La langue du colon et le complexe des dupes

CHRONIQUES (SIWEL) — Devrions-nous nous référer au complexe d’Œdipe et chercher dans la théorie freudienne les mécanismes qui ont orienté d’instinct certains leaders berbéristes dans le désopilant ballet de sacralisation de langue arabe ?

À l’instar des laquais traditionnels du régime et des sacripants dévoués à l’indignité, des militants en chefs de la cause identitaire jouent à la démocratie une mise en scène à effets miraculeux des duplicités dupées. Ils prennent sur eux l’obligation de parler l’arabe d’une ferveur déroutante en périodes de solennités entourées d’apparats. Pour suppliciant que soit le climat politique algérien où le kabyle peut exercer quelques droits culturels, à la condition qu’il les revendique en arabe, ce n’est pas le pire que l’on constate… L’insupportable c’est qu’ils parlent l’arabe châtié, directement sorti du Coran, tel qu’il était venu du Hedjaz. Un arabe que même les Arabes algériens récusent et qui reste l’apanage des Baathistes zélés. C’est acheter chat en poche que de quémander des strapontins dans la langue du colon.

Quoi qu’en pensent les théoriciens de la résignation, la langue arabe est la langue du colon.

Triste avantage que de mériter les éloges de l’ennemi dont ils tirent l’usufruit qui leur permet de se mettre à pot et à rot dans le vestibule répugnant de l’antique conscience moyen-orientale.

Le régime algérien n’a ni la volonté ni l’honnêteté de réconcilier ses contrées avec leur histoire. Des lycées, des quartiers, des villages portent le nom d’Okba, pourtant, ce général arabe, affreux et méchant, était un envahisseur comme le fût après lui le Duc d’Aumale. Aksil (communément nommé Koceila) qui l’avait combattu est un martyr au même titre que Larbi Ben M’Hidi. Des honneurs sont toujours consacrés aux seigneurs de la guerre venus d’Arabie au détriment des braves berbères qui les avaient combattus pour protéger leur patrie. « Comme je me suis insurgé contre l’Algérie française, je m’insurge contre l’Algérie arabo-islamique. On ligote un peuple par une langue et une religion. Je ne suis ni arabe ni musulman », disait Kateb Yacine.

Quel est le politique partisan d’une Algérie amazighe qui oserait le courage d’appeler à la rebaptisation des sites portant les noms des conquérants arabes par les noms historiquement légitimes ? L’Algérie est sans l’ombre d’un doute le seul pays qui enseigne à ses enfants qu’il a connu de bons et de mauvais colons. Ainsi, l’artifice, la mystification, la contrevérité et la dissimulation se réservent les belles affiches et l’alibi nécessaire au fascisme algérien de considérer tel colonialisme méchant et un autre, dont il est issu, salutaire et généreux. C’est d’une phraséologie stérile que la démocratie algérienne prône sa contestation simulée. Revendiquer son droit à l’existence en tant qu’amazigh en rehaussant d’instinct la pratique des distinctions où l’on juge l’arabe d’essence nettement supérieure, c’est faire de sa sueur le ciment fortifiant, le socle de la plus horrible des impostures.

Des politiques kabyles s’animent de la volonté de plaire à Oran, à Constantine et à Alger alors que mardi dernier à la résidence universitaire de jeunes filles Kebal-Aicha de Bouira, des étudiantes intégristes ont arrêté de force une représentation théâtrale sous prétexte qu’une comédienne ne portait pas le voile… Faut-il en rire, faut-il en pleurer ?

Djaffar Benmesbah
SIWEL 301334 JAN 17

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