Le feu dans l’histoire de la Kabylie : une arme de guerre qui ne dit pas son nom

HISTOIRE (SIWEL) — Depuis quelque temps, la Kabylie est en proie aux incendies volontaires. Nombreux sont ceux qui désignent la Mafia d’État qui gouverne l’ex-Algérie française comme les véritables bénéficiaires de ce crime contre l’environnement.

Signe des temps, l’environnement s’invite maintenant dans le monde des hommes comme véritable personnalité juridique. L’environnement en Kabylie partage avec d’autres nations quelques centaines de kilomètres de côtes de la Mare Nostrum (mer Méditerranée). Et il subit des centaines de foyers d’incendie. À ce stade et à cette fréquence aucune statistique raisonnable ne saurait venir démontrer qu’il s’agit de causes naturelles ou du hasard. Ou encore le simple fait d’incivisme ou de promoteurs immobiliers intéressés. Sans compter les témoignages qui ne font que corroborer l’usage du feu en tant qu’arme de guerre qui ne dit pas son nom. Dans l’histoire, nombreux sont les exemples de son utilisation. La Grande Armée de l’Empereur Bonaparte en sait quelque chose. Même le génie militaire de Napoléon n’aura point trouvé de parade face à des Russes déterminés à préserver l’indépendance de leur patrie.

Période moderne (1510-1832)

En Kabylie, c’est l’inverse. Le feu a été utilisé en tant qu’arme de guerre contre elle. Et ce depuis la prise de Vgayet (Bougie) par les Espagnoles en 1510 et l’arrivée des turcs. L’Empire Ottoman utilisait le feu en tant qu’arme de guerre privilégiée. Les Arméniens ne sont pas prêt de l’oublier. Il fut largement utilisé contre la Kabylie et son usage relevait d’un génie militaire certain. C’est pour cela qu’il n’y avait aucune tolérance des Kabyles pour les incendiaires.

Le fameux caïd turc du Titteri, surnommé « Adebbah » (l’égorgeur), en savait quelque chose. Puisque le beau-frère des Iboukhtouchen a osé commettre ce qui relève du sacrilège en Kabylie. En 1755, Adebbah a osé incendier les récoltes et couper des arbres. Les At Frawsen et les At Iraten se sont jurés la perte de ce dernier. Qu’on le brûle ou qu’on l’abatte. Porter atteinte à un arbre sans raison valable relevait du sacrilège. Devant la sauvagerie et l’orgueil de l’homme, même sa belle-famille prendra les armes contre lui. Mais ce seront les At Iraten qui auront la chance d’avoir la peau de l’outrecuidant émissaire d’Alger et de Constantinople (yughal-ed ttar).

Période pré-contemporaine (1830)

Quand la France de Charles X débarque à Alger en 1830, Hussein Dey remet aux militaires français le mode d’emploi pour régner sur Tamazgha Centrale. Il insiste particulièrement sur la Kabylie. Notamment sur le fait de toujours entretenir la division chez les Kabyles sans jamais leur faire une guerre frontale. Autrement dit, utiliser toutes les armes de guérilla possibles dont le fait d’affamer la population par le feu. Acheter les « notables » kabyles par l’argent ou les honneurs plutôt que de frapper. Porter atteinte à la poche et aux biens du kabyle plutôt que s’épuiser dans une longue guerre. Décourager les femmes kabyles, trop soucieuses de voir le Nif de l’homme, du village ou de leur arch foulé au pied. Les femmes auront d’ailleurs un grand rôle à jouer dans l’accession de la Kabylie à l’indépendance. Surtout, si elles en font une question d’honneur.

Celui qui aura le mieux compris toutes ces choses, c’est le fameux Maréchal Bugeaud gouverneur de l’Algérie française. En appliquant à la lettre le testament de Hussein Dey et une artillerie de montagne rendue performante par la guerre d’Espagne. En 1847, fort des précieux conseils de Moqrani l’ancien, il se rend maître de la basse Kabylie en un éclair. Il utilisera le feu en tant qu’arme de guerre mieux qu’aucun autre au sein de Tamazgha centrale. Et ses successeurs exploiteront cette arme en 1857 comme en 1871.

Période post-coloniale

On ne retiendra pas tous les exemples qui illustrent l’usage du feu en tant qu’arme de guerre en Kabylie. Tant ces exemples sont innombrables. Il y a ceux trop nombreux que confèrent ce qu’on nommera la guerre d’Algérie. Nous nous attarderons d’avantage sur ce qui marque plus encore les mémoires à ce jour : l’usage du feu en tant qu’arme de guerre par l’armée algérienne, l’Armée Nationale Populaire (ANP).

Cette ANP composée de militaires à l’abri des frontières tunisienne et marocaine et de tout ce qu’elle aura ramassé sur son passage sur la route d’Alger. Autrement dit, des pseudo-moudjahidines de dernière minute. L’ANP utilisera les armes et le feu surtout contre l’Armée de Libération Nationale de la Wilaya III. Ainsi que la Wilaya IV restée solidaire. Donc exclusivement contre les Kabyles. Cette guerre contre un FFS naissant se traduira entre 1963 et 1965 par de nombreux villages brûlés par les éléments de l’armée algérienne. Ces techniques seront également utilisées contre les maquis islamistes pendant la décennie noire.

Depuis 1962, l’ANP n’aura de cesse de « performer » cette technique de guerre. La Mafia d’État qui gouverne aujourd’hui l’ex-Algérie française ne renoncera à rien dans le mode d’emploi légué par la France coloniale et les janissaires turcs. Surtout face à des Kabyles trop nombreux pour être attaqués de front. Et qui, plus est, a essaimé en plusieurs diasporas à travers le monde.

Conclusion

Hier comme aujourd’hui, la mafia d’État qui exploite le plus vaste pays d’Afrique continue à utiliser un mode d’emploi qui a fait ses preuves. Hier, le feu pour affamer une population nombreuse. Aujourd’hui, le feu pour rendre encore plus dépendante cette population aux miettes consenties par la gestion mafieuse de la rente pétrolière. Il a été expérimenté par les Turcs et la France coloniale pendant 5 longs siècles. Face aux Kabyles, l’arme la plus efficace ce n’est pas la poudre, ni le feu. L’arme la mieux utilisée contre la Kabylie, c’est la division. C’est dire si les bases du retour d’expérience sont solides en ce qui concerne la science de neutralisation du pays kabyle. Une science basée sur la corruption ou l’élimination des élites et la division des Kabyles en multiples factions.

Face à plus de 5 siècles de retour d’expérience, nous ne pouvons opposer que 4 décennies de lutte culturaliste, 9 années de lutte pour l’autonomie et 7 ans de lutte pour l’indépendance…

Salem At Seyd
SIWEL 201805 Jul 17 UTC

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