FEU SUR LA KABYLIE !

KABYLIE (SIWEL) — La Kabylie brûle-t-elle ? Espérons que nous n’aurons pas à entendre un Néron au ministère de la défense appeler un général à la tête d’un bataillon pour lui poser fiévreusement cette question. Espérons que la Kabylie ne sera pas une fois de plus, le théâtre d’opérations militaires. À Dieu vat…

À croire qu’à l’instant même de son indépendance, l’Algérie s’était ouverte non pas en jets éclatants de liberté mais obscurément à la manière de la boîte de Pandore d’où sortirent de nouveaux supplices et malheurs admis pour tous les algériens.

Pour tout algérien né avant l’indépendance, les récits de terreur n’ont pas uniquement l’ancien régime colonial français pour sujet, mais celui du nouvel ordre algérien parce qu’il évoque pareillement la cruauté. Ses mécanismes sont habilement conçus par un microsome de monstres égoïstes qui, de manigances tout le temps rénovées, débarrassent l’indigent de toute idée de contestation contre la misère qu’ils lui imposent. Les animateurs du mouvement libérateur avaient semé les graines d’une conscience populaire et c’était l’ivraie, après la victoire, qui s’en était octroyé le mérite tout en s’accordant libéralement aux mercenaires et aux tyrans. Pas plus de dix ans après, le terme indépendance prenait déjà une odeur de déception, captieux à sa prononciation. La raison même du 1er novembre était isolée, renversée et reculée dans un horrible destin.   
Je me redis encore une fois : Si une confrontation de procédés de manigances s’organise entre d’un côté, le pouvoir algérien et d’un autre, Lucifer avec ses mœurs et ses légions de démons, le pouvoir algérien l’emportera par expérience. Il surpasse le diable en maléfices. Il est, à juste titre, l’expression dialectique du Mal. Il pilote des actions néfastes chacune en son temps, selon le plan qu’il a établi. Mais, cette fois-ci, dans sa hâte, il a choisi une option périlleuse. Il a pris comme une patente gorgée de poison la solidarité entre kabyles toutes tendances confondues qui avait éclaté en clameurs à Tizi-Ouzou la journée du 20 avril dernier et qui avait obligé un régiment de la police à la rétraction.  Il n’arrive pas à la digérer. Il se dévoile bigrement névrotique sous l’émission lumineuse de la solidarité entre kabyles. Il sait que si les kabyles s’unissaient, la partie pour eux serait vite gagnée.

Ainsi donc, le Mak se prépare à des actions terroristes ! Quelle trouvaille ! La magnitude du véritable danger qui menace l’Algérie et la Kabylie -par extension, le nord-africain tout entier- se figure à l’avance et de manière très nette dans cette éclosion au mensonge ! Hélas, force nous est de constater que l’obscur est froidement énoncé, sidérant et incontestablement brutal dans une Algérie où la citoyenneté est évanescente, l’identité désincarnée et les notions des droits de l’homme peinent à se forger une petite place.

On attendait une violence envers les Kabyles insoumis via le Rachad, comme dut s’en enorgueillir le Fis dans les années 90, mais le pouvoir s’en est saisi dans la précipitation, il lui faut couper l’élan de solidarité entre kabyles à brefs délais, l’étouffer dans l’œuf.  À ses yeux les kabyles en association est un régiment en guerre, la réponse à leurs actions rationnelles et pacifiques doit être militaire.

Dans son arsenal de malversations, de stratégies, de moyens d’attaque ou de défense, le pouvoir nous a entrainés à bien deviner sa logique. Quand il usine une forfaiture contre un opposant, avant de la traduire en opération, il a pour habitude de manipuler l’opinion et de semer par la rumeur le trouble dans son voisinage à grand renfort de larbins en livrée qui se font coqs pisseurs dans le violon.  La rumeur est une arme puissante, elle ramasse ab ante des crédules qui du rang de militants se ravalent eux-mêmes en réels suspects. Sous Staline, Beria, le patron du NKVD (papa du KGB), avant de décider les arrestations, actionnait d’abord ses agents dormants pour désigner les opposants de traîtres à l’unité de l’Etat et à la stabilité du pays, ou carrément dégénérés vendus à l’étranger. Et ces agents larguaient à qui voulait bien les entendre et d’une conviction à tout rompre des histoires de vols, d’abus et d’immoralités touchant les opposants déjà listés et prêts au transfert dans des wagons à bestiaux pour le Goulag ou la potence. Les tribunaux ne feront que lire la sentence rédigée par Staline lui-même. L’État algérien dont la charpente militarisée a été forgée par le KGB est très lié aux pratiques staliniennes. Ses opposants ne doivent pas être arrêtés pour une raison politique qui aura à laisser supposer qu’ils ont des principes de lutte ou des convictions à défendre pacifiquement. Il les confine dans des affaires de droit commun. Le cas de Ferhat Mehenni le fait immerger dans un réservoir de sueurs, il est, sans l’ombre d’un doute, l’un des hommes politiques des plus honnêtes dans tout le sous-continent nord-africain. Que l’on eût été du point de vue politique en désaccord avec lui depuis la clandestinité, on ne peut, toutefois, nier son honnêteté et sa droiture. Qui ne l’a pas perçu pendant les quarante dernières années comme l’éminente sonorité des causes justes ? Il a pleinement collaboré à ce que l’expression politique soit devenue aussi courante. Il a chanté tamazight, le travail, l’égalité des sexes, les droits de l’homme, la démocratie et ainsi, l’image d’avril 80 lui colle à la peau car son sacrifice pour ses idéaux est complet. Cependant, parce qu’il s’est restitué complètement à la Kabylie, parce qu’il veut être kabyle, uniquement kabyle, l’anathème et les menaces lui répondent atrocement, férocement.

Subitement, le mouvement fasciste Rachad avec des chèques turcs en réserve n’inquiète plus l’État algérien, alors que ses avortons en retombées de récupération font le buzz dans les réseaux sociaux. L’histoire nous enseigne que dans la préparation du crime, islamistes et baathistes honorent toujours leur parole. Les intégristes en procession sont en ligue ouverte contre la Kabylie ; de Londres, un ténébreux baathiste des services appelle à gazer les kabyles, et c’est le Mak que l’on désigne organisation terroriste !!! Mais de quel côté se situe le terrorisme ? La question peut paraître absurde quand on sait que le régime d’Alger et Ferhat Mehenni sont deux camps contradictoires comme par l’évidence d’une loi physique.
C’était pendant des orgies aux penchants canailles drapées de l’horrible fonction du FLN que naissait l’Islamisme dont les avoués formaient la main d’œuvre criminelle du régime. Le régime algérien est constitué de clans qui tantôt se coudoient tantôt s’entrechoquent en pertes et profits. Avant, plus le prix du pétrole grimpait, autant ces clans redoublaient de férocité. La part de la rente pétrolière des uns et des autres se taillait à la mesure de la détermination de chacun des clans à montrer ses capacités de nuisance. À défaut de s’éliminer, les clans puissants s’envoyaient des kamikazes pour se faire peur et se neutraliser ! Les complicités entre eux étaient tellement imbriquées. Maintenant qu’il est question de la Kabylie, les opposés s’attirent et tendent à faire croire que Ferhat Mehenni, aidé par une fantomatique main étrangère, planifie une guerre civile. Ils ont des fables en réserve.

La dernière vidéo diffusée ce matin par la Pravda du régime montre un acharnement dans la consécration de la bêtise. C’est toujours du faux que l’État algérien tire l’énergie nécessaire qui lui permet d’abuser des populations avec tous les artifices à sa disposition. On y voit un désorienté d’un ton kabyle accentué qui s’avoue d’un lexique en patin-couffin trafiquant d’armes, rien que ça ! A l’entendre, il vaque à l’achat des klashs comme dans un ordinaire marché d’un bourg et il sait, avec précision, le contenu de la trésorerie du Mak ! Faut-il en rire, faut-il en pleurer ? Orgueil, présomption et arrogance, le régime algérien a tellement berné son peuple qu’il n’a désormais de passion qu’à le regarder de dos.  Il ne s’embarrasse pas d’un scenario qui pourrait tenir la route, heureusement d’ailleurs.  Dans son commerce pitoyable avec la bouffonnerie, il pense accroître l’émotion des crédules avec un scénario que boycotterait un enfant.
Avant d’annoncer le sort qu’il réserve aux militants du Mak, le pouvoir attend l’écho des lâches qui se sont approprié la tâche de les salir avec acharnement. Il a cherché au persil parmi les airs sanctifiés de faux dévots un soutien kabyle à même de justifier son agression à venir.  Il y a tellement de lascars aux neurones réfugiés dans l’estomac et l‘estomac dans les talons qui rayent des dents les plateaux par passion d’occuper un strapontin, mais le pantin épidermique en chef, fier de renforcer la tribune des aberrations est incontestablement Karim Tabou. On a beau crier haro sur ce baudet, mais, surchargé d’illusions, il rejette toute amende honorable. L’aliboron opposant se prévaut dans un postulat burlesque qui demande à l’admettre figure d’intégrité avec comme seule démonstration, la mascarade de son arrestation qui lui autorise aujourd’hui des unités de bruit médiatique. Sorti d’un piaillement de volailles, il est le premier à associer le Mak au terrorisme sans manquer de dédouaner le Gia de ses assassinats. La déclaration du MDN le fait découvrir à son corps défendant, à pot et rôt dans les antichambres. Avec sa bave de crapaud et ses commentaires crottes de bique, il s’acharne à garnir de plomb les ailes des faucons de la liberté afin de récolter les éloges du camp ennemi.   Soutenu de la plus honteuse déposition devant l’islamisme, il se veut l’opposant favori envers un régime dont il est le revers. Son apparence physique est une offense à la silhouette humaine. Son statut d’homme politique est un simulacre. Sa parole est un quotient de provocation. Il n’y a rien qui vaille dans sa cervelle Erdoganisée.

Au final, un seul défi nous est imposé : maintenir notre union. Veillons à ce qu’elle ne disparaisse pas comme une eau bouillie qui part en fumée. Sinon, il ne nous restera que la poésie comme patrie et l’errance en guise de châtiment à notre soumission à la désunion.

Djaffar Benmesbah
SIWEL 281205 AVR 21