L’ambassadeur de la Kabylie au Royaume-Uni : « En adhérant à l’UNPO, la cause kabyle fait un grand pas vers l’ONU »

INTERVIEW (SIWEL) — Mass Anazar U Chavah, âgé de 47 ans, a été nommé représentant de la Kabylie au Royaume-Uni par le président de l’Anavad le 1er juin 2017. Du 26 au 28 juin dernier, le diplomate kabyle s’est rendu en Ecosse afin de représenter la Kabylie à la 13e assemblée générale de l’UNPO. Une assemblée générale ponctuée par l’adhésion de la Kabylie à cette organisation qui ouvre une porte à la cause kabyle vers l’ONU. Nous l’avons interviewé.

Siwel : Vous vous êtes rendu en Ecosse en tant que représentant de la Kabylie à l’assemblée générale de l’UNPO. Pouvez-vous nous dire un mot sur cette organisation ?

Anazar U Chavah : Azul fell-awen. Merci pour cette interview que vous m’accordez. Effectivement, en tant que représentant diplomatique de la Kabylie au Royaume-Uni et à la demande du Président, Mass Ferhat Mehenni, je me suis rendu à cette assemblée générale de l’UNPO pour représenter avec fierté et honneur notre chère patrie et je ne peux remercier assez l’Anavad pour la confiance qu’il a placé en moi.

L’UNPO (The Unrepresented Nations and Peoples Organization) est une organisation pacifique et démocratique. Fondée en 1991 à la Haye, sont rôle principal est de porter la voix des peuples et nations qui ne sont pas représentés ou mal représentés au niveau des instances internationales comme l’ONU. Elle permet à ses membres de défendre, au sein de ces instances, leur droit à l’autodétermination. Elle travaille également à la défense des droits de l’homme et des peuples ainsi qu’à la promotion des cultures et des langues. Elle organise également des échanges culturels et sportifs entre ses membres.

 

Siwel : Pouvez-vous nous dire un mot sur ces 3 jours de l’assemblée générale. Comment cela s’est passé et quels ont été les sujets abordés ?

Anazar U Chavah : La conférence a été organisée en collaboration avec le projet de la 3e génération de l’université de St Andrews, au sein du Parlement écossais, à Edinmburg.

Un programme très riche, des sénateurs, des parlementaires, des spécialistes dans différentes disciplines, des universitaires et des personnalités ont pris part à cette conférence, ponctuée par des débats sur différents thèmes d’actualité internationale. Bien que le thème principal de la conférence était « Partage des Perspectives sur les droits des nations non représentées », d’autres thèmes ont été développés tels que les problèmes des droits de l’homme dans le monde, le droit à une coexistence pacifique et sans conflits, ainsi que la préservation culturelle et identitaire.

Quant à la la XIIIe assemblée générale de l’UNPO, on a procédé au vote des résolutions des membres et au vote de la résolution générale. On a élu le président, le vice président, le trésorier et on a nommé les membres du conseil présidentiel. On a aussi apporté des amendements à certains pactes. Donc un programme bien chargé mais très enrichissant, instructif et productif.

 

Siwel : La Kabylie fait désormais partie de l’UNPO. Comment les membres de l’organisation vous ont accueilli? Comment s’est passé la cérémonie d’adhésion?

Anazar U Chavah : La Kabylie a été très bien accueillie par tous les membres et surtout par les dirigeants car tous connaissent le parcours historique et le combat pacifique de la Kabylie pour son indépendance. Ses réalisations et ses grandes avancées en très peu de temps et ce dans un contexte très difficile, face à la dictature algérienne, sont à exemple pour les peuples opprimés. Les membres de l’UNPO sont donc conscients des contributions substantielles que la Kabylie pourra apporter à cette organisation et à ses membres.

Quant a la cérémonie d’adhésion, des membres m’ont confié que c’était unique en son genre. Notre cérémonie s’est faite avec notre hymne national, notre drapeau et le drapeau de l’UNPO. Toutes les couleurs de notre drapeau sont comprises dans celui l’UNPO. C’était un moment historique. On a échangé nos drapeaux avant que je fasse un discours, que j’ai entamé en kabyle sous les applaudissements. Puis, en anglais, j’ai remercié l’organisation pour avoir accepté la Kabylie en son sein et j’ai expliqué brièvement la situation que vit la Kabylie.

Je n’ai pas manqué de rendre un hommage à notre président Mass Ferhat Mehenni, à son fils assassiné Amaziene Mehenni, Matoub Lounes, Benai Ouali, Fadhma n Soumer, les martyrs du Printemps noir, nos militants et militantes, à toutes les victimes de la Kabylie et à celles des nations membres de l’UNPO. J’ai clôturé mon discours par un message du Président.

Bientôt on signera des pactes de reconnaissance mutuelle avec les autres membres. J’ai pu m’entretenir avec les membres, les dirigeants, les universitaires, les membres du parlement, les sénateurs, les invités et les médias sur le cas de la Kabylie qui a beaucoup intéressé les présents. J’ai vécu la cérémonie comme un aboutissement d’une étape décisive de notre combat et comme un moment plein d’émotion et d’espoir.

Siwel : L’UNPO a aussitôt réagi sur la répression des militants pacifiques du MAK-Anavad par le régime algérien et a également exigé la libération du diplomate kabyle… Les membres de l’UNPO sont donc au courant de la situation en Kabylie?

Anazar U Chavah :  Oui ! Je n’ai pas rencontré de difficultés à faire passer la résolution de condamnation de ces actes de violence à l’égard de nos militants de la part des forces d’occupation algériennes. L’UNPO est très bien structurée, avec un encadrement et des membres qui sont des militants expérimentés ainsi que des spécialistes très bien informés et présents pratiquement dans le monde entier. Ce qui rend l’organisation réactive, à jour et efficace.

J’ai parlé avec des dirigeants de l’UNPO et croyez-moi qu’ils en savent beaucoup plus sur notre combat pacifique que certains de nos concitoyens. Mais uniquement les peuples et nations membres peuvent bénéficier de leur soutien et services. Bien que la Kabylie vient juste d’être admise en tant que membre, la résolution a été immédiatement adoptée avec le support de tous les membres. Je les en remercie au nom de la Kabylie. Nous avons aussitôt médiatisé la résolution via l’agence Siwel. La résolution est désormais sur le site officiel de l’UNPO.

 

Siwel : Que va apporter cette adhésion à la Kabylie et à son combat pour l’indépendance?

Anazar U Chavah : « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Si on n’adhère pas, notre champ d’action est limité et l’écho de notre combat est réduit de manière significative. Cela suit donc la logique d’internationalisation de la cause kabyle.

En tant que membre de l’UNPO, la Kabylie sera représentée au niveau des différentes instances internationales de manière plus concrète. Comme l’UNPO est membre observateur au sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU), notre voix sera davantage entendue au niveau de l’ONU car on aura des occasions de parler nous-mêmes de notre combat pacifique devant les nations du monde entier, que nous pourrons alors interpeller.

Nous pourrons également déposer des plaintes au niveau de L’ONU contre tous ceux qui sont responsables d’assassinats, de violences, d’intimidations, de violations des droits de l’homme envers la Kabylie et ses enfants.

Donc protéger la Kabylie et faire avancer son combat pour son indépendance d’un côté et convoquer l’Etat colonial algérien à l’ONU pour répondre de ses actes de l’autre côté.

En fait, si l’ALE (Alliance libre européenne) est une porte pour la Kabylie vers l’Union Européenne, l’UNPO est une porte à la Kabylie vers l’ONU. En adhérant à l’UNPO, nous faisons un grand pas vers l’ONU.

Siwel : Qui est Anazar U Chavah?

Anazar U Chavah : Anazar est mon nouveau prénom que j’ai adopté et qui signifie défi, en kabyle.

J’étais militant de la cause Amazigh, inspiré déjà par le combat de Ferhat Imazighen Imula, Ali idefalwen, Matoub Lounes, Boujemaa Agraw, Masin U Haroun ainsi que par celui de nos aînés de la vallée de la Soummam.

Mais ma détermination se renforça en revenant d’un voyage en Tunsie, en 1985, lorsque j’ai fait savoir à un des douaniers, spontanément, que je venais du « Pays Kabyle », alors que je n’avais que 15 ans. Sa réaction m’a marqué. C’est de là que j’ai compris que le racisme anti-kabyle et anti-amazigh n’était pas une chimère.

J’étais militant actif dans un parti politique, que j’ai quitté pratiquement aussitôt que Ferhat Mehenni l’avait quitté. C’était le seul en qui on avait confiance.

Apres un bref passage au sein de la compagnie pétrolière Sonatrach, où j’ai vu et vécu un anti-kabylisme abjecte, j’ai décidé de quitter ce pays rongé par le racisme et l’arabo-baathisme et je me suis installé au Royaume-Uni. Aujourd’hui, je milite pour, et uniquement pour, l’indépendance de la Kabylie en collaborant avec différentes autorités locales et membres du parlement ici au Royaume-Uni.

Je saisis cette occasion pour faire un appel à mes amis anciens militants, restés en Kabylie ou exilés, de rejoindre le MAK-Anavad afin de libérer la Kabylie du joug colonial.

SIWEL 011416 Jul 17 UTC

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