’est qu’une nouvelle facette du racisme anti-amazigh en général et anti-kabyle en particulier. En son nom, non seulement chacun est sommé de taire ses origines, tuer sa langue et sa culture mais aussi de se fondre dans l’islamisme et l’arabisme, les deux socles et les seules vraies « constantes » du pays, depuis 1962.

4) Cette levée de boucliers, précisément en ce moment, est, en deuxième lieu, une manœuvre de diversion. C’est exactement comme avec Issad Rebrab, arbitrairement arrêté, qui est offert en pâture à des médias racistes pour le trainer dans la boue, non pas en tant qu’industriel mais en tant que Kabyle. Le sort réservé à Haddad, Ouyahia et bientôt, Sidi Said et Sellal, tous Kabyles, sert à faire oublier aux Algériens que les principaux et les plus grands corrompus et agents de la corruption en Algérie ne sont autres que les Bouteflika et leurs soutiens dont le général major Ahmed Gaid Salah en personne. Les déclarations, cette semaine, du général Nezzar sur Said Bouteflika, révélant, après d’autres témoignages de hauts responsables de la mafia au pouvoir, que l’Algérie a été gérée depuis 2013 par des forces extra-constitutionnelles, décidées à écraser militairement la rue, font froid dans le dos. Mais les Kabyles ont meilleur bon dos pour la foule.

5) Je tiens à féliciter la Coordination Locale des Etudiants (CLE) qui a eu la fraternité de programmer cette visioconférence qui nous a permis de débusquer toute une faune qui se cachait dans l’ombre pour s’autoproclamer porte-parole et guide du mouvement de protestation contre le système pour mieux le régénérer.

La Kabylie a toujours été l’abcès de fixation, le souffre-douleur et le bouc émissaire des régimes qui se sont succédé depuis 1962.
Seulement voilà, la Kabylie a compris la leçon : Elle refuse désormais de servir d’offrande à l’Algérie. Elle refuse de servir ad vitam aeternam de faire-valoir à des clans pour se maintenir au pouvoir et assurer leur survie.
Désormais la Kabylie s’attelle à l’édification de son État fondé sur le respect de la démocratie, la laïcité, la liberté, la solidarité, et la justice sans se soucier de ce que les partisans de l’immobilisme et de la continuité du système pourront dire et inventer comme stratagème pour la freiner dans son élan salvateur.

Vive la Kabylie libre et indépendante

Exil, le 02/05/2019
Ferhat MEHENNI

 

SIWEL 021629 MAI 19