LA KABYLIE SE TROMPE-T-TELLE TOUJOURS DE CIBLE ?

KABYLIE (SIWEL) — La Kabylie est doublement colonisée, par l’Arabo-islamisme d’un côté : une colonisation qui lui vient de l’extérieur; puis l’auto-colonisation, celle de l’intérieur qu’elle nourrit et exerce volontairement sur elle-même, la plus dangereuse et la plus difficile à combattre, car elle est impersonnelle et sans visage.

C’est une force invisible qui détourne les jeunes Kabyles des affaires locales, de la Kabylie, et les dresse depuis 40 ans contre le pouvoir central. Chaque mouvement lui sert de cheval de bataille : elle lâche les jeunes Kabyles, chaque 20 ans, dans la rue, puis négocie secrètement sur son dos avec le pouvoir pour plus de postes de responsabilité, plus d’avantages et de prérogatives dans la région.

Les jeunes Kabyles servent à chaque fois sans le savoir les intérêts de cette caste qui est secrètement désignée pour les manipuler et les détourner de leurs objectifs. Cette caste détient tous les médias kabyles : la presse, l’audio-visuel, l’administration, la religion, la culture, la politique…

Si les jeunes Kabyles réussissent un jour à chasser l3uqqal/les conservateurs du pouvoir local (nationalistes algériens, notables arabisants, religieux, gros commerçants et tennants de nnif d lHeRma…), autrement dit les relais du système, la régence d’Alger sortira de la Kabylie par la petite porte.

Le plus grand ennemi n’est pas forcément ailleurs. Le plus grand ennemi n’est pas uniquement celui qui t’empêche d’être libre, mais celui qui fait semblant de lutter à tes côtés.

Je reprends l’argument de mon ami Hocine Aît Amara, à propos des esclaves du Sud des États-Unis (avant la guerre de sécession), quand les esclaves qui travaillaient dans les maisons de leurs maîtres conseillaient à ceux qui travaillaient dehors, dans les champs, de ne pas se révolter pour ne pas attirer la foudre du maître sur eux. En vérité, les esclaves de l’intérieur (représentés en Kabylie par la caste conservatrice) n’a pas peur pour la vie de leurs frères des champs (les Kabyles progressistes et insoumis), ils avaient peur pour leur propre statut d’esclaves de intérieur, de perdre la chaleur et les vapeurs des cuisines du maître, puis de finir comme leurs frères dans les champs à travailler sous le soleil et le froid. Sans oublier que les esclaves de l’intérieur dénoncent tout esclave des champs qui n’écoute pas leurs conseils, qui cherche à rétablir l’équilibre ou à se libérer.

En somme, si les Jeunes Kabyles continuent d’écouter ceux qui ont des avantages à perdre dans la lutte, ils resteront dans les champs, à faucher l’herbe sous le soleil en chantant le blues. La lutte, comme dirait l’autre, se fait avec ceux qui n’ont rien à perdre.

N’écoutons pas ceux qui nous parle de la cour du palais. Ces derniers ne souhaitent aucun changement, même s’ils se retrouvent parfois à la tête des marches « pacifiques », ils veulent juste détourner la vague de colère juvénile qui menace le palais pour la faire échouer contre les rochers ou sur les sables des plages désertiques.

De toute façon, si nous n’arrivons pas à dompter les esclaves de l’intérieur, les oreilles et le nez du maître, on ne pourra pas atteindre ce dernier. Nous nous trompons pas d’ennemi. N’écoutons pas ceux qui nous montrent le danger extérieur pour nous faire oublier celui de l’intérieur, celui qu’ils représentent. Comme dirait le poète : « Nous cherchons d’éteindre le lointain incendie, en oubliant celui qui dévore les pans de nos burnous ! »

Romain Caesar
SIWEL 031845 MAR 21