LA TORTURE MORALE

KABYLIE (SIWEL) — En su du blocage politique et des horizons qui semblent  définitivement fermés, voilà que pour les citoyens s’ajoute une crise d’un autre genre, l’impossibilité de retirer son maigre salaire à cause d’une grève illimitée lancée par les travailleurs des postes et communication. Chaque jours, on voit des dizaines de personnes s’agglutiner devant le portail  des bureaux de postes pour repartir berdouilles et désespérés face à ces portes closes qui les narguent cyniquement. Au deuxième jour de ce mois de ramadan les choses semblent de corser et se compliquer, tant aucune voix, ni celle des médias ni celle de ceux qui par convenance on nomme  «  opposition » ne viennent tirer la sonnette d’alarme et rassurer cette population qui ne sait plus à quel saint se vouer. Mais  doit-on s’en étonner pour autant ?

En Kabylie, le souci majeur des forces de polices est de traquer les non jeûneurs comme à  leur l’habitude(le cas le plus récent nous est signalé depuis Akbou) et tant pis si intramuros l’arnaque est poussée à son summum (vente concomitante d’huile de table,  de sachet de lait, envol des prix des fruits et des légumes). Ce qui compte pour ces nouveaux gardiens du temple et de sauver les apparences : le jeûne est bien observé dans cette Kabylie qui continue à empêcher ce régime de tourner rond. 

La torture morale voulue et programmée, est exercée sournoisement mais avec application sur l’ensemble des couches démunis de notre société, au point de faire dire à certains concitoyens : ils nous font punir notre rejet de leurs élections (les présidentielles passées et le référendum sur la nouvelles constitution) et nous avertissent de ce qui nous attend si l’on s’avise encore une fois à rejeter en bloc les législatives du 12/06/2021.  En cela ils appliquent  leur fameux dicton : «  fait affamer ton chien, il te suivra docilement  » !

Pourtant dans un passé récent (en 2001) la Kabylie s’est dotée d’une structure à même de faire face à tout les défis : c’est l’organisation de âarch, qui avait su unifier tous les rangs kabyles pour faire face au massacre auquel étaient livrés nos enfants.  On se souvient que le  18 avril 2001, à deux jours de la commémoration du Printemps berbère d’avril 1980, Massinissa Guermah, un jeune lycéen âgé de 18 ans2, est mortellement blessé par une rafale d’arme automatique tirée par un gendarme dans les locaux de la gendarmerie Ait Douala  en Kabylie. Cet événement est l’élément déclencheur de la révolte kabyle. Des manifestations sont observées dans la région du drame. Différentes couches populaires participent à la protestation, mais les affrontements avec les forces de l’ordre concernent particulièrement les jeunes, essentiellement lycéens. La révolte est surtout urbaine. Les principales cibles des émeutiers sont les brigades de gendarmerie, représentantes de l’État, et plus largement accusées d’« abus de pouvoir », d’implication dans le trafic de drogue mais aussi d’atteinte à l’« honneur des villageois ».

Le 21 avril 2001 vers 11h du matin, la gendarmerie d’Amizour interpelle 3 élèves alors qu’ils sont en route pour le stade municipal en compagnie de leur professeur de sport et de leurs camarades de classe. L’information fait le tour de la préfecture et des professeurs se mobilisent afin qu’un tel évènement ne puisse plus se reproduire.

Le 22 avril 2001, à l’appel de leurs syndicats, les représentants des professeurs de tous les établissements d’Amizour se réunissent au Collège d’enseignement moyen 600/200. Ils appellent à un rassemblement massif pour le lendemain. Des escarmouches sont observées sans aucune gravité. Le soir de la même journée, le ministre de l’intérieur, reprenant les informations du communiqué rendu public par le commandement de la gendarmerie nationale sur la mort de Guermah, déclare que ce dernier était « un délinquant de 26 ans ». À la suite de cette déclaration, la presse publie le bulletin de naissance de la victime, prouvant qu’il s’agit en réalité d’un lycéen de 18 ans.

Le 23 avril, des milliers de citoyens affluent vers Amizour, qui ne tarde pas à s’embraser. De violentes émeutes ont lieu pour dénoncer les injustices et les abus d’autorité. De nombreux bâtiments officiels sont détruits par les feu ou pris d’assaut par les jeunes émeutiers. Les manifestations sont réprimées par les forces de l’ordre (notamment la gendarmerie nationale) qui tirent à balles réelles sur les manifestants ; pour la plupart, des collégiens ou des lycéens. On décompte plus d’une quarantaine de morts et des centaines de blessés, rien que pour les journées du 25 au 28 avril 2001.

La suite on la connait : quelques 6000 blessés et 128 morts.

La structure du mouvement citoyen, malgré peut -être quelques défaillances d’ordre structurel du à l’urgence de la situation (on gérait au quotidien)  avait à son actif d’avoir su mobiliser toute la Kabylie – la marche du 14 juin est la preuve absolue-, d’avoir pu faire sortir le corps de la gendarmerie de cette Kabylie, et surtout d’avoir arrêté l’effusion de sang de notre jeunesse. Hélas, les kabyles n’ont pas su sauvegarder cette structure. Tiraillée à la fois par le pouvoir (qui jouaient sur l’usure) mais aussi par le FFS et le RCD qui voyaient en elle une rivale à leurs structures, l’organisation  des âarchs à fini par rendre l’âme laissant derrière un vide que ne comblèrent ni le rassemblement pour la culture et la démocratie ni le front des forces socialistes.

Aujourd’hui, mis à part le MAK et les indépendantistes, la Kabylie est livrée à elle-même. Son élite, devenue un simple wagon dans ce train nommée Hirak , continue à nier les difficultés réelles auxquelles sont livrés des pans entiers de notre société  tout en leur miroitant un semblant d‘avenir via des slogans creux qui ne peuvent avoir d’aboutissements, (comme par exemple aller vers une constituante, des états fédéraux, un statut particulier pour la Kabylie). Ce qui fera dire à un citoyen : «  si au moins ils défendaient vigoureusement ces thèses, je pourrais les suivre dans cette voix, mais malheureusement eux-mêmes n’y croient pas, alors à quoi bon en parler ? »

Au marché des dupes, les premiers à se faire avoir c’est  celui qui se dupe soi-même. Cette élite malheureusement est en plein dedans. C’est un cas d’école !

H@S
SIWEL 151320 AVR 21