CONTRIBUTION (SIWEL) — La marche récente des partisans du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) à Tizi Wezzu a été, mise à part la marche du 14 juin 2001, la plus importante démonstration publique enregistrée du peuple kabyle. Le mérite revient à deux hommes qui travaillent de concert, l’un depuis l’extérieur, Ferhat At Sɛid (Ferhat Mehenni), président du Gouvernement provisoire kabyle en exil; l’autre depuis l’intérieur, Vuɛziz Ucebbi (Bouaziz Ait-Chebib), président du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) :

 

C’est donc la traditionnelle marche du 20 avril qui commémore les deux printemps, Berbère de 1980 et Noir de 2001 qui draine, selon les organisateurs de la marche, plus de 100 000 personnes. Photos et vidéos à l’appui sur différents sites et médias sociaux nous confortent dans l’idée de ne pas contester les chiffres. De toute façon, le point n’est pas là car on n’a jamais vu autant de monde à Tizi Wezzu à l’appel d’une formation politique ou autre organisation.

D’ailleurs, tous les ans, les deux partis politiques kabyles, que j’appelle affectueusement en kabyle tinuḍin, appellent régulièrement à des marches. Le nombre de citoyens qui répondent à leurs couacs est dérisoire. Idem du côté de nos voisins Algériens. Et même les marches kabyles incluant celles du MAK des dernières années n’ont pas eu non plus autant d’écho. Pourquoi cette année alors ? Que s’est-il passé en 2016 ?

Les grandes choses ne sont jamais le résultat d’un événement ou d’une action. Convaincre et rallier un peuple à une cause n’est jamais une mince affaire. Convaincre un peuple qu’un changement aussi grand tel que l’indépendance, aussi grandiose soit-elle, en moins de deux ans relève de l’inimaginable. Et pourtant ce qui est arrivé en Kabylie en ce 20 avril 2016 tend à lui insuffler une dose de réalité. Cela s’explique, à mon avis, par l’introduction de facteurs et d’agents de changement au sein de la société kabyle.

Le premier facteur et agent de changement est bien entendu le président du MAK, Vuɛziz Ucebbi (Bouaziz Ait-Chebib) et sa façon toute particulière de faire de la politique. Il pratique la simplicité volontaire avec classe. Il va vers les gens en sillonnant la Kabylie et en leur parlant kabyle, leur langue. Il impressionne par la maîtrise de cette dernière. Un copain ayant assisté à un de ses discours m’a avoué que Vuâziz lui avait fait la preuve, sans article ni livre, que des sujets qui semblent impossibles peuvent être débattus en kabyle. Il poursuit que le pire c’est que le discours était un mélange d’histoire, d’économie et de politique et qu’il avait tout compris et tout saisi.

Le second facteur réside dans le contenu du discours, le message. Vuɛziz prêche l’union des Kabyles. Peu importe leur allégeance et religion. Il a appelé à plusieurs reprises à l’union, ar tegmatt. Pourtant, la politique c’est une histoire de rivalité et de discours dénigrant l’autre qui ne pense pas comme nous. On a habitué les Kabyles à ce genre de pratique, surtout entre FFS et RCD. Pourtant Vuɛziz a complètement omi cette façon de discourir. Son focus, en termes d’hostilité, c’est le gouvernement algérien et rien d’autre. Sinon, toujours en terme positif, il met l’accent sur ce que les Kabyles peuvent faire pour eux-mêmes et non ce que les autres peuvent faire pour nous. Il montre et démontre que par le passé, la Kabylie était indépendante et qu’elle est capable de le redevenir aujourd’hui. Ce message tenu avec simplicité et conviction porte et touche les gens.

Le troisième facteur réside dans l’installation de cellules du MAK dans les villages kabyles. Car elle a contribué grandement à la proximité qu’entretien Vuâziz avec les gens. Chaque cellule a chanté l’hymne national, Ass n tlelli, et a hissé le drapeau kabyle. Ces deux petites actions répétées des dizaines de fois peuvent sembler anodines. Et pourtant elles donnent un sens direct au projet d’indépendance car elles permettent aux gens de participer, de se sentir concernés et dans le coup. Tout le monde fait sa part.

Finalement, le dernier facteur et non le moindre qui a joué dans la balance est la crédibilité, l’engagement et le savoir-faire de Ferhat At Sɛid, président du Gouvernement provisoire kabyle en exil. Les gens ont scandé son nom et porté ses photos dans la marche du 20 avril. Connaissant l’absence totale et même l’aversion des Kabyles du culte de la personnalité, ce geste démontre hautement la reconnaissance du peuple du militantisme et du leadership de Ferhat.

Ce qui est très encourageant dans toute cette histoire est le fait que ces agents de changements sont naturels chez ceux qui les portent. Ils sont là pour rester. Ils vont rester pour cimenter l’idée qu’une Kabylie indépendante est une Kabylie plus forte car libre. Ils vont rester pour convaincre plus de 100 000 personnes de marcher le jour J.

Mack Ait-Aoudia

SIWEL 110145 MAI 16

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