LA KABYLIE ENTRE DÉSENCHANTEMENT, INQUIÉTUDE ET ESPÉRANCE

KABYLIE (SIWEL) — Il est des moments où le doute s’empare du plus téméraires des humains, à tel point que, face à l’inévitable inertie, le recours aux mots devient presque gênant. Alors, on s’efface, on tourne en rond et on s’agite seul comme un fauve en captivité. C’est le cas de le dire depuis quelques semaines où la culpabilité née de l’impuissance conjoncturelle à juguler le déchaînement de la haine anti-kabyle, du fait des hostilités asymétriques qui sont livrées à la Kabylie, pousse parfois à une méditation qui peut paraître pour le moins inopportune.

En effet, que vaut bien une publication sur un réseau social quand l’injustice squatte l’espace public comme jamais et arrache de paisibles militants de leurs lits, au milieu de la nuit et dans une indifférence quasi généralisée de la république villageoise ? Que vaut un soutien virtuel à un prisonnier politique, verbal soit-il ou écrit, quand le silence de l’artiste, du sportif, de l’écrivain, du politique, de l’avocat et du journaliste, est à ce point assourdissant, leur renoncement pénible et indigne ? À quoi bon se solidariser quand l’impuissance d’une rue kabyle dévoyée par une fausse révolution qui a banalisé l’abrikation et fait pousser des cocoricos post-prières pendant une année, nourrit la toute-puissance de la tyrannie ? À quoi servira un propos révolté quand l’indignation est sélective, sinon à se donner bonne conscience pour dissimuler une capitulation non assumée, voire une caution tacite à une cruauté porteuse de tous les risques ? Quand on a un combat libérateur à mener, comment peut-on avoir les yeux rivés sur l’essentiel, sur l’objectif, sans perdre son temps à regarder sur ses flans et derrière soi, le piètre spectacle des inconstants et des apeurés qui justifient la dérobade ou leur volte-face par des postures concaves et totalement anachroniques, et par une modération attentiste qui est, en fait, plus confortable et moins périlleuse ? Quel pouvoir peut-on conférer au mot quand, à la première bourrasque, le corps est frappé d’épouvante ? .

Cela étant dit, est-ce une raison pour ne rien dire sachant que les mots sont ce qui reste quand on est réduit à sa plus simple expression. Le verbe est l’arme absolue dans l’arène politique, c’est de lui que dépend le comportement du corps et l’attitude d’un peuple qui, soumis à mille et une contrainte, évolue-t-il en dents de scie au cours de son histoire. Ainsi, peu importe la tourmente et le sentiment d’oppression, voire de faiblesse, qu’on éprouve, peu importe le rapport de force défavorable du moment, peu importe les démissions de ceux qui agissent par gloriole et qui ont cru que la décolonisation au sens le plus large du terme, était une partie de plaisir où on peut jouer au militant sans en avoir la stature… il faut user de la plus petite voix qui reste, car, mine de rien, c’est la clef de voûte du triomphe final de la liberté. En effet, on ne le répétera jamais assez, contrairement à un scrutin, le nombre importe peu dans une véritable révolution, la quête obsessionnelle de l’adhésion de tout le monde quand il s’agit d’un projet de rupture intégrale, étant le meilleur alibi de l’immobilisme.

Pour solde de tout compte, j’use donc de cette petite voix atemporelle pour réitérer(*) tout mon soutien à tous les militants indépendantistes qui sont sous le coup d’un mandat d’arrêt, à tous les prisonniers politiques kabyles parmi lesquels je compte des amis et dont la liste ne cesse de s’étirer. Bien entendu, mon soutien est humain vis-à-vis des uns, éthique vis-à-vis des autres, fraternel et militant vis-à-vis de ceux avec qui je partage la même lutte et le même idéal.

Allas Di Tlelli
SIWEL 012115 JUI 21


(*) LE CHOIX DÉLIBÉRÉ DE L’IMPASSE : https://www.facebook.com/allas.ditlelli/posts/4230546403670302