DIASPORA, EXIL (SIWEL) — Le Président du Gouvernement provisoire kabyle en exil (Anavad), Mas Ferhat Mehenni, a tenu, lors de la journée-débat organisée par le MAK-Anavad ce dimanche 25 septembre 2016, un discours d’Homme d’Etat, dont le contenu sous la forme de « Prospection & Perspective » fera date tant des lignes seront imminemment bousculées, optimisant davantage tant de l’intérieur qu’à l’extérieur la lutte pacifique du peuple kabyle pour l’indépendance de la Kabylie. SIWEL retranscrit ci-après le discours dans son intégralité :

 

ANAVAD AQVAYLI UΣḌIL
GOUVERNEMENT PROVISOIRE KABYLE
PROVISIONAL GOVERNMENT OF KABYLIA
PRESIDENCE

Discours devant l’Assemblée générale du MAK-Anavad à Montreuil, le 25/09/2016

Yessetma, aytma, Azul,
Avant tout, je tiens à réaffirmer toute mon estime et mon soutien aux militantes et militants qui, en Kabylie, œuvrent au prix de leur liberté, voire de leur vie, à l’aboutissement du combat libérateur de la Kabylie. J’ai été ému de lire qu’ils assument avec honneur et dignité là où ils se trouvent, et particulièrement dans les commissariats du colonialisme algérien, leur appartenance au MAK et leur engagement pour l’indépendance de la Kabylie. Ils forcent l’admiration.

Le Troisième congrès du MAK (26/02/2016) a ouvert une nouvelle étape dans la marche de la Kabylie vers son indépendance. Le Projet pour un Etat Kabyle (PEK) a été réécrit de manière à écarter définitivement toute autre option pour notre Mouvement en dehors de l’indépendance du peuple kabyle. Le droit à l’autodétermination de la Kabylie qui reste notre objectif stratégique est bel et bien redéfini comme celui de notre indépendance et non celui d’un autre statut. La dynamique ainsi enclenchée a immédiatement porté ses fruits. L’éclatant succès des souverainistes kabyles les 17 et 20 avril en France et en Kabylie ont plébiscité le PEK, ses concepteurs et ses leaders.

L’adhésion sans précédent du peuple au projet d’indépendance a en elle-même consommé la rupture avec un mode d’organisation et d’action qui, de toutes les façons, est condamné par les réactions de la colonisation et des adversaires du peuple kabyle. Les harcèlements policiers qui ciblent nos vaillants militants, la recherche de points faibles chez nos responsables pour retourner ceux-ci contre nous, les infiltrations opérées dans nos rangs, imposent une nouvelle révolution dans notre organigramme et notre mode de fonctionnement.

Je suis celui qui imprime à la ligne politique du MAK les changements dont le combat a besoin pour mener le peuple kabyle vers sa liberté. Conscient des très lourdes responsabilités qui sont les miennes, j’avais tenu, à la naissance de notre Mouvement, le 05/06/2001, à ne pas déstabiliser, par devoir moral, la structure principale qui gérait la grave et dangereuse situation du Printemps Noir. Il avait fallu attendre la mort des Archs pour qu’enfin j’organise le Premier Congrès du MAK, le 14/08/2007 à Ighil Ali. Trois ans plus tard, je force le destin en mettant sur pied l’Anavad. Dès lors que le gouvernement provisoire kabyle est debout, l’objectif initial de l’autonomie porté par le MAK était dépassé. C’est vers la mi-novembre 2011, que dans cette salle, lors d’une conférence, j’ai pour la première fois invité le MAK à passer de l’autonomie au droit à l’autodétermination. Les turbulences générées par chacun de ces changements ont, comme il fallait s’y attendre, provoqué des départs de certains cadres et militants mais aussi des vagues d’adhésion plus importantes pour entamer la nouvelle étape.

Ce n’était pas tout. Si la mise en circulation de l’hymne national kabyle n’avait pas suscité d’opposition interne, ce ne fut pas le cas pour l’anay aqvayli, le drapeau kabyle. Craignant un rejet de la rue, des voix s’élevaient de nos rangs pour demander qu’on gardât le drapeau amazigh qui n’affirmait pas l’identité spécifique de la Kabylie. Il y avait des oppositions jusqu’au sein de l’Anavad ; aujourd’hui, elles toutes sont derrière nous.

En revenant sur ces bouleversements vécus depuis 2001, je voudrais souligner que nous allons en vivre d’autres, avec ou sans moi en tant que dirigeant. Je n’aurais pas accepté un nouveau mandat à la présidence de l’Anavad si c’était pour expédier les affaires courantes et gérer la routine, militer dans le confort… Il y a une feuille de route pour nous en vue de nouvelles réalisations, de nouveaux défis : Mettre sur pied un parlement, une cour de justice, un corps diplomatique, un fonds de souveraineté kabyle, des médias chauds (radio, une télévision), fédérer les comités de villages au pays et en France pour donner à la Kabylie une puissance qu’elle n’a jamais atteinte jusqu’ici. Il y aura de nombreuses actions nouvelles à mener pour toutes ces futures institutions.

Pour que ces projets deviennent réalité j’ai remanié l’Anavad en nommant un premier ministre en la personne de M. Lhacene Ziani. Un homme de qualité, sage et diplomate, engagé, loyal et compétent.

Etant rassuré de ce côté, et ne pouvant pas m’arrêter en si bon chemin, je vais aborder le volet qui va fâcher certains et exalter la majorité des membres de notre famille militante. Il s’agit d’un tournant révolutionnaire qui nous attend et qui va transformer nos rangs de fond en comble.

Le MAK a grandi. Il a donné à la Kabylie une maturité politique telle que nous avons l’obligation d’être à la hauteur des mutations qualitatives que cette croissance nous impose. Nous avons des militantes et des militants d’exception, des cadres de très grande valeur auxquels (cadres et militants) j’exprime autant mon respect que mon admiration. Ils sont tous en mesure d’opérer le changement que l’Histoire nous somme d’accomplir pour ne pas échouer.

Je les appelle toutes et tous à aller vers la discipline.

La phase que nous abordons ne permet plus d’amateurisme, d’approximations, de tergiversations ou de laxisme.

Yessetma, aytma

La discipline est l’une des clés principales de la réussite. Toutes les causes avortées, tous les combats qui ont échoué l’ont été par défaut de discipline au sein de leur organisation.

Quand, dans une structure, un cadre ou un militant passe son temps à critiquer les autres, à émettre des doutes sur les capacités ou la probité des responsables, à faire des crocs-en jambe à ses paires, à se persuader qu’il réfléchit mieux que les autres, il se démobilise et il démobilise ses camarades. A la fin, il fait boule de neige, et ils deviennent nombreux à démotiver, à démobiliser et à décourager le peuple à la conquête duquel on était parti pour accomplir des miracles de l’Histoire.

A l’inverse, même lorsque la cause n’en est pas une (mafia, pègre…) la discipline fait toujours gagner. Les lauréat(e)s, les champion(ne)s, les gagnant(e)s sont des individus et des collectifs disciplinés. La discipline consiste en le respect de trois règles essentielles : le respect de l’autorité, l’engagement et la loyauté.

Il n’y a pas de combat collectif sans autorité. L’autorité est l’attribut de l’ordre, de l’organisation. Elle est la source de la confiance et de la vitalité d’une cause. Refuser l’autorité ou la contester est une atteinte grave à la cause que l’on est censé défendre. Cela ne veut pas dire que l’autorité est exempte d’erreurs mais ses erreurs sont réparables dès lors que son respect demeure.

L’engagement est une qualité qui est soumise à la discipline. L’engagement est affaire de conscience et de convictions. Il implique le respect de l’autorité et de la discipline. L’engagement n’est pas cette qualité que d’aucuns s’octroient à moindres frais par confort moral tout en se permettant indûment de critiquer les vrais militants. Non, l’engagement est respect de la cause et de ceux qui mouillent la chemise pour elle.

Quant à la loyauté, c’est une qualité morale, une exigence de probité sans laquelle il n’y a ni organisation ni cause. L’absence de loyauté est en soi une trahison.

En insistant sur ces éléments indispensables à la conduite du combat politique pour l’indépendance de la Kabylie, je voulais vous dire qu’il est temps de perdre les plis pris ces derniers temps par une grande partie de nos militants et de nos cadres.

Le MAK n’est pas un parti et encore moins une association. On ne doit plus y entrer aussi facilement que c’était le cas jusque-là. Une période de suivi et de mise à l’épreuve est nécessaire. Il nous faut au moins un an d’adhésion pour qu’une recrue acquière le statut de militant et ait le droit de voter. Ainsi, les infiltrations seront sinon déjouées, du moins limitées. Nous ne pouvons pas procéder à des élections à des postes de de responsabilité névralgiques. Il y a eu des précédents où les infiltrations ont déstabilisés de l’intérieur, au pays comme en France, nos structures. Le MAK est un Mouvement de Libération de la Kabylie, un mouvement de libération d’un type nouveau, en ce sens qu’il refuse de recourir à la violence. Les outils juridiques internationaux, la mondialisation de l’information et la force de la mobilisation du peuple kabyle sur le terrain, la détermination des militantes et des militants aidés par des cadres compétents et performants sont en mesure de faire aboutir notre combat libérateur plus vite qu’on le pense.

Aujourd’hui, au sein de nos instances, on doit faire la preuve de sa fiabilité pour postuler à un poste de responsabilité ; il faut mériter le poste non pas en se faisant son clan mais en étant dévoué à l’indépendance de la Kabylie, en en faisant quotidiennement la démonstration sur le terrain.

C’est pour cette raison que j’ai fait appel à un homme d’exception pour mener à bien cette mission d’instaurer la discipline au sein de nos rangs à l’étranger. Mas Ahmed Haddag qui a fait déjà fait ses preuves où qu’il a eu à militer jusqu’ici. Le MAK-France avait vécu du fait des infiltrations qui l’avaient fait voler en éclats. Sa refondation en tant que Réseau-Anavad par voie de décret présidentiel nous prémunit désormais contre toute tentative de déviation et d’accaparement par des infiltrés.

Dès son installation, Mas Haddag a eu à faire à des tentatives de déstabilisation. Sa ténacité, son savoir-faire et ses qualités humaines ont réussi à mettre de l’ordre au sein du Réseau-Anavad. Tous ceux qui veulent nous ramener au fonctionnement folklorique qu’il y avait auparavant se liguent aujourd’hui pour le faire chuter comme ils avaient réussi à le faire avec son prédécesseur, un homme aussi gentil et aussi dévoué que Mas Gaya Izennaxen.

Alors, je le dis sans ambages ! Tous les militants qui attentent à l’autorité de Mas Haddag attentent à la mienne. En s’acharnant contre lui, ils essaient tout simplement de m’isoler, de m’enlever un homme-rempart, compétent de surcroît. Je viens d’apprendre que la dernière réunion qui s’était tenue contre lui à Paris est téléguidée depuis Alger. Nous en avons les preuves. Mas Haddag a sûrement des défauts comme tout le monde mais pas ceux que certains voudraient lui imputer. Il est chargé de mettre sur pied une structure solide qui, au bout de deux ans seulement, organisera des élections à certains postes de direction. Mas Lhacene Ziani et lui ont toute ma confiance. Ils me proposent à la nomination aux postes de responsabilités toute personne qu’ils jugent mériter notre confiance.

La réorganisation va aussi toucher les structures du MAK au pays. Profitant de la vulnérabilité de nos cadres, le pouvoir a mis au point une tactique visant à créer des conflits d’autorité entre l’intérieur et l’extérieur. Il y a des signes annonciateurs d’une dérive amorcée dans cette perspective. J’appelle tout un chacun au sens des responsabilités. De toutes les façons, l’Histoire jugera celles et ceux qui provoqueraient des divisions entre nous.

Dans la lancée de ces dérives, on annonce insidieusement, on distille par petites doses, çà et là, des rumeurs selon lesquelles le pouvoir colonial va négocier avec le MAK en vue d’une autonomie de la Kabylie. Il n’aurait donc fallu que quelques manifestations pour faire plier genou en Kabylie au régime colonial algérien ! La belle affaire ! Celui qui croit à une telle baliverne est soit naïf, soit complice. L’approche, tout à fait informelle, faite auprès de certains hauts responsables du MAK, n’est ni sérieuse ni probante. Elle n’a d’objectif que de diviser nos ranges, toujours entre l’intérieur et l’extérieur puis, entre pro-dialoguistes et leurs opposants, ou inversement. Cette démarche tente de rééditer le coup fatal porté aux Archs. On fera croire à une partie des pros-dialogue que les négociations vont aboutir, puis, dénoncés de toutes parts en Kabylie, le pouvoir colonial va les jeter comme des Kleenex. On sait ce qu’il est advenu de toutes les organisations et de leurs cadres qui ont négocié avec lui.

Il est certain que ce pouvoir préférerait tomber que de négocier une parcelle de ses prérogatives. J’appelle le président du MAK à constituer cet autre rempart pour protéger notre mouvement, l’Anavad et son président et à œuvrer à réaliser sa part de la feuille de route énoncée ici. Le MAK et le Réseau-Anavad doivent devenir une seule et même organisation, sous forme de Confédération MAK-Anavad, avec le principe de primauté du président de l’Anavad en cas de conflit d’autorité.

Enfin, ma tête étant mise à prix, et avec la nouvelle reconfiguration de nos structures, je serai moins accessible pour tous. Je m’en excuse par avance auprès de tous les militants qui n’avaient jusqu’ici, aucune difficulté pour me rencontrer ou m’appeler par téléphone. Aujourd’hui, il faut qu’ils sachent que la présidence de l’Anavad est aussi astreinte aux impératifs de discipline. Sa restructuration est imminente.

Cette discipline devrait nous apporter plus de réussite dans nos actions que nous allons mener les mois à venir. La mobilisation pour les marches de Yennayer, Yevrir 2017 et pour la Journée de la Nation Kabyle (14/06) sera dense et mieux structurée.

Nous travaillons toujours sur le Mémorandum d’autodétermination de la Kabylie que nous allons déposer auprès de l’ONU, dans quelques mois.

Il y a aussi une force de contrainte que nous avons le devoir de former et de structurer sur le terrain. Yessetma, aytma, les chantiers, comme vous le constatez, sont très vastes et nous avons besoin d’une adhésion populaire plus accrue pour que dans 4 ans, la victoire sera à notre portée.

Un dernier mot sur les échéances électorales du pouvoir colonial en Kabylie. Nous les boycotterons bien sûr ! Que les partis politiques kabyles sachent que notre politique défend d’abord les intérêts suprêmes de la nation kabyle. Nous ne sommes pas contre eux, ce sont eux qui sont contre nous. Par leur insertion dans le jeu politique algérien et en se présentant aux élections de nos oppresseurs, ils deviennent des gourdins avec lesquels sont réprimés nos jeunes, les armes militaires avec lesquelles sont abattus nos enfants.

Le pouvoir leur aurait posé un piège en programmant les législatives de 2017 pour le 20 avril, jour de la traditionnelle marche de la Kabylie. Le pouvoir estime qu’il gagne sur toute la ligne. D’un côté, il pense que les partis politiques kabyles vont faire de la rétention de potentiels marcheurs qui, au lieu d’aller manifester, resteraient chez eux pour voter : de l’autre, le MAK, en organisant ses marches, va les priver de voix vitales pour leurs candidats.

Que le FFS et le RCD sachent que le MAK ne sera nullement affecté par ces élections qu’il appelle d’ores et déjà à boycotter. C’est donc à eux qu’il appartient de protester auprès de l’autorité coloniale qui les piège et les méprise.

Yessetma, aytma.

Je compte sur chacune et chacun d’entre vous à être à la hauteur des mutations profondes et des défis qui nous attendent. J’ai confiance en vous. L’heure est au travail et au changement.
Vous êtes la fierté de la Kabylie.

Vive la Kabylie indépendante !
Vive le MAK-Anavad
Hommage à toutes celles et tous ceux qui se sont sacrifiés pour la liberté, la dignité et les droits du peuple kabyle !

Montreuil le 25/09/2016

Ferhat At Sɛid (MEHENNI)
Président de l’Anavad

SIWEL 252337 SEP 16

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