PARIS (SIWEL) — Au lendemain de l’incident diplomatique survenu suite à son interpellation à l’aéroport d’Alger par la police aux frontières qui a failli l’empêcher de prendre son vol vers Paris, Nafa Kireche, ministre chargé des Relations avec les Institutions françaises, au sein du Gouvernement provisoire kabyle en exil (Anavad), de retour de Kabylie, a bien voulu répondre à nos questions sur cette énième provocation du régime colonial algérien contre les souverainistes kabyles :

 

Nafa Kireche, malgré votre statut de ministre, et les risques que cela implique, vous vous rendez régulièrement en Kabylie. Jusqu’ici vous n’avez pas été inquiété par les autorités algériennes. Hier, vous avez été interpellé par la police aux frontières au moment de prendre votre vol de retour à Paris. Pourquoi ce soudain revirement des autorités algériennes ?

Depuis le 20 avril 2016, la stratégie du pouvoir vis à vis des souverainistes kabyles a changé. Jusqu’ici, le régime portait un regard plutôt condescendant sur le MAK. L’ensemble de la classe politique algérienne ne prenait pas cela au sérieux. A l’exemple d’Ouyahia, qui avait qualifié la création de l’Anavad de "tintamarre". L’étape suivante a été d’ignorer totalement les activités du mouvement. Ensuite il y a eu la phase de "diabolisation", via l’instrumentalisation de la presse, notamment arabophone. Ces stratégies ont été un échec retentissant comme l’a montré la constante progression du MAK et de l’Anavad jusqu’à aboutir à des marches historique en avril 2016, que ce soit en Kabylie ou dans la Diaspora. Depuis, la panique a gagné les rangs des dirigeants algériens, inquiets de l’adhésion du peuple kabyle aux mots d’ordre du MAK. Le pouvoir ne peut plus ignorer le poids de celui-ci. Désormais il est entré dans une nouvelle phase : mener une guerre "psychologique" totale contre les cadres et militants actifs du MAK et du Gouvernement Provisoire Kabyle. Le but est non seulement d’amener ces militants à renoncer à leurs activités, mais surtout de dissuader les kabyles de venir grossir les rangs du mouvement. Tout cela est à mettre également dans le contexte économique désastreux du pays, qui ne permet plus au pouvoir d’acheter la paix sociale ou de s’offrir de nouveaux relais en Kabylie.

D’où votre interpellation… ?
Cela fait plusieurs années que je me rends régulièrement, plusieurs fois par an, en Kabylie. C’est la première fois que je suis interpellé par la police aux frontières. J’étais accompagné de ma femme et de mes 2 enfants, Mazigh qui a 12 ans, et Tiziri, qui a à peine 4 ans. Le commis du guichet m’a annoncé que j’étais fiché et m’a donc bloqué l’accès à la salle d’embarquement. Il m’a demandé si j’acceptais que ma famille rejoigne la France sans moi. J’ai donc demandé la raison pour laquelle j’étais "fiché" comme il disait. Il m’a répondu qu’il l’ignorait car cela n’était pas mentionné sur son écran mais il a ajouté qu’il le devinait. J’ai répliqué qu’ayant une excellente éducation kabyle, je ne suis pas un voleur, comme les gens du FLN, je ne suis pas un égorgeur, comme les islamistes, et je ne comprends pas pourquoi vous m’interpellez. Il m’a confirmé que ma famille pouvait passer, mais sans moi. Ce que j’ai accepté. Ma famille a donc rejoint la salle d’embarquement en se séparant de moi, ma fille était en larme et je lisais l’inquiétude dans les yeux de mon fils Mazigh et de ma femme. Le commis s’est ensuite absenté afin de s’entretenir avec sa hiérarchie à mon sujet. Finalement, une vingtaine de minutes plus tard, il est revenu et m’a autorisé à rejoindre la salle d’embarquement. Le vol ayant eu du retard, j’ai finalement pu prendre le même que celui de ma famille. Décision aussi absurde qu’incompréhensible. Une arrestation sans être interrogé et sans aucune explication valable. C’est cela : la guerre psychologique. Ce n’est pas à vous que j’apprendrais que des centaines voire des milliers de militants et de sympathisants de l’indépendance de la Kabylie ont subi le même sort avant moi.

La communauté militante kabyle était attentive à votre situation, votre arrestation a rapidement été médiatisée sur les sites kabyles. Ce soutien est-il important ?
Cette mobilisation m’a fait chaud au cœur, d’autant qu’elle été rapide et efficace. Je tiens à remercier tout le monde, de la direction du MAK, Mass Bouaziz Ait Chebib, Hocine Azem, Boussad Becha, Moh Tahechat, qui m’a envoyé un sms pour me dire que ces arrestations agissent comme un carburant pour les militants. Je tiens à les remercier publiquement, n’ayant pas eu le temps de leur répondre. En France, le réseau Anavad, à sa tête Ahmed Haddag, Nadoucha, l’agence "Siwel" et le journal "Tamurt", qui sont la voix des sans-voix ont également été de la partie.

Un dernier mot ?
Pour moi, c’est un honneur d’être "fiché" par un pouvoir de voyous. Dans un pays normal, ils sont tous passibles de prison pour corruption, haute trahison, incompétence, détournement de l’histoire, assassinats de leur propre peuple. Ils ont tué tout espoir de renouveau. Ironie du sort : En France, on fiche les radicaux islamistes avec les fameuses fiches "S". En Algérie, on fiche les démocrates kabyles, pacifiques et laïques. Je n’ai rien à ajouter.

wbw
SIWEL 152212 AOU 16

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