Ferhat Mehenni rend hommage à Messaoud Nedjahi

Messaoud Nedjahi, mon frère

Le plus grand auteur compositeur des Aurès, Messaoud Nedjahi, après avoir résisté vaillamment contre l’affection de la Covid-19, vient de s’éteindre à l’hôpital Ambroise Paré, à Boulogne Billancourt.

Infatigable militant et défenseur de l’amazighité, je l’avais connu en 1979, au temps où nous nous retrouvions à la Coopérative Imedyazen, à la rue Lesdiguières, près de la Bastille, à Paris.

Il venait de réaliser l’un des plus beaux albums de la chanson aurèssienne moderne, interprété par son épouse, celle qui restera à coup sûr, l’éternelle légende et l’éternelle Diva de la chanson chawie, Dihya, son épouse. Avec « Ekker-d Ekker-d a memmi, ad-d nawi hilelli » ou « Aella d amezyan » il avait donné ses lettres de noblesse à la musique et à la poésie du peuple chawi que l’officialité algérienne faisait tout pour les dévaloriser et les maintenir au stade du folklore, au sens péjoratif du terme, soit exactement le même sort réservé à la culture kabyle.

Messaoud, dit Bees3a, n’aimait ni s’exposer, ni exposer son épouse. Son album avait obtenu un succès phénoménal sans qu’il n’ait jamais animé le moindre concert. La flamboyante beauté de la voix de Dihya, celle de ses mélodies et de ses paroles suffisent pour conquérir toute la Kabylie mélomane.

Nous nous voyions souvent. Quand, en 2014, j’allais enregistrer mon dernier album (Tilelli i Teqvaylit) je lui avais envoyé Nadia Sewwaman, pour lui demander si Dihya me faisait l’honneur de faire un duo avec moi. Mieux ! Je lui avais proposé de traduire du kabyle au chawi la moitié des paroles du titre « Amezruy » de telle sorte que la chanson soit bilingue et que je chante autant en chawi que Dihya en Kabyle. C’était de bonne grâce qu’il avait accepté.

Messaoud faisait tout pour que Dihya surmonte ses épreuves de santé et avait maintes fois organisé des rencontres entre amis pour lui rendre hommage et la valoriser.

C’était un homme de principe et de parole, un homme de réflexion et d’action. Militant invétéré de l’amazighité, il rêvait d’une Afrique du Nord unie autour de la culture berbère.

Le poète, l’intellectuel, le compositeur et le citoyen du monde faisaient de lui un homme d’exception dont l’histoire retiendra le nom.

Repose en paix mon frère !

Toutes mes condoléances à Dihya, sa fille, sa famille, les Aurès et le monde amazigh.

Exil, le 30/08/2021
Ferhat Mehenni

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