Aux tenants d’un nationalisme algérien où bout la haine du Kabyle

CHRONIQUE (SIWEL) — Ce soir, ma voix est celle d’un enfant d’Aokas. Alger lui interdit l’accès à sa propre culture. Dans le nationalisme de l’État algérien bout la haine de ce qui n’est pas arabe, plus précisément, du Kabyle. Ce genre de nationalisme a un autre nom : le fascisme.

Biologiquement, je suis né kabyle. Je suis donc hors de portée de la débilité qui escorte votre infirmité cérébrale. Je suis un amazigh né contre Rome et à titre de conséquence, la lutte anticolonialiste est une spécialité que j’exerce depuis 2000 ans. La liberté dans mes cris n’est pas issue d’une corrélation philosophique de fortune ou de hasard, elle est ancrée dans mon souffle. Il est donc inutile d’amender mon histoire par un quelconque décret ou de me demander d’être moins redoutable. Il est inutile de semer le doute sur la justesse et la nécessité de mon combat, toute tentative de l’étouffer sera vaine. Et si je tombe, un autre naîtra de mes cendres avec plus de virulence dans les poings.

En attendant, avec tous les volts de ma rage et de mon mépris, je vous interdis d’apprendre à mes enfants de suivre vos spécimens illuminés et vos pseudo-penseurs qui nous infligent, de barbes hérissées, des mouvements saccadés dans une gandoura afin de disloquer le rythme gracieux de la forme humaine. Je refuse à mes enfants le spectacle de vos extases et les paroles qu’énoncent vos sorciers en transes. Je les mettrai à l’abri de votre langue que vous dites hériter du Ciel et des ressorts de vos écoles aux ondes négatives. Je les protégerai de la transmission de votre pensée lugubre et de votre visage corrompu par l’artifice de vos dogmes et de vos rites combinés en manuel du meurtre. Vous n’obtiendrez jamais leur adhésion.

Le monde poursuit sa marche dialectique, il fonce vers l’avenir et vous croyez encore possible de générer des bataillons à votre image. Restez accrochés à vos fantasmes morbides, rêvassez dans des orgies de pathos. Vous, généraux félons, ministres sacripants et émirs virtuels de l’ordre ancien qui tantôt se coudoient tantôt s’entrechoquent en pertes et profits. Hilares devant les plus sadiques, les plus égrillards des supplices; votre conscience est remplie de cadavres, votre mémoire est pleine d’effigies en pleurs, vos enseignements fabriquent le deuil dans les poitrines des mères. Votre sainteté est auréolée de lumières sales, vous empestez le cidre des caveaux. Je suffoque de la fourberie de votre morale et la duplicité de vos discours fallacieux m’étouffe. Je reste incrédule devant vos cruels préceptes par lesquels vous tentez de forcer l’humanité entière à croire que vous êtes les seuls que Dieu guide. Génocides, menaces et commerce absurde sur l’imagerie de l’au-delà, voilà votre Kit de gouvernance. Je plane au-dessus des laconiques méprises de votre raison, abrégé du piège, de la ruse et de la sottise. Je rejette vos pédagogies aiguisées en bretelles de soutien aux terroristes assassins.

Votre Algérie n’est plus audible, vous l’avez humiliée, truffée de mensonges, de victoires frauduleuses, de moudjahidine suspects, d’indu-élus rongeurs et budgétivores et d’historiens tartufes qui se veulent béquilles de votre fumisterie. Vos programmes définitivement établis répondent de votre délire et vos assemblées cuisinent la législation de votre imagination ténébreuse. Vos contrées sont livrées aux faux prophètes. Vos pipeaux conditionnent l’enivrement abusif des concurrents à la vie éternelle. Vos mains restent tachées de sang et votre fiscalité est au recouvrement comptable des assassinats que vous avez commis à titre d’impôt par la nécessité d’éterniser votre imposture. Partisans du progrès, travailleurs de la culture et tant de cris de femmes que vous avez étouffés, Kamel Amzal, Tahar Djaout, Alloula, Katia Bengana, Nabila Djahnine, Amel Zenoun, Matoub Lounes, Meziane Mehenni et bien d’autres sont morts, vous les avez tués. J’exprime ma solidarité définitive à leur mémoire. Rien que l’évocation de leurs noms sème en vous la panique.

À jamais, ma voix intraitable s’opposera à votre narcissique loi sur la sacralisation de la langue arabe. Je fusionnerai mes forces, ma sensibilité, ma rage et ma poésie pour vous crier en kabyle, en français et en arabe s’il s’en faut : je vous maudis ! Je ne suis pas de chez vous. Je suis de la Kabylie maquisarde qui refuse résolument de sombrer dans le purgatoire arabo-islamiste quelles que soient les étiquettes qu’il plaît à Bouteflika de lui apposer via kabyles de service interposés. La Kabylie, la belle la rebelle, n’attendra pas votre permission pour exister, elle finit de forger son destin dans le feu de la résistance.

Il faut que les Kabyles de service déchirent leur part de souvenirs avec le Djurdjura. La Kabylie a longtemps saigné, ses martyrs siègent au présidium suprême des ancêtres, que les vassaux aillent donc boire à la source de leur mémoire l’honneur et la dignité qui leur manquent. S’ils désirent la remise à niveau de leurs consciences, il est temps.

Djaffar Benmesbah

PS : Dans cet écrit, j’ai repris quelques images de mon texte sur l’assassinat de Matoub dans « vérités, anathèmes et dérives ».

SIWEL 272047 Jul 17 UTC

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