(SIWEL) — La partie (II) de « La Kabylie à la (re)conquête de sa liberté », poursuit la mise en évidence des moments clés de l’histoire de la Kabylie. Le cheminement logique et naturel de la Kabyle en marche vers la reconquête de sa liberté apparaît alors comme une évidence depuis bien plus longtemps qu’on ne le pense.

Dans notre précédente édition (partie I), nous nous étions arrêtés à l’indépendance de l’Algérie arrachée en 1962 au prix du sacrifice de beaucoup de sang kabyle. Mais qui tombera après la signature des accords d’Evian entre les mains des traîtres qui étaient restés dans l’ombre, attendant patiemment leur heure venir.

 

L’acte de naissance de l’indépendance algérienne est signé en 1962 des mains du maquisard Kabyle krim Belkacem (qui finira assassiné comme Abbane Ramdane). Mais Ben Bella signifie à la Kabylie que «L’Algérie est Arabe! Arabe! Arabe!». Au terme de sept années de guerre contre la France coloniale, les kabyles ne sont plus des indigènes français, ils sont désormais des indigènes arabes…

1963 : La Kabylie reprend le maquis

Epuisée par la guerre d’Algérie, la Kabylie reprend le maquis en 1963 et affronte « seule  » le coup d’Etat de l’armée des frontières. Cette armée, qui prend le nom d’« Armée Populaire nationale » (ANP), vient tout juste de débarquer en Algérie. Elle n’a jamais combattu l’armée française mais elle va combattre sans merci les maquisards Kabyles qui refusent ce coup d’Etat.

Sous la houlette du Front des Forces socialistes (FFS), dirigé par le kabyle Hocine Ait-Ahmed, les derniers maquisards de l’ALN vont affronter l’ANP. La Kabylie est à feu et à sang et vit deux années supplémentaires d’exécutions, de viols et de massacres, après les sept années de guerre passées à combattre la France. Cette fois, la Kabylie n’affronte pas les soldats français du colonel Bigeard mais les soldats algériens du colonel Boumediene.

En 1965, la Kabylie saignée à blanc par neuf années de guerres ( 7 contre l’armée française, 2 contre l’armée algérienne) est vaincue….Commence alors une longue nuit de lutte souterraine, de répression, de déni d’existence et d’humiliation.

1966, l’Académie Berbère: La diva et le maquisard

Comme pour l’Etoile nord africaine, c’est à Paris que l’Académie Berbère est créé en 1966 par un groupe de militants kabyles, dont la diva kabyle Taos Amrouche qui met à disposition son propre domicile et l’ancien maquisard de la guerre d’Algérie et du maquis kabyle de 1963, Muhend A3rav Bessaoud. Ce dernier échaudé par les deux guerre écrit un livre-pamphlet dont le célèbre titre est repris à ce jour par les générations successives de jeunes kabyles «Heureux les martyrs qui n’ont rien vu !».

Mohand Arav Bessaoud est le plus connu des membres de l’Académie Berbère, il est l’un des principaux activistes. C’est à lui, notamment, que les peuples amazighs doivent le drapeau (Amazigh) Berbère, crée en 1970 en Kabylie, à Iwadhiyen (ouadhias). L’Académie Berbère jouera un grand rôle dans l’éveil identitaire des générations d’après-guerre. Parmi eux, certains, tel que Ferhat Mehenni et Masin Uharun, deviendront des acteurs de premier plan dans la lutte et la défense de l’identité berbère

Les années 1970 : Masin U Harun et les enfants de martyres de Kabylie

Durant les années 1970, Masin Uharun, fils de martyrs de la guerre d’Algérie est un étudiant brillant. Il fait partie des premiers militants de la cause berbère et sera à l’origine de plusieurs revues en kabyle. Il sera arrêté en 1976 et restera emprisonné durant 11 ans, après l’affaire dite des « poseurs de bombes » qui avait visé des édifices de la dictature algérienne.

Emprisonné à Lambèse, il y subira un isolement total et l’horreur des tortures les plus inhumaines. Ferhat Mehenni, un autre fils de martyr de la guerre d’Algérie, sillonnera quant à lui la Kabylie avec ses « chants berbères de lutte et d’espoir » soulevant des émeutes sur son passage. Il subira 13 arrestations et sera torturé à la prison de Berrouaghia.

1980 : Le printemps berbère (même si en réalité le printemps est kabyle mais en faveur de tous les berbères)

L’interdiction, à Tizi-Ouzou, d’une conférence sur la poésie ancienne kabyle que devait animer l’écrivain et anthropologue kabyle, Mouloud Mammeri, met le feu aux poudres. La jeunesse estudiantine kabyle bouillonne : manifestations et sit-in de protestation sont organisés en Kabylie et à Alger.

Les instigateurs sont arrêtés et présentés devant la cour de sureté de l’Etat et les cités universitaires sont investies par les forces de police. La répression est féroce et c’est au final toute la Kabylie qui rejoint les étudiant, et qui s’embrase…les villages se déversent sur Tizi-Ouzou pour exiger la libération immédiate des détenus et défendre, avec les jeunes kabyle, la légitimité identitaire.

1981 : l’étudiant kabyle, Kamel Amzal, est assassiné par les islamistes.

Pour contrer les militants berbéristes, l’Etat algérien favorise les islamistes contre les étudiants kabyles porteurs du combat démocratique. Kamel Amzal est assassiné à coup de poignard par un groupe d’islamistes alors qu’il affichait un appel à une assemblée générale.

Suite à l’assassinat du jeune Kamel, 23 islamistes sont arrêtés puis…relâchés ! Parmi eux, Abassi Madani, futur fondateur du Front islamique du salut (FIS), dont les membres sont aujourd’hui réhabilité…

1988, l’ouverture dite «démocratique»:

Après les émeutes du 5 octobre 1988, c’est la fin du parti unique en Algérie. Le FFS de Hocine Ait-Ahmed est réhabilité. Un nouveau parti politique kabyle, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), est créé en 1989 par les principaux animateurs du Mouvement culturel berbère (MCB): Ferhat Mehenni, Said Sadi, Mustapha Bacha et Arezki Ait Larbi.

Jadis fédérateur des kabyles de tous bords, le MCB se divise entre FFS et RCD. Les deux partis kabyles mènent un combat fratricide en faveur du même objectif: la démocratie en Algérie. Tandis que la Kabylie se divise profondément, l’Algérie ne se démocratise pas pour autant et s’enfonce davantage dans le fanatisme arabo-islamique

1992, le Raz-de-marée islamiste, l’exception kabyle et l’hécatombe

Les premières élections libres provoquent un raz-de-marée islamiste. A l’exception unique de la Kabylie, le FIS l’emporte partout en Algérie. L’armée algérienne annule les élections. Le RCD soutient l’arrêt électoral, tandis que le FFS soutient la poursuite des élections. Le terrorisme fait rage en Algérie sauf en Kabylie où des groupes d’autodéfense assurent eux-mêmes la sécurité des villages. Ali Belhadj, fondateur du FIS, et principal prédicateur du terrorisme islamiste, déclare la Kabylie « impie ».

Tandis que des villages entiers sont massacrées dans les banlieues algéroises (Rais, Bentalha), l’élite militante et intellectuelle kabyle est particulièrement visée par le Groupe islamique armé (GIA), dont les filiations entre FIS et Etat algérien restent « confuses », tant les assassinat des kabyles tels que Tahar Djaout, Smail Yefsah, Nabila Djahnine, Rachid Tigziri et tant d’autres, arrangent les deux camps.

la suite dans la partie (III) où nous reprendrons le cours de l’Histoire récente de la Kabylie en 1994 où la Kabylie boycotte l’école algérienne une année entière, de la maternelle à l’université.

Retrouvez " La Kabylie à la (re)conquête de sa liberté, partie (I)’ ICI

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