PARIS-ALGER (SIWEL) — A quelques jours du départ d’une délégation d’officiels français, conduite par le premier ministre Manuel Valls, pour une nouvelle visite « de travail » en Algérie, Ferhat Mehenni, le président du Gouvernement provisoire kabyle, a estimé être « fondé à clamer que la France n’a pas le droit de conclure des traités avec l’Algérie sur le dos du peuple kabyle ».

Nous publions ci-après l’intégralité de la lettre adressée par le président du Gouvernement provisoire kabyle, Ferhat Mehenni, au premier ministre français, Manuel Valls :

 

ANAVAD AQVAYLI UΣḌIL
GOUVERNEMENT PROVISOIRE KABYLE
PROVISIONAL GOVERNMENT OF KABYLIA
PRÉSIDENCE

LETTRE A MONSIEUR MANUEL VALLS
PREMIER MINISTRE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Monsieur le Premier Ministre,

Vous allez effectuer une visite de travail de deux jours en Algérie, le 09/04/2016.
Permettez-moi à cette occasion, de vous inviter à partager, le temps de cette lettre amicale, quelques visions spécifiques qui nous mèneront bien au-delà de l’étroite « raison d’Etat » qui censure dans les médias français, tout ce qui a trait au MAK (Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie) et à l’Anavad (Gouvernement Provisoire Kabyle).

Les relations algéro-françaises sont complexes et chaotiques depuis 1962. Et la France est seule à croire en leur possible amélioration.

Le poids du passé colonial est surexploité pour nourrir la haine et promouvoir les contrevaleurs qui font échec à tout ce qui fait le rayonnement international de l’Hexagone ; arabo-islamisme contre laïcité et culture judéo-chrétienne, archaïsme contre développement, dictature contre démocratie, répression contre respect des droits humains, asphyxie économique contre liberté d’entreprendre, arabophonie contre francophonie,…

Cependant, c’est avant tout sur des considérations géopolitiques et géostratégiques que je voudrais attirer votre haute attention.

Si, en Afrique du Nord, l’Algérie est la fille aînée de la colonisation Française, elle n’en a pas moins été mal conçue.

Le fait de lui avoir annexé la Kabylie, à partir de la bataille d’Icherriden, le 24/06/1857, a été le point de départ d’une contestation qui a abouti à l’indépendance de l’Algérie en 1962.

La Kabylie qui n’a jamais accepté la perte de sa souveraineté, réclame à ce jour son droit à son autodétermination.

Lors de la visite de votre Ministre des Affaires Etrangères, Monsieur Jean Marc Ayrault, le 29/03/2016, à Alger, une conférence de presse a été tenue avec son homologue algérien qui avait demandé à la France d’infléchir sa position sur le Sahara dit « Occidental » et de soutenir le droit à l’autodétermination que revendique Alger.

Il est pour le moins incohérent qu’un droit réclamé au bénéfice du Polisario qui veut édifier un autre Etat arabe en terre amazighe, soit refusé à la Kabylie qui y aspire de toutes ses forces.

Cette aspiration est régulièrement réprimée depuis 1963.

En 2001 les gendarmes algériens ont tiré sur de pacifiques manifestants kabyles parmi lesquels on dénombra près de 6000 victimes dont 1200 handicapés à vie et près de 130 morts.

Le 20 avril 2014, un témoin oculaire avait filmé la scène montrant la sauvagerie avec laquelle la manifestation traditionnelle de la Kabylie fut réprimée. Je vous en joins le lien

Pour le 20 avril de cette année, les autorités coloniales algériennes en Kabylie s’apprêteraient à organiser une contre-manifestation composée essentiellement de policiers en civil et de délinquants notoires pour agresser les manifestants du MAK. Nous placerons des caméras tout le long de la marche pour filmer l’événement et identifier les agresseurs.

Monsieur le Premier Ministre,

Je suis fondé à clamer que la France n’a pas le droit de conclure des traités avec l’Algérie sur le dos du peuple kabyle.

La reconfiguration géopolitique de la Région est, nous le croyons, une nécessité comme l’est l’avènement sur la scène internationale d’une Kabylie souveraine. Celle-ci sera un allié naturel de la France avec laquelle elle partage déjà, entre autres, la langue et les valeurs.

Elle sera nécessairement un facteur de stabilité et de sécurité, comme elle coopérera dans tous les domaines avec son voisinage nord-africain et euro-méditerranéen.

Evoquer la Kabylie avec vos interlocuteurs algériens serait un acte gravé dans la mémoire éternelle des peuples kabyle et de ceux de la Région.

Vous redonneriez à la France, un élan à la hauteur de ses ambitions consistant à redessiner les contours d’un monde plus fraternel, apaisé et prospère.

Dans l’attente de ce geste, veuillez croire Monsieur le Premier Ministre, en la disponibilité de la Kabylie au dialogue et à l’action en faveur de l’amitié et de la paix entre les peuples, à commencer par les nôtres.

Exil le 04/04/2016
Ferhat MEHENNI
Président de l’ANAVAD

PS : Je manquerais de sens de solidarité si je n’évoquais pas dans cette lettre les détenus politiques du Mzab (Ghardaïa), à leur tête le Dr Kamel Eddine FEKHAR (militant des Droits Humains) qui croupissent arbitrairement et dans des conditions sanitaires inhumaines dans les geôles du Sud, pour avoir voulu défendre les leurs contre les agressions mortelles orchestrées par Alger, et encadrées par des corps de sécurité.

SIWEL 041427 AVR 16

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