Interview du Président de l’Anavad sur Monde Afrique : « L’avenir appartient à la Kabylie indépendante »

INTERVIEW (SIWEL) — Nous reproduisons ci-dessous l’interview accordée par le Président de l’Anavad, Mass Ferhat Mehenni, à Monde Afrique et publiée aujourd’hui 9 avril. Interview réalisée par Farid Benmokhtar.

Mondafrique : Votre mouvement politique, le MAK, a 16 ans d’existence. Comment appréciez-vous l’adhésion du peuple Kabyle aux idées qu’il défend ?

Ferhat Mehenni : Redonner confiance au peuple kabyle et l’amener à croire en son avenir d’indépendance a été un travail de longue haleine. La suspicion légitime envers une classe politique qui l’a toujours trahi a été le plus grand obstacle à vaincre. Mais par la constance, la fermeté et la compétence de ses cadres, le MAK-Anavad est parvenu à cristalliser toutes les aspirations de liberté de la Kabylie. Ses marches, depuis 2009 drainent des foules toujours plus gigantesques.

Dans une dictature coloniale comme celle de l’Algérie d’aujourd’hui, où il n’y a ni sondage d’opinion, ni liberté d’expression, il y a deux façons de mesurer l’adhésion de la Kabylie au MAK et au Gouvernement Provisoire Kabyle : l’organisation de marches populaires et le respect de ses consignes de boycott des élections. Toutes ces démonstrations, et particulièrement celles du 20 avril 2016 et de yennayer 2017 (12/01, jour de l’an amazigh) sont ainsi, pour nous, autant des plébiscites en faveur de l’indépendance de la Kabylie.  ylie.

Quelles ont été, selon vous, les actions clé du mouvement ? 

En plus de ce travail de fourmi accompli sur le terrain par des militantes et des militants, et ayant abouti à faire de notre Mouvement la principale force politique de la Kabylie, il y a lieu de saluer la mise sur pied du gouvernement provisoire en exil (01/06/2010), la carte d’identité kabyle, l’élection d’un drapeau kabyle (10/03/2015), et la tenue du troisième congrès au nez et à la barbe de la police coloniale (26/02/2016).

Sur la scène internationale, qui sont les soutiens du mouvement d’autodétermination de la Kabylie ?

Pour le moment, le seul pays à avoir défendu, devant l’assemblée générale de l’ONU, le droit du peuple kabyle à l’autodétermination, est le Maroc, (octobre 2015). Il faut aussi rappeler que dans un monde sourd et aveugle, où l’on n’entend que le bruit assourdissant des guerres et l’on ne voit que les fleuves de sang des victimes de ces dernières, il est très difficile d’avoir de la visibilité. Un peuple qui se bat pacifiquement pour son indépendance n’intéresse pas les médias et les chancelleries. C’est comme si, les géostratèges des grandes puissances poussent les peuples opprimés à prendre les armes pour enfin mériter leur regard et leur soutien.

Tant pis ! Nous ne tomberons pas dans ce piège. Nous avons d’autres plans, d’autres démarches, loin de la violence armée. Nous voulons faire triompher la cause de l’indépendance de la Kabylie par l’application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le droit et rien que le droit ! Cela est plus ardu et beaucoup plus courageux que de recourir à la guerre.

Quels projets à venir vous permettrons de réaliser vos objectifs d’autodétermination ?

Le projet d’un parlement kabyle auquel s’attelle notre Premier Ministre, Mas Lhacene Ziani, sera un jalon de même importance que l’Anavad en son temps. La mise sur pied d’un Fonds de Souveraineté de la Kabylie, d’une radio et d’une télévision dédiées au combat pour l’indépendance de la Kabylie seront autant d’atouts pour instaurer une autorité politique et morale du MAK sur la Kabylie pour supplanter celle du pouvoir colonial algérien.

Toutefois, immédiatement, c’est le dépôt d’un Mémorandum auprès de l’ONU pour plaider en faveur du droit du peuple kabyle à l’autodétermination qui nous prend tout notre temps.

Y a-t-il des ONG ou des Etats qui soutiennent votre démarche de dépôt de mémorandum à l’ONU ?

Nous venons de signer un accord de coopération avec l’Alliance Liberté Europe (ALE, EFA en anglais) lors de son assemblée générale annuelle tenue à Katowice (Silésie, Pologne) le 31/03/2017. L’ALE, présidée par M. François Alfonsi nous a accueillis fraternellement en son sein. C’est là, pour nous, une reconnaissance internationale de la cause kabyle. Que l’ensemble de membres de cette organisation qui dispose d’un groupe parlementaire à l’Union Européenne, trouve dans ces lignes les remerciements de toute la Kabylie.

Dans un mois, nous serons membres d’une organisation internationale ayant statut d’observateur permanent à l’ONU.

Enfin, nous venons de nommer notre premier corps diplomatique de l’histoire de la Kabylie. Nous sommes en marche. L’avenir appartient à la Kabylie indépendante.

Dans votre ouvrage, « Le siècle identitaire » paru en 2010, vous qualifiez l’ONU de « syndicat des Etats établis ». Pensez-vous que cette organisation va donner une réponse favorable à votre demande ?

Les Etats issus de la décolonisation, qu’ils siègent à l’ONU ou à l’Union Africaine sont des obstacles à l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ils font partie d’une géopolitique qu’ils veulent immuable, à tort ; car le monde n’arrêtera jamais de faire évoluer ses frontières. Aujourd’hui, il serait salutaire de dépasser la géopolitique coloniale au profit de celle des vrais peuples comme le peuple kabyle.

La Kabylie, à travers ce Mémorandum, trace une nouvelle voie pour l’humanité. Elle met le doigt sur le mal de la dictature consubstantielle à l’Etat colonial dont a hérité plus de la moitié de l’humanité. Ce sont les grandes puissances, à la pointe du progrès et des idées auxquelles nous nous adressons en premier lieu. C’est la conscience de toute l’humanité que la Kabylie interpelle à travers cet historique document.

Le « printemps berbère » célèbre son 37ème anniversaire dans moins d’un mois. A cette occasion, le pouvoir algérien a décidé d’interdire les conférences qui portent surtout sur la culture en Kabylie. Quelle est votre réaction face à cette situation ?

Pour qu’il y ait pouvoir en Algérie, il faut qu’il ait une tête. Bouteflika n’a plus la sienne. L’Algérie vogue au gré des coups de force des clans et sous-clans qui composent ses sphères de décisions aux intérêts opposés.

Dans cette situation de confusion générale, la répression contre la Kabylie n’est qu’une manière de faire croire qu’il existe encore un semblant d’autorité de l’Etat. Il n’y a plus rien ! C’est la débandade générale. Ce sont les services français qui tentent vaille que vaille de maintenir en Algérie une machine étatique dont ils ne maîtrisent plus les rouages. Il faut qu’ils sachent que nous comprenons leurs préoccupations mais que seule la Kabylie peut leur apporter la solution qu’ils cherchent à la situation. La Kabylie a les moyens de stabiliser et de sécuriser tout son environnement algérien, à condition d’accéder à son indépendance.

Dans un mois, plusieurs échéances électorales se tiendront en France (présidentielles) et en Algérie (législatives). Quelle est la position de votre mouvement par rapport à ces scrutins ?

En France, nous apporterons notre soutien aux candidats favorables au droit du peuple kabyle à l’autodétermination.

En Kabylie, nous boycotterons les législatives. Les élections sont le poumon du système colonial algérien et le vote le fait respirer. Nous sommes là pour l’étouffer.

Il existe d’autres partis kabyles, le FFS et le RCD, qui crient à la fraude mais souhaitent tout de même participer à l’élection ? Que pensez-vous d’eux ? 

Ils n’ont plus leur force d’antan et ils ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Je les invite à se retirer pour construire avec nous l’indépendance de la Kabylie.

Je vous laisse le dernier mot pour conclure cette interview

Merci à Mondafrique de nous avoir ouvert ses colonnes.

La Kabylie vaincra. Elle sera bientôt indépendante. De concert avec ses voisins européens et immédiats, elle reconfigurera l’environnement méditerranéen dans le sens de la solidarité, de la coopération pour la stabilité politique, la prospérité économique et le rayonnement culturel multiforme.

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SIWEL 091847 Apr 17

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